La croissance, une équation simple !
Pas un jour sans nouvelle de la croissance. Souvent mauvaise d’ailleurs. Politiques, économistes, journalistes, lui font la part belle. Elle alimente leur fonds de commerce. Chacun essaie en prononçant son nom, de mettre en avant son talent ou l’étendue de son ignorance. Une commission ad hoc a même été érigée pour mieux comprendre les maux dont elle souffre, en France.
Pour le commun des mortels, dont nous sommes, Le Petit Larousse la définit, in extenso : "la croissance se caractérise par... l’augmentation de la production nationale de biens et services".
Les choses sont donc claires. La croissance n’est pas un concept. La croissance est une réalité basée sur la production nationale d’un pays.
Il suffit d’avoir la production d’un pays, pour connaître sa croissance !
Pour la France, l’Insee définit la production comme étant "l’activité exercée par une unité... pour fabriquer des biens ou fournir des services". Il définit aussi la manière de quantifier ces biens et services, pour obtenir le PIB (produit intérieur brut) : "le PIB est égal à la somme... des biens et des services (consommation finale, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations".
Pour cet agrégat national, on a donc l’équation suivante, aux variations de stock près - souvent marginales, que des organisations internationales telle que l’OCDE n’intègrent pas dans leurs statistiques générales :
PIB = Cf + FBCF + X - M (*)
Le PIB est donc bien l’équation, en termes de volume de biens et services, sur laquelle les services de l’Etat vont s’appuyer pour calculer le taux de croissance de l’économie. Il suffira pour cela, de mesurer la progression d’un PIB par rapport à un autre.
Ainsi, on dira que la croissance annuelle d’un pays a été de 3 % si son PIB, en volume, est passé d’une année sur l’autre de 1 000 à 1 030 milliards d’unités monétaires, par exemple.
Basée sur la production nationale de biens et services, la croissance est effectivement le reflet fidèle du dynamisme de l’économie qui la porte. Un bon chiffre de croissance est toujours recherché. Il est annonciateur, notamment, de création d’emplois, de richesses et aussi de marges budgétaires, car générateur de rentrées fiscales nouvelles.
Pour 2007, la plupart des pays afficheront fièrement leur taux de croissance. Il sera de 5 % en moyenne pour la planète. Très certainement inférieur à 2 % pour la France.
L’équation précédente du PIB a le mérite d’être simple. Elle montre en effet quels sont les principaux éléments qui structurent cet agrégat. Parmi eux, trois sont les moteurs indispensables à toute croissance : la consommation finale des ménages (CF), la formation brute de capital fixe (FBCF) et les exportations (X). Quant aux importations (M), elles viennent en déduction.
Afin d’être concret et de mieux appréhender ce que sont les moteurs de croissance d’une économie, prenons l’exemple préféré des Français : la comparaison avec l’Allemagne. Voyons pourquoi en 2006, le PIB allemand a progressé de 2,7 % par rapport à celui de 2005, alors que la variation du PIB français, lui était inférieure de presque 30 % ?
Que nous apprend l’OCDE sur la structure des deux PIB ?
Année 2006 (Mds €) |
PIB (approche production prix courants) |
Cf |
FBCF |
X |
M |
France (population : 63 195 000) |
1792 = |
1440 |
378 |
481 |
507 |
Allemagne (population : 82 366 000) |
2322 = |
1783 |
412 |
1047 |
920 |
Source OCDE septembre 2007
En pourcentage, ce tableau devient le suivant :
Année 2006(Mds €) |
PIB |
Cf |
CF/PIB |
FBCF |
FBCF/PIB |
Solde X-M |
Solde X-M /PIB |
France |
1792 |
1440 |
80,4 % |
378 |
21.1 % |
- 26 |
- 1,5 % |
Allemagne |
2322 |
1783 |
76,8 % |
412 |
17.7 % |
127 |
5,4 % |
C’est clair et limpide ! La distorsion de croissance entre l’Allemagne et la France, ne se fait pas du tout sur la consommation finale (CF), ni sur la formation brute de capital fixe (FBCF). Contrairement à l’idée souvent avancée, sur ces deux facteurs de croissance, l’avantage est même en notre faveur.
Non, le point noir est le solde de notre commerce extérieur ! Incroyablement négatif. Pourtant, nous avons la même monnaie. Mais, cela est un autre sujet, que nous avons souvent traité dans ces colonnes.
Ensuite, par rapport à la population, l’Allemagne exporte 1,7 fois plus que nous par habitant, alors que le différentiel d’importations n’est que 1,4.
Face à ce constat terriblement évocateur et, que les chiffres de l’OCDE mettent bien en évidence : si la balance commerciale française était tout simplement équilibrée, par plus d’exportations, notre croissance gagnerait 1,5 point. Et, elle dépasserait aisément les 3 % tant recherchés par le gouvernement !
Cela démontre, que toute solution qui viserait essentiellement à centrer nos efforts sur l’augmentation de la consommation finale des ménages et sur la FBCF de notre pays, serait une ineptie économique.
C’est notre commerce extérieur et, seulement lui, qui plombe notre performance de croissance. Peut-être à hauteur de 80 % ? Si c’est le cas, il faudra alors faire peser sur ce déficit commercial, 80 % des efforts que consentira la nation pour rétablir son équilibre, le transformer en excédent et donc... en moteur de croissance vigoureuse. Naturellement, un déficit est toujours le résultat de deux colonnes. S’il faut, dans le cas d’espèce, accroître la colonne "exportations", il conviendra aussi de travailler sur celles des "importations". C’est de cet ensemble, et uniquement de celui-ci, que le fameux 1 % qui nous manque devra être tiré.
En conclusion, il faut espérer, que la commission Attali, dédiée à ce sujet, concentre aussi ses recommandations sur les voies et moyens qui permettront de restaurer rapidement la compétitivité structurelle de notre balance commerciale. Cette commission aura ainsi pu démontrer au cours de ses travaux, comme nous venons de le faire, que la croissance de tout pays passe finalement par la résolution d’une équation assez simple.
Pour la France, il conviendra donc de mobiliser les entreprises sur la production de biens et services exportables, c’est-à-dire, correspondant aux besoins des consommations finales et intermédiaires des ménages et des entreprises... des pays étrangers, évidemment.
(*) Éléments tirés de la base de l’Insee :
Cf = consommation finale des ménages... qu’ils supportent directement après remboursements éventuels.
FBCF = formation brute de capital fixe, constituée par les acquisitions moins cessions d’actifs fixes réalisées par les producteurs résidents.
X = exportations. Ensemble des biens et des services fournis par des résidents à des non-résidents, à titre onéreux ou gratuit.
M = importations. Ensemble des biens et des services fournis par des non-résidents à des résidents, à titre onéreux ou gratuit.
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