LME : la grande distribution plutôt que les producteurs
Un mot d’abord sur le titre de cette loi qui doit venir en discussion devant l’Assemblée nationale ces jours-ci et qui réglemente les rapports entre producteurs et distributeurs : LME, loi de modernisation de l’Economie ce qui sous-entend que notre économie n’est pas moderne d’abord et surtout que le gouvernement a le pouvoir de la rendre moderne ! Comme si la croissance se décrétait et comme si nous n’assistions pas tous les jours au déni justement de la puissance politique sur l’économique ! Un peu de modestie, Messieurs, ce que vous allez mettre en place n’est qu’un énième déplacement de curseur dans les rapports difficiles entre les producteurs et la grande distribution.
Suivant les époques, les descentes dans la rue des producteurs (petits de préférence) ou l’intérêt des gouvernements pour maîtriser la hausse des prix, on a favorisé historiquement la grande distribution, puis le producteur (toujours petit) contre la grande distribution devenue prédateur, et aujourd’hui à nouveau la grande distribution qui devrait pouvoir intégrer désormais les marges arrière dans le calcul de ses prix. Entre-temps, nos politiques ont créé la limitation des possibilités de création de nouvelles grandes surfaces et son corollaire la disparition des centres-villes et l’enlaidissement des entrées de villes, et entériné les fameuses marges arrière qui ne sont qu’un moyen abusif de "tirer les prix" accordés aux producteurs.
Une erreur dans le débat médiatique qui reprend l’affirmation de M. Leclerc selon laquelle la grande distribution ne pourrait pas discuter des prix avec ses fournisseurs et qu’elle exige donc de pouvoir le faire. Ce ne sont pas les prix qu’elle ne peut pas discuter, mais les tarifs officiels (une obligation légale, me semble-t-il ?). Elle discute par contre parfaitement le montant des remises sur ces prix tarifs ou encore les prix nets si la discussion commerciale se passe sur des prix nets. C’est donc un abus de langage d’affirmer que la grande distribution ne peut arriver à négocier les prix que lui font les producteurs et tous ceux qui ont eu affaire à ses acheteurs ne démentiront pas.
La loi LME est donc prévu permettre à la grande distribution de rediscuter âprement les tarifs de base avec les producteurs ce qui effectivement devrait permettre d’abaisser les prix d’achat et donc de vente. Par contre, l’intégration des marges arrière se traduira, via une bataille de prix plus active, par une diminution des marges et par contrecoup par une diminution des frais et des effectifs. Heureusement le départ des baby-boomers va permettre d’absorber ces diminutions d’effectifs tout en poursuivant la diminution du taux de chômage.
Les producteurs par contre espéraient qu’ils pourraient obtenir une contrepartie en ce que la nouvelle loi reconnaisse que la grande distribution devait, elle, pouvoir justifier les prestations qu’elle fournissait face aux primes diverses, de gondole, de coopération commerciale, de fin d’année, d’objectifs, etc., qui en général ne recouvrent pas de vraie contrepartie. Pas de chance pour eux, il semble que l’on s’oriente plutôt vers une loi unilatéralement favorable à tout ce qui peut faire baisser les prix et donc donner du pouvoir d’achat.
Le gouvernement a choisi le camp de la grande distribution, celui qui peut faire baisser les prix, au détriment de celui des producteurs, petits ou grands. Le camp d’Edouard Leclerc plutôt que celui du producteur de fraises ou de tomates. Seul inconvénient, nous risquons d’avoir un été très chaud avec cette fois les producteurs dans les rues pour se plaindre, comme tous les ans des conditions léonines de la grande distribution.
Tout ceci va-t-il se traduire, in fine, par de la baisse des prix et surtout de la croissance ? De la baisse des prix sans doute un peu et à condition que pétrole et matières premières ne continuent pas de flamber. De la croissance par contre, c’est plus douteux car la plus grande activité de la grande distribution sera compensée par le serrage des coûts pour accroître la productivité qui s’ensuivra chez les producteurs, petits et grands. Enfin, il n’y a rien de fondamentalement changé dans la compétitivité de notre industrie dont la plus lourde charge est constituée par le coût de l’Etat et des charges sociales. Et comme augmenter le pouvoir d’achat se traduit par plus d’importations...
Et, là, force est de constater qu’il n’y a toujours pas eu, un an après l’élection de notre nouveau président, de début de commencement de restriction des dépenses du monstrueux Molloch qu’est devenu notre Etat
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