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Accueil du site > Actualités > Economie > Enseignement de l’économie au lycée : le paradoxe de l’entreprise

Enseignement de l’économie au lycée : le paradoxe de l’entreprise

Pour de nombreux observateurs externes de l’enseignement de l’économie au lycée, l’entreprise semble bien trop absente des programmes. Paradoxalement, elle est très présente dans ces programmes. Comment comprendre et lever ce paradoxe apparent ?

L’enseignement de sciences économiques et sociales (SES) est régulièrement remis en question sur la manière dont est présentée l’entreprise dans le cadre des programmes par les manuels et les professeurs de SES. La réponse la plus souvent avancée consiste à affirmer que ces critiques sont infondées dans la mesure ou la place occupée par l’entreprise dans les programmes, aux trois niveaux d’enseignement – seconde, première et terminale –, est suffisamment étendue pour rendre ces reproches peu pertinents.

Pour comprendre ce décalage entre la perception qu’ont les enseignants de leurs propres programmes et celle des milieux de l’entreprise, pour tenter de percer ce mystère, je vais utiliser une analogie avec un célèbre paradoxe, connu de tous ceux qui ont étudié la science économique : le paradoxe de la productivité.

Il y a quelques années, l’économiste américain Robert Solow, prix Nobel d’économie en 1987 pour ses travaux sur la croissance économique déclarait : « L’informatique se voit partout, sauf dans les statistiques de la croissance ou de la productivité. » Ce paradoxe de Solow ou paradoxe de la productivité consistait à mettre en évidence le décalage apparent, perceptible, entre d’une part la manifestation d’une grande vague de progrès technique portée par les NTIC – Nouvelles Technologies de l’information et de la communication – et, d’autre part, l’absence de traduction de celle-ci en gains de productivité. Autrement dit, contrairement aux enseignements théoriques et empiriques, cette omniprésence de progrès technique ne se voyait pas dans les gains de productivité. Plus tard, au cours de la seconde moitié des années 90, la reprise spectaculaire des gains de productivité a permis de résoudre ce paradoxe. On peut, au moins, déduire de ce paradoxe que l’absence de perception d’un phénomène n’implique pas, ipso facto, son absence réelle. Il faut parfois du temps et/ou parfois regarder autrement pour percevoir et voir enfin ce que l’on ne perçoit pas encore.

Ainsi en est-il de l’entreprise dans les programmes de sciences économiques et sociales. Celle-ci est clairement très présente, à tous les niveaux, et pourtant les acteurs de l’entreprise ne s’y reconnaissent pas, ils ne s’y retrouvent pas. « L’entreprise se voit partout, sauf (apparemment) dans les programmes de sciences économiques et sociales  », pourrait-on affirmer.

Nous ferons dans un premier temps un petit bilan des programmes sur ce point, puis dans un second temps, nous tenterons d’en tirer quelques enseignements.

Petit bilan des programmes

En seconde, si sa présence est peu discutable, l’entreprise est présentée essentiellement comme une unité de production dont l’objectif principal est le profit. Les différentes formes d’entreprises, des sociétés de capitaux aux sociétés de personnes, sont exposées aux élèves. On distingue également les entreprises en fonction de leur taille, en nombre de salariés, avec d’un côté les sociétés (plusieurs associés) et de l’autre les entreprises individuelles… La production d’une entreprise est obtenue à partir de la combinaison des facteurs de production : travail et capital productif. Le travail s’exerçant dans le cadre d’un emploi et le facteur capital faisant l’objet d’investissements. On insiste sur les différents types de combinaisons productives possibles, combinaisons à facteurs substituables et à facteurs complémentaires, et sur les diverses manières d’améliorer la productivité des facteurs afin de réduire les coûts unitaires de production et les prix de vente. Les différentes formes d’organisation du travail dans les entreprises sont déclinées : division du travail, taylorisme, fordisme, toyotisme… Enfin, une autre partie du programme permet d’exposer sommairement les différents aspects des relations de travail, conditions de travail – négociations, conflits, syndicats, et l’impact que cela peut avoir sur la répartition de la valeur ajoutée entre les facteurs de production.

En première ES, l’entreprise est présentée dans le cadre de la comptabilité nationale, représentation simplifiée du fonctionnement de l’économie globale. Les acteurs, unités institutionnelles, sont alors distingués selon leur fonction principale. On différencie les sociétés non financières, des sociétés financières et des entreprises individuelles. On rappelle que les sociétés ont pour fonction principale la production de biens et de services marchands, qu’elles doivent investir en capital fixe (FBCF) compte tenu de leur taux de marge : rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée, c’est-à-dire la part de la valeur ajoutée qui reste à l’entreprise, une fois que ses salariés sont rémunérés. Dans la partie sur le financement de l’économie, on présente les différentes formes de financement auxquelles ont recours les sociétés pour financer leur activité de production. Il s’agit du financement direct ou désintermédié sur les marchés de capitaux (actions et obligations notamment) et le financement indirect ou intermédié par les banques dans la plupart des cas. On fait la distinction entre les agents à capacité et les agents à besoin de financement afin de présenter leurs relations. En résumé, en première, il s’agit de mettre en évidence les interactions entre les différents agents économiques, regroupés en secteurs institutionnels dans le cadre du système de comptabilité nationale, à travers les opérations qu’ils effectuent : production, rémunération des facteurs de production, dépense des revenus pour acheter la production… L’objectif étant de mettre en lumière un circuit économique simple du type : la production crée les revenus, les revenus permettent les dépenses, les dépenses donnent vie à la production… En effet, la production est obtenue à partir de l’utilisation de facteurs de production qui sont rémunérés en contrepartie de leur participation à cette activité. La production permet donc la création et la répartition de revenus. Cette répartition des revenus permet les dépenses de ces derniers en achats de biens et services. Les dépenses se traduisent par l’achat de la production.

Un peu plus tard dans l’année, on présente les différentes stratégies des entreprises dans le cadre d’une économie de marché régulée à partir de différentes formes d’intervention des pouvoirs publics. Le marché n’est pas seulement un lieu, souvent fictif, de rencontre entre l’offre et la demande. Dans une économie de marché, le marché est surtout un mécanisme de coordination des décisions individuelles décentralisées au moyen d’un système de prix et de marchés, et un processus d’ajustement entre les quantités offertes et les quantités demandées. Ce système de prix et de marché est donc soumis à une logique interne. Les variations de prix doivent permettre l’établissement d’un prix d’équilibre entre les quantités offertes et les quantités demandées. C’est encore un moyen de communication, de circulation, de l’information sur les conditions de la confrontation entre l’offre et la demande, rareté ou abondance relative de la quantité offerte par rapport à la quantité demandée. Par exemple, on expose les conditions de fonctionnement d’un marché de concurrence pure et parfaite, puis on en déduit les différentes situations de concurrence impure et/ou imparfaite afin d’expliciter les différentes stratégies mises en œuvre par les entreprises dans une économie ou l’incertitude reste omniprésente. On observe qu’en situation de monopole, d’oligopole, monopsone, oligopsone..., les entreprises adaptent leurs comportements, leurs stratégies.

En terminale l’entreprise est abordée par le biais de ses choix en matière d’investissement, d’innovation et d’embauche/licenciement. On insiste en particulier sur l’influence de l’entrepreneur-innovateur sur le processus de croissance économique. A partir des analyses de Schumpeter, on présente le processus de destruction créatrice d’entreprises, d’emplois… Le programme invite aussi à revenir sur les différentes formes d’organisation du travail présentées en seconde. On développe l’exposé sur les causes des gains de productivité dans les entreprises et celles portant sur la répartition de ces gains de productivité entre les différents facteurs de production. Du point de vue de la mondialisation, après avoir présenté les avantages et les inconvénients du commerce international en matière de croissance et de développement, on développe une partie sur les stratégies internationales des entreprises. Cela permet d’étudier le rôle joué par les firmes multinationales et/ou transnationales dans la division internationale du travail, d’analyser les facteurs de compétitivité (prix et hors prix) à court terme et à long terme. Les causes et les conséquences des investissements directs étrangers et des investissements de portefeuille seront également présentées afin de mettre en évidence leurs influences sur les flux de capitaux financiers, de capitaux productifs et de biens et services. On évoque alors les phénomènes de délocalisation, de désindustrialisation, ce qui nous conduit à mettre en relation la dynamique des échanges internationaux dans toutes ses dimensions et celle du progrès technique à travers le processus schumpetérien de destruction créatrice.

Quelques enseignements à en tirer

L’entreprise semble donc omniprésente dans les programmes de sciences économiques et sociales au lycée. Nonobstant, il y a loin de la coupe aux lèvres car les acteurs de l’entreprise ne la reconnaissent pas. Ils ne s’y retrouvent pas, tout simplement. Comment expliquer ce décalage, ce paradoxe ?

Comme cela est souvent fait, on peut répondre simplement et directement qu’il s’agit d’une critique idéologique de la part des milieux de l’entreprise incarnés par Thibault Lanxade, président de l’association Positive entreprise, et même Michel Pébereau, président de l’Institut de l’entreprise. Pourtant, adopter ce point de vue revient à répondre à un énoncé qualifié d’idéologique par un autre énoncé de même nature. Dans un tel cas, c’est le statu quo et rien ne peut changer. Une telle attitude intellectuelle ne me paraît pas constructive et porteuse de projets. Elle n’est donc pas tournée vers l’avenir, mais reste orientée vers le passé.

On peut réagir autrement et faire en sorte d’écouter et d’entendre les critiques sans les disqualifier a priori, mais sans pour autant les accepter en l’état et en totalité. Dans ce cas, on peut se demander pourquoi existe-t-il un tel décalage entre ce que l’entreprise est aux yeux des acteurs (qui y travaillent) et la présentation qui en est faite par les professeurs de SES, conformément aux programmes officiels. Cette réaction d’écoute réciproque me paraît bien plus adaptée à une sortie par le haut de la controverse que l’attitude consistant à éluder les questions de fond qui sont posées par nos interlocuteurs.

Si notre enseignement, par définition et par nature, doit nous conduire à donner les moyens à nos élèves de mieux comprendre l’économie et la société dans laquelle ils vivent, alors nous ne pouvons raisonnablement ignorer les remarques que nous font les acteurs que nous présentons. Cette posture, propice à l’écoute réciproque et attentive ainsi qu’au dialogue, serait également appropriée vis-à-vis d’autres acteurs comme les syndicats de salariés, par exemple, les associations de consommateurs...

Pour autant, cette approche nous conduit-elle à admettre que les dirigeants d’entreprises puissent participer à la rédaction des programmes de SES ? Non, pas nécessairement. La neutralité des programmes exige que cette question relève d’une commission composée d’abord d’universitaires. Cependant, comme la connaissance doit permettre de connaître la « réalité », l’intégration des critiques pourrait permettre de produire puis de transmettre une connaissance plus fidèle à cette réalité bien difficile à saisir, à circonscrire, et à décrire. L’avenir de l’enseignement de l’économie dans le secondaire reste à écrire, le futur ne peut se conjuguer au passé, alors écrivons notre avenir avec un souci de dialogue sincère, intellectuellement honnête et constructif. Saisissons l’opportunité qui nous est donnée d’avancer afin de réduire le coût d’opportunité du statu quo. En effet, l’indécision est une décision qui engage l’avenir, le nôtre, mais aussi celui des générations futures.

David Mourey, PONTAULT-COMBAULT

Professeur de sciences économiques et sociales

Organisateur et animateur d’un colloque sur « L’Enseignement de l’économie au lycée » qui a eu lieu lundi 21 avril 2008, salle Médicis, au palais du Luxembourg. Pour toutes informations, consulter le blog « Démocratie, économie et société » : http://democratieetavenir.over-blog.com/

Crédit image : Ecole-Economie

 


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20 réactions à cet article    


  • imarek imarek 13 mai 2008 10:58

    Ayant un gamin en Terminal ES, j’ai eu la curiosité de lire ses documents (livres cahiers etc) concernant l’économie. L’impression que j’ai eu, c’est le coté un peu vieillot de la présentation et surtout avec un sentiment peu entousiasment. On a l’impression qu’il se forcent un peu. De plus l’aspect dynamique de l’économie est peu mis en valeur alors que c’est l’essentiel. La naissance des entreprise n’est pas expliquée alors que c’est le nerf de guerre (la moitié des entreprises vont disparaitres d’ici 10 ou 15 ans, mais d’autres vont naitrent). Enfin bon c’est mon point de vue.


    • ze_katt 13 mai 2008 11:06

      Vous négligez un aspect. Quelle notions d’economies sont transmises à l’immense majorité des jeunes qui ne s’oriente pas dans la filiale ES ?


      • Mescalina Mescalina 14 mai 2008 13:41

        Ouaissssssssssssssssssss LEON, ça c’est du commentaire !


      • Mescalina Mescalina 14 mai 2008 13:51

        L’enseignement SES au lycée est navrant, aborde des "théories", dans une perspective historique qui n’est en rien constructive. On y dépeint un monde figé, l’entreprise est "une entité qui crée de la VA, somme des VA = PIB". Voila ce qu’est l’entreprise dans cet enseignement.

        Les évaluations ? des DISSERTATIONS !!!!!!!

        On y parle vacances et autres "sujets de société", qui donnent envie de tout, sauf de s’intéresser à la vie d’une entreprise. De la comprendre, pour après pouvoir la critiquer intelligemment. 95% des "mécontents" (je ne dis pas gauchiste) ne comprennent RIEN à l’économie en tant que marché réactif, quant au fonctionnement d’une entreprise...

        Résultat ? tout n’est pas rose, mais au lieu de réagir positivement et intelligemment, on se lamente, on se plaint, on avance pas, on ne rebondit pas. L’éducation nationale est condamnable à ce titre.

        Et qu’on ne me parle pas des exceptions (gars qui a fait 40 ans dans la même boite qui ferme), c’est un AUTRE débat.


      • Mirandole 19 mai 2008 11:20

        Vous devriez repasser votre bac es !

        Les théories ne sont absolument pas traitées dans un perspective historique pour la simple et bonne raison que les théories ne sont pas enseignées ! Il est utilisé des notions et concepts pour avoir un regard objectif, avisé, critique et donc scientifique de la réalité.

        Vous vivez parmi les dogmes, ce n’est pas le cas de la filière ES et cours de SES.

        Vous manquez singulièrement de nuance, ce n’est pas le cas de la filière ES et du cours de SES.

        L’entreprise est très largement traitée dans le cadre de cet enseignement -et c’est d’ailleurs le seul enseignement général qui en parle- et ce en dépassant le cadre étroit, que vous laissez à penser de la somme des VA... En étudiant la somme des VA et la répartition de la VA, on peut aujourd’hui aisément comprendre un certain nombre de dysfonctionnements économiques qui affectent notre pays. Et là sont concernés autant les entreprises que les ménages et l’Etat.

        On ne parle pas sans savoir, c’est néfaste.

        Consultez les programmes de SES sur le site de L’Education Nationale et on en reparle.


      • SciFi SciFi 13 mai 2008 13:05

        Le titre et le sous-titre de l’article m’ont intéressé.

        Mais après lecture, je ne parvient pas à percevoir le décalage entre le contenu de la formation SES, très bien décrit et les critiques formulées par les entrepreneurs, qui elles, ne sont pas exposées.

        Que sont exactement ces critiques, ou en quoi les acteurs de l’entreprise ne se reconnaissent pas dans ce programme ?

         


        • Jimd Jimd 13 mai 2008 16:56

           

          Merci pour cet article.

          Je me permets de reagir bien que ne connaissant que tres mal les programmes d’economie au lycee, mais un point a attire mon attention :

          Vous ecrivez <on peut se demander pourquoi existe-t-il un tel décalage entre ce que l’entreprise est aux yeux des acteurs (qui y travaillent) et la présentation qui en est faite par les professeurs de SES>

          Je pense que l’on confond souvent economie et gestion. Ce que vous decrivez me semble des approches economique dont le but n’est pas de rentrer dans l’entreprise, son organisation, sa gestion. Il est normal de ne pas reconnaitre l’entreprise dans ce cas, et ce n’est d’ailleurs pas le but car il y a un niveau d’abstraction

          La gestion serait plus proche de ce qu’est une entreprise, concretement.

          Il serait sain de combiner les deux. L’approche economique peut etre interessante oui, mais pour des lyceens il pourrait etre interessant d’introduire des elements de gestions qui sont plus concret et permettrait de resoudre le decalage que vous mentionnez.


          • Pi@h 13 mai 2008 18:01

            D’une approche globale, je trouve que l’enseignement générale est totalement déconnecté de la réalitée, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer les énormes difficultés d’orientation et de débouchés que rencontrent les gosses aujourd’hui....Malheur à celui ci qui ne rentre pas dans le moule préconçue par l’éducation nationale.

            Une simple observation, comment se fait-il que dans un pays ou le défi majeur des prochaines décennies sera la reprise/transmission d’entreprise sachant que le secteur de la PME/PMI reste le plus gros vecteur d’emploi, qu’il n’y a aucun enseignement en liaison avec le milieu entrepreneurial (cours et projets de création d’entreprise) avant la Fac (et encore il faut choisir les bonnes options) ?

            Nos programmes font partie des plus "lourd" d’Europe, mais l’efficacité est loin d’être proportionnelle, après faut pas s’étonner qu’on soit à la ramasse dans bcp de secteurs d’activité en terme de compétitivité.


            • Arnes Arnes 13 mai 2008 18:35

              Dessin excellent, article accablant.

              Telle que decrite dans le programme, l’entreprise semble etre un objet d’etude du type entomologique presentee comme un ovni. Je ne vois pas comment avec un tel programme on peut rassurer des lyceens et leur transmettre l’enthousiasme necessaire pour rentrer dans la vie active qui se passera pour la plupart dans les entreprises.

              Par ailleurs,tout demarre par la petite entreprise, pourquoi ne pas passer du temps à etre creatif : simuler par petits groupes la vie d’une micro entreprise : idee, business plan,les démarches aupres des differentes administrations ( le plus difficile), la banque, le marché... et rapidement, beaucoup de concepts economiques seront non seulement appris, mais appropriés.

               

               


              • Aquilix 13 mai 2008 19:20

                @ L’auteur

                Article très intéressant.

                Le décalage que vous mentionnez me semble en grande partie liée à des différences d’interprétation quand à la finalité de l’enseignement. L’enseignement de l’économie doit-il avoir pour but :

                - de donner aux étudiants les clés leur permettant de comprendre les mécanismes du monde économique contemporain (vision "humaniste" typiquement latine) ?

                - ou d’augmenter leur chance de trouver un emploi en leur transmettant des compétences utiles aux entreprises (vision "utilitariste" plus anglosaxonne) ?

                La main-mise que vous revendiquez, au nom des universitaires, sur les référentiels d’enseignement me semble difficilement compatible avec la satisfaction des attentes des entreprises. Combien d’universitaires sont-ils chefs d’entreprise ?

                L’une des conséquences de cette situation est que la plupart des établissements d’enseignement supérieur en sciences économiques sont des établissements consulaires gérés par les chambres de commerce et d’industrie (donc par les entreprises) ou des établissements privés.

                La réconciliation du monde de l’entreprise avec l’enseignement de l’économie au lycée me semble passer par une meilleure prise en compte de ses besoins sous la forme de savoir-faires pratiques, souvent peu valorisants mais utiles.

                Je salue enfin votre ouverture d’esprit et votre courage, qui consistent à ouvrir ce type de débat.

                 

                 

                 

                 

                 


                • Le péripate Le péripate 13 mai 2008 19:25

                  De toute façon, les écoles de commerce préfèrent, et de loin, recruter des bacs sciences...

                   


                  • Mirandole 14 mai 2008 11:01

                    Le bac ES est aussi un bac scientifique !!!

                    Par ailleurs vous constaterez dans les statistiques ministérielles qu’il ya autant de bac es que de bac s dans les grandes écoles.


                  • Mescalina Mescalina 14 mai 2008 13:55

                    Le Bac ES ? Scientifique ?! ELLE EST BIEN BONNE CELLE LA !

                    Vous avez juste honte, êtes mal à l’aise de n’avoir fait "que" un bac ES.

                    J’affirme que le BAc L est plus scientifique que le BAC ES car on y étudie la bio et la physique JUSQU’EN TERMINAL !

                    Qui dit mieux ????


                  • Mirandole 19 mai 2008 10:55

                    De toute évidence, Madame, vous ne savez ce qu’est la science !!!!

                    Pour votre gouverne personnelle, je suis un bachelier "C".

                    Quand on ne sait pas de quoi on parle, on ne parle pas !!!!

                    Ca serait un bon début de démarche scientifique pour vous.


                  • krikri 13 mai 2008 22:06

                    *Du point de vue de la mondialisation

                    Alors que les entreprises sont dans le monde...

                    Et encore, moi, j’ai etudie comme cette economie stereotypee, modelisee si vous preferez et historique, et *scientificisee* et je vois en gros ou vous voulez en venir. Mais a des jeunes de 15 ans, qui ont eu l’internet dans le biberon, vous parlez de *mondialisation* au present  ? Est-ce que ca n’a pas plutot sa place dans un cours d’histoire ?

                    *Ce système de prix et de marché est donc soumis à une logique interne.

                    Les momes, ils vendent leurs vieux t-shirts sur e-bay. Ils doivent dire LOL en lisant ca. La aussi, rejoignez un peu leur siecle.

                    Aussi, vous parlez un peu comme le cure de Cucugnan en enoncant votre programme...

                    * Cela permet d’étudier le rôle joué par les firmes multinationales et/ou transnationales

                    *dans la division internationale du travail,

                    Il y a une petite dizaine d’annees, mes professeurs avaient encore l’honnetete de presenter "la division internationale du travail" comme un modele theorique provisoire elabore a partir de l’etude statistique du PASSE (pas du present, ni du futur). Une grille de lecture subjective. Ca y est, les theories economiques sont devenues des lois comme celles de la gravite ? 

                    Je trouve que cette approche, si c’est bien celle que vous annoncez, est erronee. On lache la pomme, elle tombe, generalement. Mais des que vous vous trouvez dans une entreprise, derriere un bureau, sur un chantier, face a un client, il se passe un phenomene assez marrant. Vous pensiez que 2 +2 faisaient 4 comme vous l’aviez appris a l’ecole, et ben non, ce jour-la 2+2 font 3. Et il manque 1 pour faire 4. Et c’est la vraie vie, votre banquier, il veut 4.

                    L’economiste va pouvoir faire une these et malaxer des stats pour identifier les causes du decalage. Mais dans l’entreprise on s’en fiche : l’urgent est trouver comment arriver a 4 immediatement. A la publication de la these, ce sera trop tard. Si on attend la reponse de l’economiste, il nous apprendra pourquoi on s’est plantes, avant-hier.

                    *On observe ...les entreprises adaptent leurs comportements

                    Oui. Et c’est la que s’arrete votre science sur l’entreprise. Je vous reproche de ne pas l’admettre, de ne pas l’expliquer aux jeunes, de leur faire croire que vous (ou vos freres d’Harvard et de LBS) savez exactement pourquoi et comment la controler totalement.

                    Dans la vie courante, pour ne pas se planter, malgre tous les outils super-fiables et paperasseries, les previsions, les controles, les normes ISO, l’entreprise y va au feeling. Et on se rend compte que certaines personnes ont plus le *feeling* pour predire si 2+2 feront 3 ou 5. On travaille surtout la-dessus.

                    Chaque mois, je lance 10 offres de services. Il arrive que les clients en retiennent une, ou deux, ou cinq, ou zero. Zero, ce serait ennuyeux. Comment prevoir ? Comment ameliorer le score ?Je surveille les clients comme le lait sur le feu, je tente de lire dans leurs pensees, je ne peux pas leur demander leur avis car ils ne connaissent pas encore eux-memes leurs envies de demain. Parfois, je regarde en souriant les beaux graphiques sur le marche, et je les range, y trouvant rarement un rapport avec la situation du terrain. Je suis allee consulter le strategiste, me faire coacher. Ca s’est toujours fini en buvant un verre et en concluant, ben faut quand meme mouiller le doigt pour essayer de voir d’ou vient le vent, pour sentir le buzz, la mode, l’humain...

                    Si on recrute une personne, c’est pareil, une alchimie, un tel *profil* comme on dit, le CV parfait, les reponses parfaites a l’entretien ne garantissent absolument pas que le courant passera et que le nouveau pourra s’integrer a l’equipe. Et meme la dream team de janvier va peut-etre se bouffer le nez en juin. Parce que c’etait Machin et parce que c’etait Bidule, deux humains mal programmes refusant de suivre leur courbe d’humeur previsionnelle...

                    Cette dimension-la, ou est-elle dans votre programme ?

                    *les sociétés ont pour fonction principale la production de biens et de services marchands

                    *l’entreprise est présentée essentiellement comme une unité de production dont l’objectif principal est le profit

                    Certes. Mais et le reste ? L’entreprise presentee comme une *entreprise*, un projet, une dynamique avec sa mission originale, son pari sur l’avenir, son risque d’echec ou de succes ? Et la societe presentee comme une *societe*, une association, un groupe de personne, une equipe avec ses relations humaines ? 

                    Je pense vraiment que j’ai plus appris sur l’entreprise en cours de gym (sports d’equipes, danses de societe...), d’art ou de litterature (percevoir la sensibilite de l’autre) et toutes les activites avec une part d’incalculable. Les jeux, l’internet, myspace, c’est ca qui prepare vos eleves a leur vie d’entreprise. Evidemment, on ne vous demande pas de faire un cours sur GTA, surtout pas. Et le contenu de votre programme est en bonne partie necessaire a la culture generale. Le hic, c’est votre point de vue exclusivement *scientifique*.

                    Mais mon impression est que beaucoup de Francais ont une impression bien trop *mecanique* a la fois de l’entreprise et des politiques economiques. Les cours sont trop carres (ceux que j’ai suivis, les votres le semblent encore plus). Et les journalistes vous emboitent le pas.

                    En consequence, le chef d’entreprise est comme percu comme un pilote d’avion qui aurait appris a piloter, a qui on aurait donne des cartes et une prediction parfaite de la meteo. Si l’avion se plante , on dit qu’ il a mal fait son boulot et lui seul. Et ce a tous les niveaux, l’employe de base francais blame son superieur qui l’encadre mal, ce cadre se plaint d’etre mal dirige. On entend aussi souvent parler d’un machiavelisme mysterieux des actionnaires qui auraient autant de moyens de controle qu’un Big Brother. Et bien sur, tout le Cafe du Commerce trouve que le gouvernement devrait faire baisser les prix et le chomage, puisque la *manoeuvre* est connue, que Keynes aurait donne des recettes de cuisine, que l’ENA formerait des Harry Potter economiques ... Ce point de vue est biaise, il oppose les gens, bloque l’intercomprehension.

                    Oui, une boite c’est pour produire et faire du fric. Ca, on l’apprend a la maternelle, surtout en France ou on ajoute meme parfois "et faire du fric, c’est mal". Mais, j’aimerais bien qu’on dise aux jeunes que derriere une entreprise, au depart, il y a rarement un type qui dit : "Je veux etre milliardaire. Je vais produire pour faire du profit, je voudrais tel ROI, etudions scientifiquement le marche, reunissons les ressources humaines...", celui-la, il arrive bien plus tard. Il y a souvent une personne qui reve d’un truc un peu decale "je voudrais ecouter de la musique en jouant au water-polo, je veux fabriquer et vendre ce produit..." ou une bande de pote qui se dit "On serait trois, on gagnerait notre vie ensemble, toi a la caisse, toi en rayon, moi devant le magasin pour attirer les clients....". Et si vous commenciez par la, de la sixieme a la troisieme ? Montrez l’entreprise naissante et vivante, avant de la dissequer.


                    • chris11 13 mai 2008 23:14

                      Je confirme :"faire du fric c’est mal " .C’est même le début de tout le mal que l’on peut faire à et sur cette terre .

                      Je ne critique pas le fait d’entreprendre , de vouloir "faire des choses " mais il suffit de regarder tous les domaines de l’activité humaine pour voir que cette saine envie de départ (quand elle existe)fait très vite la part trop belle au seul enjeu du fric .

                      Maintenant que l’on sait que l’industrialisation à outrance n’as pas permis d’apporter à chacun la part de bonheur promise , on s’ingenie à vouloir formater le cerveau de nos progénitures pour leur faire admettre l’inégalité du systeme au lieu de lutter contre 

                      Alors même qu’il faudrait se poser la question de la maitrise de la cupidité humaine , on tente de l’ériger en dogme incontestable ..

                      Le profit , quoi que l’on puisse en dire est toujours la part de travail que l’on vous a volé . Et que l’on ne vienne pas me dire que l’entrepreneur est le saint homme qui ne pense qu’a son prochain et a son seul projet , sinon il ferait des sociétés cogérées ou l’on répartirait équitablement les gains et ou les décisions seraient prises "democratiquement "

                      Mais je pense que tout ceci est appelé à évoluer dans les prochaines décennies car la mondialisation est la derniere marche que l’entreprise expansioniste a pu franchir avant d’être au bout du rouleau ..

                      Sauf à coloniser Mars , bien sur ...


                    • Mirandole 14 mai 2008 10:57

                      Il semble souhaitable de rectifier quelques points de ce commentaire.

                      Il ya confusion entre l’enseignement de sciences économiques et sociales et ce dont vous parlez qui est l’économisme et/ ou la pensée néo-classique !!! La pensée économique ne relève absolument pas dans sa totalité de la logique décrite. Ce que vous soulignez est une partie de cet enseignement, enseignement qui est fondé sur une démarche scientifique, objective et pluraliste. C’est notamment dans les écoles de commerce que l’on enseigne ce que vous évoquez. Dans un enseignement dit de sciences économiques on dispense évidemment que 2+2 ne font pas forcément 4 !!! La logique mathématique formaliste n’a que peu de choses à voir avec les SES. Le facteur humain chargé souvent d’aléas et de comportements peu rationnels est pris en compte et ceci n’est pas formalisable !

                      Quant à enseigner l’entreprise, parmi d’autres notions bien sûr, dès le collège comme vous le suggérer, beaucoup de profs. de sc. éco sont pour.


                    • Céline Ertalif Céline Ertalif 13 mai 2008 23:27

                      Bonjour,

                      Cet article a au moins le mérite de contredire une idée reçue, ou plutôt une vision reçue, de l’enseignement économique par la précision.

                      Cela n’épuise sans doute pas la question d’Aquilix sur les objectifs de l’enseignement, la culture générale et la formation utile. Un bon gestionnaire a besoin de comprendre le marché et les règles du marché. Je crois qu’au fond le monde de l’entreprise dénie au monde de l’enseignement la capacité à parler d’économie sans préoccupation gestionnaire.

                      Pour ma part, je suis gestionnaire dans le secteur public local. Je m’inquiète un peu que l’on insinue que l’économie et la gestion ne seraient que des affaires privées. Ben non, l’urbanisme, le développement durable, le choix des modes de transport etc... sont des affaires publiques où il n’est question que de gestion. Et, de ce point de vue, je peux dire que nous vivons dans un monde consternant d’ignorance de l’économie publique la plus élémentaire : développement péri-urbain calamiteux, croissance exponentielle des déchets ménagers et industriels contre-productive, incompréhension totale des questions de choix de gestion entre fiscalité et paiement des services, etc...

                      Si j’étais vache avec les entrepreneurs, je vous parlerais 2 minutes de la gestion des infrastructures aéroportuaires de France par les CCI ! Mais je vais plutôt choisir de m’affliger avec eux, ne doutant pas de leur solidarité, de la lamentable et complète ignorance de l’urbanisme dans les programmes d’enseignement économique alors que l’immobilier est le premier poste de dépense de nos concitoyens... Ah la la, mon pauvre monsieur !

                      Je n’aime guère la défense "corporatiste" au nom du clan des universitaires du professeur Mourey, et néanmoins modeste auteur de cet article. Cela dit, il est sûrement néfaste de négliger l’universalité du savoir. L’ouverture absolue protège mieux la science que l’académisme.

                      Pour terminer, amusons-nous à paraphraser un célèbre universitaire philosophe, l’auteur d’une belle formule très connue : "L’enfer, c’est les autres". Cela peut se traduire pour notre affaire de deux façons : "L’obsurité, c’est la culture des autres", "la culture, c’est les autres". L’ennui, c’est que les deux traductions ont leur part de vérité. 

                       


                      • Tristan Valmour 14 mai 2008 10:24

                         

                        Bonsoir

                         

                        L’école est-elle qualifiée pour tout enseigner aux enfants et répondre ainsi aux attentes de chaque corporation ? Pourquoi ne pas enseigner à conduire des poids lourds et satisfaire les entreprises de logistique ? L’emploi du temps est-il extensible à l’infini ?

                         

                        En réalité, le monde du travail voudrait réaliser d’importantes économies en conférant à l’école la charge d’une formation spécifique afin de produire des travailleurs immédiatement exploitables. Cela n’entre pas dans la mission des sections ES, S et L. Il y a des sections STG où l’on est initié à la gestion des entreprises, comptabilité et au management, les SMS où l’on est initié au secteur sanitaire et social, etc. Il y a des BEP, la formation par alternance, la formation initiale supérieure courte (BTS, IUT) ou longue et la formation professionnelle continue pour répondre aux attentes de chaque secteur. Bref, l’offre est suffisamment diversifiée.

                         

                        En fait, un chasseur-bombardier n’a pas pour mission de transporter des passagers, comme l’enseignement secondaire général n’a pas pour mission de former du personnel immédiatement exploitable. C’est cela qu’il faut retenir et expliquer aux dirigeants des grandes entreprises qui ne sont pas des entrepreneurs mais des administrateurs.

                         

                        Bien à vous


                        • Mauvaisens 19 mai 2008 23:57

                          Y’a que le dessin de bon, car nous sommes tous capable de lire un BO de programmes qui n’a rien avoir avec l’entreprise. Il faut une dose de caractère, d’envie pour créer et faire marcher une entreprise, pas pour faire apprendre un programme.

                          La grosse difference entre l’enseignement et l’entreprise, le premier n’a aucune obligation de résultat financier, le second oui.

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