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Vers un nouveau capitalisme

C’est le titre du dernier livre de Muhammad Yunus, l’inventeur du micro-crédit et Prix Nobel de la Paix 2006. Il y aurait beaucoup à dire sur cet ouvrage riche et foisonnant, qui est à la fois un plaidoyer ambitieux et convaincant pour le développement des « social business », mais aussi une sorte de point d’étape d’une aventure collective exceptionnelle. J’en propose ici une lecture personnelle, mettant en relief les éléments m’ayant plus particulièrement intéressé.

M. Yunus est un ardent défenseur du capitalisme et du marché : il y voit une source de dynamisme, d’efficacité, de liberté, de créativité, d’innovation pouvant permettre aux pauvres de se réapproprier leur destin et de développer leur niveau de vie et celui de leurs familles.

Mais il est en même temps très lucide sur les conséquences sociales et écologiques du système économique actuel : aggravation des inégalités, périls écologiques (le Bangladesh est gravement menacé par la montée des eaux dûe au réchauffement climatique), exclusion sociale au Sud comme au Nord,...

Il se prononce donc assez classiquement pour un libéralisme régulé, mais il formule aussi une critique très intéressante de la logique actuelle de fonctionnement du capitalisme : « Le capitalisme a une vue étroite de la nature humaine : il suppose que les hommes sont des êtres unidimensionnels qui recherchent exclusivement la maximisation du profit. (...) La théorie du libre marché souffre d’une défaillance de conceptualisation, d’une incapacité à saisir l’essence même de l’humain. (...)

Notre théorie économique a créé un monde unidimensionnel peuplé par ceux qui se consacrent au jeu de la concurrence et pour qui la victoire ne se mesure qu’à l’aune du profit. Et comme cette théorie nous a convaincus que la recherche du profit constituait le meilleur moyen d’apporter le bonheur à l’espèce humaine, nous imitons avec enthousiasme la théorie en nous efforçant de nous transformer en êtres unidimensionnels. Et le monde d’aujourd’hui est si fasciné par le succès du capitalisme qu’il n’ose pas mettre en doute le système sous-jacent à la théorie économique. La réalité est néanmoins très différente de la théorie. Les individus ne sont pas des entités unidimensionnelles ; ils sont passionnément multidimensionnels. Leurs émotions, leurs croyances, leurs priorités, leurs motifs peuvent être comparés aux millions de nuances que sont susceptibles de produire les trois couleurs primaires. (...)

Le succès de la Grameen Bank s’est appuyé sur la volonté de reconnaître et d’honorer les motivations dépassant le cadre économique. Les être humains ne sont pas simplement des travailleurs, des consommateurs, ou même des entrepreneurs. Ce sont aussi des parents, des enfants, des amis, des voisins et des citoyens. Ils s’inquiètent pour leur famille. Ils se soucient de leur communauté. Ils se préoccupent beaucoup de leur réputation et de leurs relations avec les autres. Pour les banquiers classiques, ces questions humaines n’existent pas. Mais elles sont au cœur de ce qu’entreprend la Grameen Bank. »

Rappelons qu’à la base, M. Yunus est un professeur d’économie qui, dans les années 70, n’en pouvait plus d’enseigner d’élégantes théories économiques alors que la pauvreté et la famine ravageaient son pays...

La vision de Yunus de la pauvreté est aussi logiquement multidimensionnelle et ne se limite pas à une vision strictement économique. Pour définir la pauvreté, la Grameen Bank (GB) a établi une liste de 12 critères qui portent sur le niveau de revenu mais aussi sur les conditions de logement, d’alimentation, d’éducation ou de santé.

Yunus dénonce également quelques autres « angles morts » de la théorie économique orthodoxe comme les hypothèses de rareté de la capacité d’entreprendre ou encore de non-différentiation entre hommes et femmes (les femmes jouent un rôle primordial dans la GB).

Ainsi, pour Yunus le capitalisme tel qu’il fonctionne aujourd’hui ne sait absolument pas répondre aux problèmes sociaux et écologiques actuels, et les instruments existants (pouvoirs publics, institutions internationales comme la Banque Mondiale, action caritative et humanitaire) sont utiles mais ont montré leurs limites.

Mais il ne jette pas le bébé capitaliste avec l’eau du bain des entreprises... Il propose au contraire d’utiliser les vertus du marché (efficacité, dynamisme, innovation, développement...) pour l’appliquer à la résolution des problèmes sociaux et écologiques persistants. C’est ce qu’il appelle les « social business ».

Développer les social business

M. Yunus définit les « social business » (SB) comme des entreprises ayant des objectifs sociaux ou écologiques. Il en distingue deux types :

Celles qui appartiennent à des investisseurs ou propriétaires, mais à qui elles ne reversent rien au-delà du remboursement de leur mise initiale (pas de dividendes). Les profits sont réinvestis dans le projet. Les investisseurs sont donc ici motivés par l’impact social non par la maximisation du profit.
C’est le cas par exemple de Grameen Danone, joint-venture montée entre les deux entreprises pour « réduire la pauvreté grâce à un modèle économique de proximité permettant d’apporter quotidiennement des éléments nutritifs aux pauvres »1. 

Celles qui appartiennent aux pauvres, à qui elles s’adressent. Le bénéfice social vient ici du mode d’appartenance. Les dividendes peuvent être versés aux propriétaires (les pauvres).
La GB en est un exemple. Dans le livre, M. Yunus retrace aussi l’incroyable histoire de cette entreprise, née il y a près de trente ans dans le village de Jobra et à l’origine du « micro-crédit » qui touche aujourd’hui plus de 100 millions de personnes dans le monde2.

Les deux peuvent se combiner. A partir de l’expérience de la GB, Yunus et ses équipes ont lancé plus de vingt nouvelles SB (dont certaines sont décrites dans le livre), dans des domaines très variés : élevage de poissons et de bétail, agriculture, alimentation, santé, éducation, textile, énergies renouvelables, finance, high-tech, télécom, Internet... avec à chaque fois un impact social significatif.

Le SB fonctionne comme une entreprise classique : il a des produits, des services, des marchés, des charges et des recettes. Mais le principe de maximisation du profit est remplacé par celui de maximisation du bénéfice social.

Pour Yunus, Les SB permettent de combler les carences des outils existants (qui demeurent selon lui indispensables dans certains contextes) : apporter de l’efficacité et de la flexibilité là où la puissance publique pêche par bureaucratie ou par inertie ; apporter de la pérennité et de l’autonomie là ou les ONG sont souvent dépendantes de leurs financeurs et sont fragilisées ; apporter du réalisme et de l’innovation là où les institutions internationales sont enfermées dans des grilles de lecture inadaptées et dans le conformisme à la doxa dominante.

Les SB ne pourront pas se développer sans un environnement favorable. Pour Yunus, cela nécessite la mobilisation complémentaire de différents types d’acteurs.

Les pouvoirs publics peuvent y contribuer par une définition claire et stricte de ce qui est (ou n’est pas) SB, pour permettre une reconnaissance institutionnelle et éviter les abus, dérives et récupérations. Ils peuvent également créer des avantages fiscaux spécifiques aux SB ainsi que des exonérations fiscales pour ceux qui investissent dans les SB.

M. Yunus appelle également de ses vœux la création d’un véritable écosystème économique des SB : avec un « Social Wall Street Journal », un « Dow Jones Social », une bourse sociale, des fonds d’investissement et autres outils de financements dédiés ; des comptabilités, indicateurs, évaluations, contrôles, certifications spécifiques... Bref, tout ce que l’on trouve dans le business « classique », à la différence majeure que la mesure de la réussite n’est pas la maximisation du profit mais celle du bénéfice social.

Et en France, alors ?

Un regret : Yunus présente les SB comme une nouveauté et se focalise sur les expériences Grameen alors qu’elles existent depuis longtemps dans beaucoup de pays d’Europe et d’Amérique (Nord ou Sud). Il parle très brièvement du mouvement coopératif à qui il reproche de trop se concentrer sur l’intérêt collectif des membres de la coopérative et pas sur l’intérêt général ou celui des pauvres.

En France, l’idée des SB renvoie aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. On retrouve d’ailleurs les deux types de SB décrits par Yunus : celles qui ont un objectif social et ne reversent pas ou peu de dividendes (entreprises associatives d’utilité sociale, entreprises d’insertion, entreprises adaptées...), celles qui appartiennent à leurs clients (mutuelles, coopératives de consommateurs, et de manière un peu différente, les Scic), même si il est vrai que leurs clients ne sont pas spécifiquement pauvres.

Les exonérations fiscales souhaitées par Yunus existent en France pour les personnes soumises à l’ISF qui investissent dans des entreprises d’insertion.

Yunus met aussi en avant un modèle économique de péréquation (prix de marché pour les personnes aisées, prix bas pour les pauvres), qui est au cœur de nombreuses entreprises de l’économie sociale (par exemple dans le tourisme associatif).

On pourrait continuer la liste des similarités. Il y a bien sûr des différences : le dividende n’est généralement pas nul (lorsqu’il s’agit d’entreprises de type SA, SARL) mais il est limité et plafonné. Les modèles économiques des entreprises sociales intègrent aussi souvent une part plus ou moins forte de subventions publiques, mais ce point est à nuancer, car ces « subventions », sont en fait des prestations déguisées.

Elles pourraient en effet très bien prendre la forme d’un contrat pour un service rendu. Par exemple, dans une entreprise d’insertion dont le modèle économique est composé à 80 % de vente de biens et services et à 20 % d’aides au poste, ces 20 % pourraient être transformés en une prestation vendue aux pouvoirs publics au titre de la lutte contre l’exclusion. Une réflexion est d’ailleurs engagée au ce sens (évolution vers une offre de services) au niveau des pouvoirs publics en lien avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique. 

Une vision ambiguë de la « maximisation des profits »

M. Yunus a une lecture critique de la RSE (responsabilité sociale des entreprises). Pour lui, la mission des entreprises « classiques » étant de maximiser leur profit, la RSE est au mieux mineur (marginale) au pire cosmétique : la recherche du profit maximum ne peut être combinée avec la recherche de bénéfices sociaux ou écologiques maximum.

Il ne croît pas aux solutions hybrides : « Dans le monde réel, il sera très difficile de gérer des entreprises ayant des objectifs conflictuels. Les dirigeants de ces entreprises hybrides glisseront progressivement vers l’objectif de maximisation du profit, quel que soit la manière dont la mission de l’entreprise aura été conçue. (...) Sur quelle base sera-t-il jugé : celle de l’argent qu’il fait gagner aux investisseurs ou celle de l’objectif social qu’il remplit ? Pour compliquer les choses, l’environnement actuel des affaires est concentré sur la maximisation du profit. Toutes les techniques de gestion ont été conçues dans cet esprit. (...) Cela signifie que les objectifs sociaux poursuivis par les dirigeants seront mis de côté lorsqu’ils entreront en conflit avec l’objectif de maximisation du profit ».

En effet, on ne peut a priori que lui donner raison. Mais, ce constat peut être nuancé, voire contesté à deux niveaux. 

D’abord, M. Yunus profite grandement des stratégies de RSE. Son partenariat avec Danone (et plus récemment avec Veolia) s’inscrit bien dans ce cadre. Qui plus est, la multiplication des partenariats avec les multinationales (donc le cadre de leur politique de RSE) est une des voies qu’il préconise pour développer les SB. Il propose aussi, concernant la mesure de l’impact social, de s’appuyer sur les travaux issus de la RSE, comme ceux de la GRI (Global Reporting Initiative).

Ainsi, même dans un système mu uniquement par la logique du profit maximum, la RSE créé des marges de manœuvre non négligeables pour le développement des SB.

Ensuite, l’idée que les entreprises « classiques » doivent maximiser leur profit à tout prix est certes une réalité très actuelle, mais pas une loi immuable, tombée du ciel ou d’ordre divin. Elle résulte de choix politiques nationaux et internationaux, opérés de manière volontaire, depuis les années 70.

Et sur ce point, M. Yunus est ambigü et même contradictoire : pendant la majeure partie du livre, il ne trouve rien à redire à ce comportement qu’il voit comme une donnée exogène, invariante et incontestable : « Si vous êtes une entreprise maximisant son profit, votre travail est de gagner de l’argent et nul ne vous reprochera de ne pas vous soucier d’objectifs sociaux. »

Mais vers la fin, son discours change et il dresse un véritable réquisitoire contre la maximisation du profit : « Les entreprises des pays développés maximisent leurs profits, les ressources sont gaspillées, l’environnement est pillé et les générations futures doivent s’attendre à un avenir morose. A mesure que la philosophie capitaliste se répand, les nations en développement connaissent une croissance de leurs propres classes d’hommes d’affaires qui s’emploient à maximiser leurs profits, tout comme le font leurs modèles d’Amérique du Nord et d’Europe. Il en résulte que des centaines de milliers de personnes sont malades et meurent prématurément à cause de la pollution, et que le problème du changement climatique s’approche rapidement du point de non-retour. (...) Lorsque le profit est la seule priorité, nous oublions l’environnement, la santé publique et la soutenabilité de la croissance. Une seule question nous semble légitime : comment acheter et vendre plus de biens et comment réaliser un taux de profit supérieur à celui de l’année dernière ? Que ces biens soient vraiment nécessaires et bénéfiques aux individus est considéré comme hors de propos. »

Mon sentiment, à la lecture de l’ouvrage, est que M. Yunus parie qu’un développement significatif des SB va par contagion modifier la vision de l’entreprise « classique » et la décentrer d’une vision monodimensionnelle centrée sur le profit. Le développement des ES pourrait ainsi amener les entreprises (et le système économique) à reconsidérer leur rapport au profit, et à remettre en cause le dogme de la recherche permanente du profit maximum. 

La foi en l’Homme

Ce qui est admirable chez Yunus, c’est son inclinaison constante, et même son obsession, à toujours chercher à révéler et exprimer le meilleur des gens, qu’ils soient pauvres, riches, grandes entreprises, pouvoirs publics, banquiers... et qui plus est, à l’exprimer de manière concrète, dans l’action, dans l’initiative, dans la création. M. Yunus croit en l’Homme et le prouve !

« L’un des traits les plus solidement ancrés chez les êtres humains consiste à vouloir faire du bien à d’autres gens. C’est un aspect de la nature humaine que le monde des affaires ignore complètement. Le social-business satisfait cette aspiration : c’est ce que les gens trouvent enthousiasmant ».

Ce regard humaniste est particulièrement affirmé quand il est porté sur les pauvres : « Je vois les pauvres comme des bonsaïs. Quand on plante les meilleures semences du plus grand des arbres dans un pot de quinze centimètres de profondeur, on obtient une réplique parfaite de cet arbre - mais elle n’est haute que de quelques centimètres. Il n’y a rien de mauvais dans les semences : c’est le sol dans lequel elles ont été plantées qui pose problème.

Les pauvres sont des hommes-bonsaïs. Rien dans leur origine ne pose problème. Mais la société ne leur a jamais donné ce dont ils avaient besoin pour grandir. Pour sortir de la pauvreté, les pauvres n’ont besoin que d’un environnement favorable. Lorsqu’ils seront autorisés à libérer leur énergie et leur créativité, la pauvreté disparaîtra très vite. (...)Le micro-crédit allume le moteur économique des individus rejetés par la société. »

Changer les représentations

Pour finir, une question en forme de boutade : Yunus est-il de droite ou de gauche ? Cette question n’est jamais abordée dans le livre. On pourrait dire qu’il est de gauche pour la volonté de transformation sociale et la volonté d’impliquer constamment les personnes (démocratie participative...). On pourrait aussi dire qu’il est de droite pour son souci de développer la responsabilité et l’initiative personnelle ainsi que pour son goût du marché et du capitalisme.

Bien évidemment, il transcende totalement ce clivage... Son action est universelle. Le combat fondamental de Yunus est un combat sur les représentations et les grilles de lecture : « L’esprit humain est le vrai champ de bataille sur lequel nous devrions nous concentrer ».

M. Yunus et ses équipes transforment la vision sur les pauvres : les pauvres ne sont plus pauvres « parce qu’ils ne savent rien faire » mais parce qu’on ne leur a pas donné les moyens de libérer leur potentiel, de révéler leur créativité. Ils transforment la vision du crédit (proposé sans garantie à la GB). Ils transforment la vision de l’aide au développement. Ils transforment la vision du marché et de l’entreprise qui peuvent être des outils puissants et efficaces au service du progrès humain. Ils transforment notre vision du Bangladesh. Ils transforment le Bangladesh.

Yunus est à la fois un profond réformiste et un ardent révolutionnaire. Ce qui le rend exceptionnel. Il y a aussi quelque chose de réconfortant à constater qu’un des mouvements les plus importants de régénération du capitalisme vient d’un des pays le plus pauvre et le plus en difficulté du monde...

Notes
(1) Le premier produit commercialisé est Shokti Doi (« le yaourt pour être fort »), yaourt destiné aux enfants pauvres des villages, spécialement conçu pour améliorer leur santé et pour être économiquement accessible. Le modèle de production et de distribution de Grameen Danone cherche à impliquer les populations locales en amont (fermiers locaux), dans la production (emplois dans l’usine locale) et en aval (distribution par les « Grameen Ladies »). Yunus raconte dans le détail cette « success story », de la première rencontre avec Franck Riboud, PDG de Danone à l’ouverture de l’usine avec Zidane comme invité d’honneur.

(2) La Grameen Bank appartient à 94 % à ses emprunteurs, accorde des prêts à 7 millions de pauvres dont 97 % de femmes dans 78 000 villages du Bangladesh. Le taux de remboursement est de 98,6 % et 64 % de ceux qui ont emprunté à GB pendant au moins cinq ans ont dépassé le seuil de pauvreté... Depuis sa création, la GB a accordé un montant cumulé de 6 milliards de $ en prêt. Elle n’a plus recours aux dons depuis 1994.


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9 réactions à cet article    


  • herbe herbe 17 mai 2008 14:39

    Merci pour cet article finalement tellement connexe avec l’enquête sur la pauvreté en cours sur agoravox (certains commentaires m’ont partciulièrement ému et j’espère que "l’intelligence collaborative" contribuera à faire diminuer la pauvreté)

    La réduction unidimensionnelle est un concept que j’avais déjà lu : un intellectuel scientifique français, je crois que c’est Albert Jacquard.

    M. Yunus a expérimenté avec succès un dispositif permettant de diminuer la pauvreté.

    Peut-être qu’il est possible d’aller encore plus loin.

    Selon cet article http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1984 nous sommes encore dans le moindre mal.

    Je reproduis ici la conclusion :

    "L’égoïsme tranquille des libéraux est certes un moindre mal si on le compare à la volonté de puissance déchaînée des fanatiques du Bien. Mais une société égalitaire, solidaire et amicale, qui inviterait les hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes, me parait toujours moralement supérieure et infiniment plus désirable"


    • sisyphe sisyphe 17 mai 2008 14:44

      « Je vois les pauvres comme des bonsaïs. Quand on plante les meilleures semences du plus grand des arbres dans un pot de quinze centimètres de profondeur, on obtient une réplique parfaite de cet arbre - mais elle n’est haute que de quelques centimètres. Il n’y a rien de mauvais dans les semences : c’est le sol dans lequel elles ont été plantées qui pose problème.Les pauvres sont des hommes-bonsaïs. Rien dans leur origine ne pose problème. Mais la société ne leur a jamais donné ce dont ils avaient besoin pour grandir. Pour sortir de la pauvreté, les pauvres n’ont besoin que d’un environnement favorable. Lorsqu’ils seront autorisés à libérer leur énergie et leur créativité, la pauvreté disparaîtra très vite."

      Je trouve cette comparaison juste et interessante.

      Encore faut-il savoir que les grands arbres ont tout intérêt à ce que les bonsaïs restent à leur taille, pour ne pas souffrir de leur concurrence.

       


      • morice morice 17 mai 2008 15:23

        On préférerait une disparition pure et simple plutôt qu’unb aménagement. Le capitalisme n’est qu’une ETAPE, selon d’autres penseurs, on aurait tendance à l’oublier en ce moment....



          • Gilles Gilles 18 mai 2008 08:32

            "Yunus est-il de droite ou de gauche  ?"

            Cette simple question nous ramène à l’unidimensionalité...


            • gnarf 19 mai 2008 22:16

              Ni de droite ni de gauche. Il est clairement liberal.

              Utiliser ce que le marche apporte de plus benefique, comme le micro-credit, le passage de la pauvrete passive a la realisation d’un but que l’on s’approprie. Et mater les derives extremes de certains acteurs du marche.

              C’est le coeur de la pensee liberale aujourd’hui. Reconnaitre les bienfaits du marche, et bien plus encore isoler et cultiver ces bienfaits en reduisant les effets negatifs. La gauche ne croit pas que le libre marche est fondamentalement positif, et la droite non-plus puisqu’elle prefere le marche des grands groupes et des grands contrats pour les copains, les monopoles et l’absence de concurrence...

              Il y a une idee totalement fausse sur le liberalisme, tres repandue en France, selon laquelle le liberalisme se complait dans la "loi de la jungle", la "loi du plus fort". C’est absolument faux...mais cela sert la classe politique. Le liberalisme requiert un etat fort et tres present dans le domaine economique. Car il faut en permanence veiller a ce que TOUS puissent profiter des bienfaits du marche libre, sans que certains acteurs n’asphyxient d’autres. C’est difficile.

               


              • S2ndreal 26 mai 2008 15:57

                Gnarf,

                Sur quelle base faut-il "mater les dérives de certains acteurs du marché" ? Faut-il réintroduire une morale ? Qui fera respecter cette morale ? Pourquoi ces gens feront respecter cette morale ? Comment éviter la classe politique (..."faux...mais cela sert la classe politique") et avoir un état fort ? Comment un état fort, sans classe politique, fera - t - il pour veiller à ce que "TOUS puissent profiter des bienfaits du marche libre, sans que certains acteurs n’asphyxient d’autres."

                Sans réponse à ces questions ou à cette question : Comment ?, votre idée du marché relève du voeu pieu, du rêve éveillé, de la mission impossible. Votre foi dans le marché est touchante et infondée.

                Je crois qu’une morale, vraiment pas définie, sera inévitable. Elle devra être acceptée par tous. Un état fort devra la faire respecter avec une police vraiment puissante. Les principes de cette morale devront être marqués dans tous les esprits par des campagnes de propagandes incessantes. Une police de la pensée devra être instaurée, etc... Il y a eu un pays qui a essayé. C’était la Chine continentale sous Mao pendant le "grand bond en avant". Il a fait 80 millions de morts selon un avis autorisé.

                Votre idée ne tient pas la route ou elle fera beaucoup de casse si jamais quelqu’un applique le modèle maoïste.


              • thom 5 juillet 2008 01:09

                J’entendais récemment que la richesse cumulée de tous les millionnaires atteindrait les 40 000 milliards de dollars, soit un peu moins du PIB mondial (chiffres de Merril Lynch, Cap Gemini…)

                Parallèlement à ces chiffres, d’après l’ONU pour :

                • Donner un accès à l’eau potable au milliard d’êtres humains qui n’y a pas accès
                • faire en sorte que tous les enfant reçoivent une éducation de façon à éradiquer l’analphabétisme (aujourd’hui près de 850 millions d’analphabètes)
                • que toutes les femmes aient un accès aux soins gynécologiques et obstétriques
                • que les 2 milliards d’êtres humains qui n’ont pas accès à des centres de soin en aient un

                …il faudrait 800 malheureux milliards de dollars sur 10 ans…… soit 2% de la richesse cumulée des millionnaires…cela nous laisse songeurs… !

                Le problème c’est que bien souvent l’argent investi n’a pas porté ses fruits, du fait de la lenteur, l’inefficacité, la bureaucratie et la corruption qui caractérise l’action publique dans les pays en développement.

                Ce qu’il faut, en plus de ces programmes d’action étatique qui restent incontournables, c’est libérer l’énergie créative de chaque individu, permettre à chacun de s’émanciper, et pour cela l’accès au crédit est fondamental !

                D’où l’essor du microcrédit et des thèses de Mohamed Yunus...

                Voici un autre extrait de « Vers un nouveau capitalisme », qui illustre le rôle joué par les nouvelles technologies dans l’amélioration de la gouvernance dans les pays du tiers monde ici grâce à un simple téléphone portable !

                 

                « Certaines dames téléphones (au sein des communautés pauvres, dames qui offrent des services de téléphonie) ont fait usage du pouvoir que représente la possibilité de passer des coups de téléphone. L’une de mes histoires favorites met en scène une dame-téléphone dans un village où avait eu lieu un crime : une personne du village avait été attaquée par un inconnu qui avait aussitôt disparu. Les gens du village étaient en colère et angoissés. Que la police locale reste totalement indifférente à leurs appels les a rendus encore plus furieux.

                Par le passé, ils n’auraient eu aucun recours. Mais la dame-téléphone leur a dit de ne pas s’inquiéter car elle allait appeler le chef de la police. Elle l’appela et lui dit : « Les habitants de notre village sont très en colère car vous refusez de répondre à nos appels. Je vous demande d’envoyer des policiers dans notre village pour enquêter sur ce crime. Sinon, je vais appeler le bureau du Premier Ministre, j’ai son numéro sous les yeux ! »

                La police arriva une heure plus tard. »

                ..et juste pour la route, LA PRIORITé ESSENTIELLE pour l’humanité, selon M. Yunus :

                « La priorité humaine essentielle est la réduction des inégalités et l’expansion d’une classe moyenne mondiale incluant les milliards de personnes vivant actuellement avec un revenu de 2 dollars ou moins par jour. » nous assène Mohamed Yunus.

                 

                Cette priorité je pense ne pourra prendre corps qu’au travers d’une double approche de haut en bas (top down) et de bas en haut (bottom up).

                 

                « Top down » donc via la refonte de la gouvernance mondiale et...la suite sur mon blog

                 



                • joelim joelim 17 août 2008 16:08
                  Merci pour cet article. Je suis étonné du peu de lecteurs et de réactions, vu la nouveauté et l’intérêt de l’approche de M. Yunus.
                   
                  morice : On préférerait une disparition pure et simple plutôt qu’unb aménagement. Le capitalisme n’est qu’une ETAPE, selon d’autres penseurs, on aurait tendance à l’oublier en ce moment....
                  Voir en ce que propose Yunus un simple aménagement du capitalisme me paraîtrait être le comble du dogmatisme : seules les solutions au problème de la pauvreté qui entreraient dans la vision idéologique d’une "vraie gauche" auto-proclamée seraient acceptables ? Et comme il n’y en a apparemment pas (les "penseurs" n’étant apparemment pas des "acteurs"), il vaudrait mieux continuer à s’écouter parler sans rien faire ? L’idéologie ne doit pas passer devant les résultats tangibles, sinon c’est de la bouffonnerie qui finit dans des résultats électoraux ridicules. C’est mon humble avis. La parole n’arrive jamais à la cheville de l’acte : que nous oublient un peu les penseurs-gloseurs, c’est-à-dire ceux qui parlent en l’air et n’appliquent pas ce qu’ils disent.
                   
                  Gilles : "Yunus est-il de droite ou de gauche ?"  Cette simple question nous ramène à l’unidimensionalité...
                  Bien vu. Ces clivages artificiels nous lobotomisent à petit feu. Certaines questions sont mal posées et n’ont pas de réponse claire. Dans ce cas précis Yunus ringardise totalement les dogmatismes droitiers et gauchers dont la petite musique nous entoure depuis des dizaines d’années : qui n’est de gauche est de droite et vice versa, gnagnagna. Avec ses mots simples et concrets, Yunus pulvérise tout simplement la rhétorique habituelle, en s’en tenant strictement au factuel, ce qui est totalement déstabilisant en regard de l’attitude habituelle des politiques français, dont chacun a élaboré sa propre idéologie byzantine, évidemment plus meilleure que celle des autres... La preuve en est que tout finit en querelles de personnes, malgré le peu de crédibilité que cela génère vis-à-vis du citoyen-électeur. Et d’ailleurs, comment peuvent-ils seulement croire que l’électeur leur fera confiance, s’ils ne se font même pas confiance dans leur propre équipe ?....
                   
                  Gnarf : Car il faut en permanence veiller a ce que TOUS puissent profiter des bienfaits du marche libre, sans que certains acteurs n’asphyxient d’autres. C’est difficile.
                  Je ne suis pas expert en art économique mais il me semble qu’il faut distinguer entre libéralisme économique et liberté de concurrence, et que vous parlez de la seconde et non du premier.  Je ne me réfère pas au dico mais aux actes de ceux qui prônent l’un ou l’autre : les tenants du libéralisme veulent moins d’état et se moquent de la liberté de concurrence du moment qu’ils ne sont pas lésés, çà me semble être un invariant. Par ailleurs, dire que maintenir le marché libre est difficile me fait sourire : c’est comme si on disait qu’on essaie d’aider les pauvres à sortir de leur pauvreté mais que c’est difficile. Comme si on faisait quelque chose d’efficace ! La liberté de concurrence est probablement un but noble et même réalisable mais n’est pas du tout appliquée en France malgré les législations : il n’y a quasiment plus dans les branches économiques importantes que des empires : médiatiques, de la téléphonie, du BTP, des médicaments, etc., Ils se concertent potentiellement (prix du SMS, etc.) et font la pluie et le beau temps auprès des décideurs et des législateurs politiques démocratiquement mandatés. Et çà va de pire en pire (sociétés d’autoroutes, énergie, transports...). Donc, je crois qu’on ne sait pas si c’’est vraiment difficile, quand les politiques ne font rien à part les gesticulations habituelles ayant pour but de faire croire qu’ils font quelque chose.
                   
                  S2ndreal : Sur quelle base fau[drai]t-il "mater les dérives de certains acteurs du marché" ? Faut-il réintroduire une morale ?
                  Réaction très juste, tant de gens pensent à contrer autrui plutôt qu’à construire quelque chose. La force de la proposition de Yunus justement, avec ses Social Business (que j’associe aux entreprises sociales), est de ne pas tomber dans le travers des interdictions parfois irréalistes qui plombent le discours de la rhétorique politique française. Je crois même que cela dépasse les capacités conceptuelles des habitués ancrés dans la gauche de la gauche, qui voient vraisemblablement en Yunus le chantre d’un capitalisme réformé ou maquillé, alors qu’il est pour moi un David en face du Goliath capitalistique (en effet, un capitalisme sans dividendes transforme totalement celui-ci). D’ailleurs, les actes de Yunus ont sorti beaucoup plus de gens de la pauvreté que ceux de n’importe quel anti-capitaliste proclamé français. Les électeurs s’en doutent bien, il n’y a qu’à voir les calamiteux résultats des "anti-capitalistes" dans les derniers championnats de France de présidence de la République. Comme quoi la bien-pensance du discours ne fait pas tout et les positions anti-quelque chose sont perçues pour ce qu’elles sont : des idées non abouties, sans caractère d’opérationnabilité. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons, ils savent très bien qu’une idée généreuse ne se transforme pas toujours en loi qui ne se transforme pas toujours en décret qui ne se transforme pas toujours en application réelle qui n’est pas toujours une réussite. C’est pourquoi un discours ne vaut jamais un acte.
                   
                  Pour en revenir aux entreprises sociales, leur force est de concurrencer les entreprises actionnariales (à dividendes) sur leur propre terrain, même sans l’aide d’une législation en leur faveur. Loin de scander des slogans anti-ceci ou anti-cela, comme le font nos théoriciens de la gauche de la gauche (que j’appelle la gauche de la gauche, la GG quoi), M. Yunus analyse objectivement le problème de la pauvreté, propose et expérimente avec succès des solutions pragmatiques, si loin des préoccupations de la GG que celle-ci ne réagit pas... Et en fait je trouve que c’est tant mieux, car quoi attendre de courants politiques ayant concrètement acté, par leur rhétorique, pour l’élection de Sarkozy plutôt que pour la méchante néo-socialiste Ségolène ? Même la "gauche progressiste" (ou GP, que je définirais comme celle qui réfléchit logiquement plutôt que doctrinalement), peut ne pas saisir la portée des propositions de Yunus... Un banquier, même s’il transforme la vie de milliers de pauvres, est-il avant tout un banquier ? Pour une certaine gauche la réponse semble être oui, ce qui est pour le moins étonnant de dogmatisme. Déjà, l’erreur initiale de la position anti-capitalistique est de se contenter de se positionner principalement en tant qu’anti-quelque chose, ce qui signifie : qu’il n’y a pas de meilleure alternative disponible à mettre en avant. Et oui, c’est plus facile de détruire que de construire, tout bricoleur sait cela, l’électeur aussi d’ailleurs...
                   
                  Quant aux "joint-ventures" genre Grameen Bank / Danone, je ne suis pas entièrement convaincu mais bon, on verra dans la longueur. Si çà marche tant mieux. Je part du principe, peu usité en France, où l’on ferait passer le progrès social tangible avant les doctrines très élaborées mais peu concrètes des philosophes de la politique... Je fais confiance à M. Yunus pour éviter la dénaturation de son action. Lui au moins mets en corrélation ses actes et ses paroles. D’ailleurs, il est Nobel de la Paix, lui, et ce n’est pas parce qu’il prête de l’argent qu’il faudrait le diaboliser, au contraire !
                   
                  Autre remarque : je suis sûr qu’à choisir, à qualité égale (si c’est possible), les consommateurs achèteraient plus à une entreprise sociale qu’à une entreprise à actionnariat. Deux raisons à celà, chacune justifiante à elle toute seule :
                  - l’humain aspire naturellement aux avancées sociales, et n’aime pas trop le lucre (surtout celui des autres),
                  - maximiser le profit entraîne la malfaçon, le gaspillage, la pollution, le mépris des valeurs de respect de l’être humain (utilisation de la main d’oeuvre en tant que simple outil, etc.). Un exemple de résultat de cette maximisation des profits : Le scandale de l’huile de moteur dans l’huile de tournesol.
                   
                  Mais le véritable défi dans notre coin de planète est de les mettre en oeuvre, ces entreprises sociales. Dans les pays pauvres, certes, mais aussi pour les pauvres d’ici, et même pour l’ensemble des services possibles. Cela me paraît le seul espoir pour arriver à sauver la planète (on a dépassé le stade où ce propos était naïf). Evidemment le problème est alors d’être suffisamment compétitif, pour l’obtenir, cette qualité. Mais il y a des marges de manoeuvre : au regard des positions monopolistiques, des budgets publicitaires et communicatoires, du manque de fonctionnalité de tant de produits et services. Non ? Et puis, pourquoi concurrencer directement ? Pourquoi ne pas plutôt développer une activité économique créative et alternative, répondant aux besoins non satisfaits, et nettement différenciée des circuits consommatoires habituels qu’il paraît vain de vouloir changer ?
                  Gageure ? Voire. Personnellement, je ne suis satisfait, ni de la télé, ni de la radio, ni des journaux, ni des logiciels, ni de la bouffe industrielle, ni de la qualité des produits en général, etc, etc. C’est donc que mon pouvoir d’achat est disponible pour d’autres services et articles, élaborés dans une perspective sociale. Vastes potentialités que tout cela, surtout quand on voit le matraquage publicitaire essayant de faire passer les business les plus polluants pour des entreprises écologiques !!! Bien sûr, les banques classiques ne proposent pas d’épargner dans des "social business"... Où serait leur intérêt ? Et leurs agios ? Elles ne bossent pas pour rien, elles ont des bénéfices à verser, elles !... Qu’à celà ne tienne, confions notre épargne à des institutions plus fiables (je fais référence au scandale de la titrisation des risques) et surtout moins avides de gains !... Déjà qu’elles nous font payer l’argent qu’elles prêtent à la collectivité nationale !!

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