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Foule de la musique ce 21 juin à Bordeaux

Quelles impressions tirer de la 26e édition de cette fête créée en 1982 par Jack Lang, sous le règne de Mitterrand ? La musique, oui, elle mérite d’être célébrée, le principe étant d’offrir à chacun l’occasion de jouer d’un instrument ou d’y aller de son déchaînement électrique avec son groupe de rock, composé d’adolescents fougueux et approximatifs et de quinquagénaires à la technique plus sûre pour une énième version de I can’t get des Stones. Ensuite, on trouve des chorales improvisées ou éprouvées, des fanfares, des jazz bands, rarement des quatuors venus délivrer un délice à la Debussy. Se distinguent également les manifestations improvisées, un peu de matos, une prise de courant, un coin de rue ou une terrasse de bar... et d’autres manifestations plus officielles, qu’il est préférable de bouder si on ne veut pas avoir le sentiment d’assister à un simple concert gratuit offert par la mairie.

Hier soir, équipé d’un vélo, j’ai commencé ma tournée par une manifestation sur la grande place de Talence. Après la présentation d’un livre consacré au rock à Bordeaux, ce fut l’occasion d’entendre le groupe Maybee, fort belle prestation de pop progressive exécutée par des quinquas qui n’ont rien perdu de leur talent depuis les seventies où ce groupe éclusait déjà les petites salles. Bref, un transport dans le temps, visible aussi à l’apparence des instruments utilisés qu’on devine d’un âge plus que certain. Mais la musique ne vieillit pas.

23 heures, direction place de la Victoire, haut lieu de rassemblement festif de la jeunesse étudiante, avec ses dizaines de cafés. Visiblement, le tram n’était pas adapté à la demande et les rails étaient empruntés par une cohorte de jeunes se rendant à pied vers la fête, certains avec une bouteille d’un liquide blanc qu’on devine ne pas être de l’eau, vodka, gin ou tequila, c’est plus certain. La vente de boissons étant apparemment interdite, au grand dam des vendeurs d’un soir venus se faire un peu de thune, beaucoup semblaient avoir pris les devants avec un breuvage qui, on le sait, commence à faire quelques ravages et se consomme de plus en plus tôt, avec de moins en moins de modération, chez une jeunesse qui, ne connaissant visiblement pas la tradition russe, se plaît parfois à jeter la bouteille dans la rue, plutôt qu’un verre, en général absent. Auquel cas, mieux vaut être équipé de pneus renforcés au kevlar. Ce qui est mon cas, n’ayant pas eu à rentrer en poussant la bicyclette, mais sans Paulette...

Le parcours entre la place de la Victoire et la place Pey-Berland offre une vision surréaliste. Le tronçon de tram conduisant vers le terminus des Quinconces a été fermé par les autorités, comme du reste pendant les grandes manifestations, du CPE notamment. Des centaines de gens déambulent et le vélo peine à se frayer un passage. Une foule étonnante, dense, hétéroclite, donne l’impression d’une société qui se réveillerait, bien que l’ambiance soit assez calme. En fait, nous découvrons à l’occasion que dans une grande ville, il y a des tas de gens, et on n’imagine pas tous ces gens qui la journée travaillent et le soir regardent la télé. La Fête de la musique ressemble alors plus à une sorte de fête païenne, une célébration orgiaque sans orgies, simplement un rassemblement de promeneurs venus se promener pour célébrer ce qui est devenu un rituel bien plus prisé que la messe de minuit ou le bal du 14 juillet.

Ayant fréquenté les précédentes éditions, une chose est certaine, la fête a pris une ampleur, après quelques années à vide, notamment lorsque Juppé fut élu en 1995. Certaines éditions ont été carrément ratées. Celle-ci, ni ratée, ni réussie pour ce qui est de la musique, mais un succès populaire. Des promeneurs, oui, en majorité, cherchant la curiosité à découvrir mais au bout du compte, chacun trouve ce qu’il apprécie, le rock, le jazz, le bruit, le verre d’alcool, demandez le programme, il y en a pour tous les goûts et toutes les générations. Le pire mais aussi le meilleur comme dans cette devanture d’un café cours de l’Intendance où un band gratifia le public d’un blues rock exécuté dans la pure tradition de la Doors attitude, du moins en musicalité.

Et à voir ces gens, à les scruter, à sonder l’ambiance, on se dit que peut-être, la défaite de Juppé aux élections n’est pas si étrange que cela et que Bordeaux, ville bourgeoise et coincée dans l’image des Français, est plus populaire qu’il n’y paraît, et aussi une grande rockeuse d’entre les villes de ce pays, rockeuse, festive, témoignant d’un désir de bouger qui s’est manifesté à l’occasion de cette fête mais qui semble plus réfrénée le reste de l’année. La Fête de la musique dépasse le thème assigné par les autorités, c’est autre chose, à observer de plus près, une fête païenne pour début de XXIe siècle.


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2 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 22 juin 2007 14:32

    c’est sûr qu’à Fos sur mer il y avait moins de groupe à voir , mais on avait tous les bars ouverts smiley et comme c’était à 300 m de chez moi , pas besoin de vélo

    Pour moi soirée très rock’n’roll avec un ami autrichien qui a pu apprécier cette bonne nouvelle tradition française en compagnie des airs de CCR , steppen wolf , AC/DC et autres led zep , mais ceux qui aiment avaient du blues , du rap , de la techno etc etc

    bien à toi


    • Marsupilami Marsupilami 22 juin 2007 16:26

      Commentaire sans aucune poésie : hier soir comme depuis des années, moi c’était Boules Quies et pince-à-linge sur le nez pour oublier les amplis monstrueusement saturés de décibels puants et les odeurs de merguez aux sons assourdissants. Beurk.

      Bon, un peu de poésie quand même, sur un mode élégiaque et quasi nostalgique : la première fête de la musique, en 1982 ou 1983, ne ne sais plus, c’était super. Pas un seul décibel issu d’un wall of sound pour futur sourdingue. Trilles légers de flûtiaux, accords aériens de guitares accoustiques, voix ferventes de chorales diverses dans la nuit des rues, pas un ampli cherchant à être plus bruyant que celui de juste à côté, pas une chipolata se disputant la graisse d’une mergez, une joyeuse, libre et éphémère polyphonie que ne recouvrait aucun groupe avec tout son matos. Une nuit de rêve.

      Tout de suite après est venu le règle des amplis et des mergez, fumées écœurantes et décibels mélangés dans un brouet à parfum d’enfer.

      Et depuis ça continue. En plus des vandales bourrés à la Kro ont tatanné la porte de mon immeuble jusqu’à la faire exploser, juste pour y jeter une canette de Coca light à demi-pleine.

      Vive la fête de la musique, des mergez et des décibels !

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