RD Congo : un secteur aéronautique plombé par la mafia
Depuis les cinq dernières années, des dizaines d’accidents sont à déplorer et les plus récents sont survenus en octobre 2007, date à laquelle le ministre du transport fut limogé pour « incompétence » ; un bouc émissaire cachant un autre secteur opaque qui octroie des licences de navigation à coup de « billets verts » pour les vieux avions russes et occidentaux déjà sur la liste noire de l’Union européenne. Le dernier accident du 15 avril 2008 ne freinera pas un secteur très rentable dans un pays qui pèche par l’absence de grands réseaux routiers intérieurs.
Un rescapé de l’accident survenu à Goma a étonné les médias en annonçant qu’il a survécu en sortant de l’avion jusqu’au toit d’une maison de Birere, à Goma, à partir d’une ouverture découverte dans l’avion avant le crash. Un accident qui a fait une trentaine des morts et plus de quatre-vingts blessés et qui vient s’ajouter au dernier survenu en octobre 2007 par un Antonov 26 dans lequel cinquante personnes furent tuées et trente-deux blessées.
La RD Congo, est un vaste pays étendu sur plus d’un million de kilomètres carrés avec un seul grand débouché maritime en forme d’une bande étroite vers le Bas Congo. Le reste du pays est jonché de forêts équatoriales, de terrasses montagneuses et de plateaux couverts des savanes. Avec la concentration du pouvoir administratif et politique du pays et en l’absence d’un réseau routier digne de ce nom, tout chemin mène à Kinshasa. Désormais, le pays est devenu un grand marché de l’aviation civile pour transporter des milliers d’hommes d’affaires, des milliers de personnel administratif, des milliers de tonnes de produits alimentaires dans la capitale Kinshasa pour faire vivre et nourrir les 6 millions d’habitants de cette ville. L’avion est le seul moyen d’offrir ce service à celles et ceux qui veulent fructifier leurs affaires, celles et ceux qui veulent décrocher des postes administratifs au niveau de provinces. Un vaste marché assuré par les anciens ministres, actuels ministres, des gouverneurs, des hommes d’affaires ayant fait fortune pendant l’exercice de leurs fonctions, à l’exploitation et le commerce de matières précieuses. Des avions, vieux Antonov russes de seconde main, sont importés de Russie et des anciens territoires soviétiques, avec les pilotes au chômage dans leurs pays. D’autres avions, qui valent dans la plupart des cas moins d’un million de dollars, sont importés de l’Asie et de l’Amérique latine pour satisfaire la demande en transport des Congolais qui souhaitent voyager à l’intérieur de leur pays. Cependant, plus de la moitié des avions qui volent en RD Congo ont été amortis dans leurs pays d’origine, mais roulent encore dans ce pays où tout est possible avec l’argent. Il n’est pas étonnant que l’Union européenne considère que plus de cinquante compagnies aériennes congolaises restent des compagnies à risques et sont sur sa liste noire. Des compagnies qui transportent des milliers de Congolais à travers le pays sans soucis ni remords pour leurs propriétaires sur des chiffres d’affaires avoisinant les 50 millions de dollars annuellement. Des compagnies devenues de véritables tombeaux volants et fiables que par leurs noms et logo. Il s’agit d’African Air Commuter SARL, Africa One, Aigle aviation, Air Beni, Air Boyoma, Air infini, Air Kasaï, Air navettes, Air Tropiques, Bel Golb Airlines, Blue Airlines, Bravo Aircongo, Business Aviation, Butembo Airlines, Cargo Bull Aviation, Cetraca Aviation Services, CHC Stelavia, Compagnie africaine d’aviation, Doren air cargo, El Sam Airlift, Espace aviation civile, Filair, FreeAirlines, Galaxy Air, Goma express, Great Lake Business Company, Hewa Bora Airways (HBA), ITAB, Katanga Airways, Kivu Air, LAC (Lignes aériennes congolaises), Malila Airlift, Malu aviation, Piva Airlines, Rwabika Bushi express, Safari Logistics, Safe Air Company, Services Air, Sun Air Services, Tembo services, Thom’s Airways, TMK Air Computer, Tracep, Trans air cargo services, TRaco (Transports aériens congolais), Virunga air charter, Wimbi Dira Airways, Zaabu International, etc. Une liste non exhaustive, mais qui montre l’importance du transport aérien dans ce pays qui manque énormément de routes transrégionales pour évacuer les produits des provinces vers les grandes villes du pays. Certaines compagnies n’existent que de nom ; ayant confirmé leur existence à coût de milliers des dollars pour disposer d’une licence de navigation auprès du ministère des Transports. Un ministère qui change parfois de responsables pour des raisons plus mercantiles que de bonne gouvernance. Tous les responsables de ce ministère, qui gèrent les services aéronautiques, sont devenus des millionnaires monnayés par les hommes d’affaires nationaux et étrangers qui se servent de ces compagnies pour faire un véritable hold-up du pays en évacuant frauduleusement les matières précieuses dans les pays voisins pour être acheminées dans les pays européens et à travers le monde.
Tandis que l’insécurité aérienne perdure, les compagnies ne cessent de grossir et s’implanter dans toutes les provinces du pays bien qu’elles soient jugées dangereuses par l’Union européenne principalement pour manque de formation adéquate de leur personnel, et une forte légèreté dans la maintenance technique des appareils. Il ne faudrait pas s’étonner que les grands chantiers prônés par le gouvernement traînent à se mettre en place puisqu’ils risquent de remettre en cause la prédominance du transport aérien au profit des transports terrestres, projet-phare du gouvernement pour désenclaver le pays.
Quelques personnes, proches du pouvoir, nationaux et étrangers, restent déterminées à pérenniser le secteur de transport aérien, avec des avions devenus des tombes pour des milliers des Congolais pris au piège par une minorité de personnes friandes des dollars plus que de la vie de leurs concitoyens.
Source : Kilosho Barthélémy
Covalence Genève
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