La bulle nippone
Le monde est assis sur une bombe à retardement de 300 milliards de dollars, montant correspondant à l’intégralité des sommes empruntées en yens et investies dans des actifs non libellés en cette monnaie.
L’implosion de cette bombe, tout en provoquant une rechute brutale du billet vert, comptera parmi ses victimes les principaux fonds de placement, les grosses entreprises mondiales et les spéculateurs privés... Cependant, au fur et à mesure que la liquidation de ces emprunts en Yens précipiteront une dépréciation du dollar, la question autrement plus douloureuse des mille millards de dollars japonais investis à l’étranger se posera avec urgence. En effet, ces investisseurs nippons généreusement investis hors de leur pays hésiteront légitimement à conserver ces investissements dès lors que la parité du dollar contre yen aura atteint des niveaux si bas que leurs profits générés seront entièrement neutralisés par la fermeté de leur devise nationale...
Les principaux débiteurs en Yens sont bien sûr les gros fonds spéculatifs profitant notamment des rendements élevés offerts par les devises néo-zélandaise, sud-africaine, mexicaine ou encore islandaise mais ces liquidités sont également placées sur des actifs offrant un risque plus élevé, comme par exemple la bourse turque... Néanmoins, les secteurs bancaires Thaïlandais, Coréen et Indonésiens y sont également fortement exposés, les statistiques officielles indiennes par ailleurs révèlent que les emprunts libellés en Yens du secteur bancaire indien ont bondi de 180% entre 2005 et 2007 et - c’est assez inattendu - les emprunts obligataires en Yens auraient aussi été un des catalyseurs de la déconfiture de la banque britannique Northen Rock dans le cadre de la crise du crédit ayant sévi il y a quelques mois en Grande Bretagne !
En fait, cette pratique consistant à s’endetter dans une monnaie à faible taux d’intérêt est fortement tributaire de la conjoncture économique et financière globale, aussi ces investisseurs sont-ils très prompts à déboucler de manière spectaculaire leurs expositions à la moindre menace d’assèchement des liquidités, provoquant ainsi au passage volatilité exacerbée ou même explosion de bulles... C’est d’abord les spéculateurs privés qui avaient démarré par liquider leurs positions lors de l’éclatement de la crise des subprimes en août dernier, suivis après quelques semaines par des entreprises asiatiques ne parvenant plus à assumer l’appréciation progressive d’un yen qui ne cessait de grimper par rapport au dollar, notamment en regard des hauts leviers utilisés par ces débiteurs.
Pourtant, ces sommes empruntées à prix modique ont permis l’appréciation de bien des actifs - ou de bulles - ces dernières décennies allant de la propriété foncière en Inde aux marchés de l’art et du vin. C’est effectivement du fait d’une politique monétaire nippone on ne peut moins orthodoxe et unique au monde que cette capacité de s’endetter en yen à très bas prix à commencer par séduire les investisseurs privés japonais, déçus par les rendements boursiers à domicile et peu enclins à placer leurs économies et rentes à des taux ridiculement bas. Néanmoins, ces pratiques sont considérées avec énormément d’appréhension par les principales banques centrales de ce monde dont la hantise est de mal quantifier le risque potentiel associé à l’implosion potentielle - et probable - de cette nouvelle bulle.
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