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Intelligence économique et renseignement : dix réalités fondamentales pour un renouveau de la fonction renseignement

Il existe un lien fort entre intelligence économique et  renseignement dont nul ne peut ignorer la réalité. Le jeu de cache-cache sémantique sur lequel repose le concept d’intelligence économique en France occulte certaines réalités qu’un examen attentif de la fonction renseignement doit permettre d’éclairer. Les fondements théoriques de cette discipline mis à mal par des contraintes opérationnelles nouvelles et un environnement marqué par l’explosion des technologies de l’information doivent être entièrement révisés sur les nouvelles bases que nous imposent ces réalités retrouvées.

L’intelligence économique souffre d’une image déformée par le poids des mots que chacun voit se profiler derrière l’idée. Nul ne peut ignorer en effet que l’anglicisme intelligence masque en réalité le renseignement, lui-même soupçonné de camoufler l’espionnage auquel il est la plupart du temps assimilé. Ce double jeu de cache-cache sémantique, qui freine les développements pratiques dans l’entreprise du concept d’intelligence économique malgré l’indéfectible soutien des pouvoirs publics et de l’université, traduit en réalité un grave retard théorique et méthodologique dont souffre le renseignement. La grande mutation que vit ce dernier pour faire face au bouleversement des menaces et relever des défis sécuritaires nouveaux devrait pourtant nous inciter à travailler au renforcement d’un socle théorique dont aucune réforme d’envergure ne peut faire l’économie.

Dans Le Monde du 5 juillet 2008, Isabelle Mandraud[1] constate, à propos de l’arrivée prochaine au poste de directeur général international de la société Gallice Security d’un ancien patron du service action de la DGSE, que le secteur privé de l’intelligence économique, poursuivant son expansion, continue d’aspirer des responsables de la sécurité publique. Elle note à cette occasion que le secteur privé, petit à petit, grignote ainsi des missions jusqu’ici considérées du domaine régalien. Cette information, rapprochée de plusieurs affaires récentes qui ont amené les médias, comme le constate Christian Harbulot dans un éditorial récent[2], à se repencher sur les liaisons dangereuses entre le monde de l’intelligence économique et celui du renseignement privé, incite à s’intéresser à la nature du lien qui existe entre intelligence économique et renseignement. Son caractère équivoque, que l’ambiguïté du vocabulaire contribue à favoriser malgré les innombrables tentatives d’éclaircissement de la part des autorités, montre bien qu’un effort important est encore à faire en matière de définitions. Sans ce travail théorique fondamental sur le renseignement, aucune promotion à l’échelle nationale de l’intelligence économique, à la fois réaliste, efficace et responsable, n’est à mon avis envisageable.

L’article de Wikipédia concernant l’intelligence économique (IE) commence ainsi  : «  L’intelligence économique se distingue de l’espionnage économique car elle utilise exclusivement des moyens légaux  ». Ce faisant, l’encyclopédie en ligne reprend un leitmotiv des professionnels et des fondateurs de l’intelligence économique en France, qui à force d’être répété, ne réussit qu’à renforcer les suspicions à l’encontre d’une activité dont la respectabilité devrait être une évidence. S’agissant d’un métier que l’État cherche à promouvoir dans l’entreprise depuis une quinzaine d’années déjà, son caractère légal ne devrait plus en effet être mis en doute depuis bien longtemps. Or, les affaires récentes évoquées par Christian Harbulot le montrent bien, il se trouve que l’amalgame entre IE et "barbouzerie" est un thème qui revient indéfiniment sur le devant de la scène médiatique. Il n’est pas forcément inutile d’essayer d’en comprendre les raisons.

Concernant l’espionnage, l’encyclopédie libre en ligne "redirige" l’internaute vers l’article intitulé "Renseignement", dans lequel elle note que le public désigne généralement cette activité par le mot espionnage, un terme péjoratif et porteur de nombreux clichés, issus principalement des romans et du cinéma. Cette perception sulfureuse de la fonction renseignement par le public est très largement répandue en raison précisément de ce sens "chargé d’aventure" hérité de l’Histoire et d’un détournement sémantique qui a fait préférer l’usage plus policé du mot renseignement à celui d’espionnage beaucoup moins présentable. Le problème, c’est qu’à force d’utiliser un mot pour un autre afin d’en gommer l’image négative, le premier finit toujours par se charger de cette même image. Personne n’est dupe de la supercherie, et l’usage courant consacre la synonymie presque parfaite des deux termes renseignement et espionnage. Conscients de cette dérive sémantique, les concepteurs de l’intelligence économique en France ont reconduit le même subterfuge pour gommer cette image négative désormais bien peu présentable inoculée au terme renseignement par un usage fallacieux, en le remplaçant à son tour par son équivalent anglais intelligence qui paraissait incomparablement plus "noble". Cette double supercherie sémantique a tellement bien fonctionné que les concepteurs mêmes de l’intelligence économique "à la française" ont fini par en oublier le véritable sens du mot renseignement et le vrai visage de la fonction renseignement.

Pour preuve cette déclaration pour le moins surprenante de la part de l’auteur du premier rapport sur l’intelligence économique en France (1994), ancien délégué général pour l’armement, ancien PDG de la société Aérospatiale, ...  : «  Contrairement à ce que pensent certains, intelligence économique ne veut pas dire "renseignement", mais la mise en œuvre d’une méthodologie rigoureuse où se combinent la saisie des informations, leur évaluation, leur mise en perspective et la mesure de leur cohérence et, à partir de là, la compréhension des facteurs d’évolution et leur projection dans l’avenir.  »[3]. Ce que Henri Martre tente là de dissocier du renseignement est à peu près l’exacte description de la fonction renseignement  !

Si quatorze ans après la parution du rapport Martre, on en est toujours à essayer de convaincre l’opinion publique qu’intelligence économique n’est pas espionnage, c’est probablement que le discours manque de clarté face à des réalités que personne ne peut ignorer. Tentons de faire le tour de ces réalités et de proposer quelques définitions susceptibles de clarifier le discours.[4]

- Première réalité, un "renseignement" se distingue d’une information par le fait qu’il répond à un besoin de savoir pour mener une action déterminée.

 DÉFINITION  :  un "renseignement" est une information recherchée dans le but de répondre à un besoin de savoir nécessaire à la décision pour une action déterminée.

 Corollaire  : une information, dès l’instant où elle est recueillie, quel que soit son degré d’élaboration, qu’elle soit analysée ou non, recoupée ou non, validée ou non, est un "renseignement" dès lors qu’elle est recueillie dans le but de répondre à un besoin de savoir nécessaire à la décision pour une action déterminée.

- Deuxième réalité, "renseigner" c’est "exploiter" une information dans le but de fournir un savoir nécessaire à la décision pour une action déterminée  : l’action de renseigner est une fonction d’"exploitation" de l’information qui se distingue de l’action d’informer par sa finalité qui est d’éclairer la décision pour une action déterminée. 

 DÉFINITION  : la "fonction renseignement" est un "processus d’exploitation" de l’information qui, à partir de "renseignements" recueillis par des "sources" (mettant en œuvre des "capteurs"), a pour finalité de fournir à un "client"  les savoirs nécessaires à la décision pour une action déterminée.

 Corollaire 1  : la "fonction renseignement" transforme, au cours d’un processus baptisé "exploitation", des "renseignements" recueillis par des "sources" en "renseignements" fournis à des "clients".

 Corollaire 2  :  le processus décrit par la "fonction renseignement" est strictement borné (bornes exclues), en amont par le "recueil" de l’information réalisé par les "sources" qu’elle exploite, en aval par la décision dans l’action appartenant au "client" qu’elle sert.

 Corollaire 3  : le "recueil" d’information par les "capteurs" en amont, tout comme la décision dans l’action par le "client" en aval, échappent à la "fonction renseignement" stricto sensu.

Corollaire 4  : au sein d’une communauté, quel que soit son niveau d’organisation, le "processus d’exploitation" se pratique à tous les échelons des structures existantes, du niveau individuel au niveau collectif le plus abouti, mais la "fonction renseignement" ne désigne le processus d’exploitation que lorsqu’il est finalisé par la fourniture du renseignement au client pour la décision dans l’action.

Troisième réalité, lorsqu’au sein d’une communauté, un "service" s’avère nécessaire entre la "source" et le "client" pour fournir un "renseignement", le "processus d’exploitation" est pratiqué à plusieurs niveaux, par la "source" puis par le "service", mais ce dernier est le seul à réaliser la "fonction renseignement".

 DÉFINITION  : un service ayant pour fonction de renseigner, c’est-à-dire dédié à l’exercice de la "fonction renseignement", est un "service de renseignement".

 Corollaire 1  : la structure dont relève la "source" au sein de la communauté n’est pas un "service de renseignement".  

 Corollaire 2  : un "service de renseignement" n’a pas vocation à réaliser le "recueil" d’information qu’il se borne à piloter en exploitant ses "sources"[5], pas plus qu’il n’a vocation à prendre des décisions stratégiques ou opérationnelles qu’il se borne à éclairer.

- Quatrième réalité, l’espionnage est un moyen de "recueil" d’information parmi d’autres[6], réalisé à l’aide de "capteurs" ayant la particularité d’opérer dans la clandestinité (on parlera de "sources secrètes").

 Corollaire 1  : comme tout autre moyen licite ou illicite de "recueil" d’information, l’espionnage échappe à la fonction renseignement stricto sensu.

 Corollaire 2  : un organisme pratiquant l’espionnage peut être piloté par un "service de renseignement", mais il n’est pas un "service de renseignement".

- Cinquième réalité, l’espionnage est illégal. Lorsqu’il est pratiqué par des États, il est l’œuvre de services gouvernementaux appelés "services secrets" ou "services spéciaux" dont la seule justification est d’assurer la sécurité nationale.

 Corollaire    : l’espionnage, lorsqu’il est pratiqué par un État, ne peut concerner que le recueil d’informations de nature à assurer sa sécurité.

- Sixième réalité, l’activité des "services spéciaux" ou "secrets" gouvernementaux ne se limite pas au "recueil" clandestin de "renseignement"  : ils couvrent tout le spectre des opérations spéciales que peuvent rendre nécessaires les impératifs de la sécurité.

Première conclusion

L’appellation "service de renseignement" pour désigner des "services secrets" ou "spéciaux", bien que consacrée par l’usage courant, est impropre  : l’usage professionnel doit lui préférer l’une ou l’autre des deux appellations précédentes.

- Septième réalité, tous les grands "services de renseignement" gouvernementaux mettent en œuvre des "services spéciaux" ou "secrets" qui sont intégrés dans leurs structures.

Deuxième conclusion

L’amalgame entre "services secrets" et "services de renseignement" gouvernementaux est inévitable et l’assimilation de la "fonction renseignement" gouvernementale à des activités clandestines ou secrètes en est la conséquence directe et inéluctable.

- Huitième réalité, les "services de renseignement" de l’État, qu’ils soient policiers ou militaires, ont pour seule raison d’être la sécurité.

 Corollaire  : les seuls "renseignements" de nature économique qu’ils peuvent être amenés à exploiter concernent des événements ou des acteurs susceptibles de menacer la sécurité de la nation et de son économie ou de ses entreprises et de leur industrie ou de leurs affaires.

- Neuvième réalité, l’"intelligence économique", quelle que soit la définition qu’on lui donne et le périmètre qu’on lui attribue, repose fondamentalement sur la "fonction renseignement".

 Corollaire  : les entreprises dont la raison d’être est économique recherchent des "renseignements" dans leur domaine d’activité économique dans le seul but de mieux connaître leur environnement (technologique, industriel, concurrentiel, commercial, financier, juridique...) afin d’être en mesure de prendre les bonnes décisions dans leur domaine d’action et de compétence qui est économique.

- Dixième réalité, l’"intelligence économique" se distingue, non pas seulement de l’espionnage (ce qui est ou devrait être une évidence), mais de la "fonction renseignement"[7] pratiquée par les services gouvernementaux, par le fait qu’elle ne peut pas exploiter de "sources" pratiquant des activités de "recueil" clandestines.

 Troisième conclusion et conséquences à en tirer

Afin d’éviter toute ambiguïté, la séparation entre "intelligence économique" et "Renseignement" gouvernemental doit être très clairement établie.

- Première conséquence - Toute pratique qui pourrait être associée de près ou de loin à celle des services gouvernementaux doit être exclue du périmètre de l’intelligence économique. En particulier, toutes les activités liées à la protection ou à la sécurité, qui impliquent des dispositions individuelles de la part des entreprises et donc privées, mais également des mesures collectives donc publiques relevant des missions régaliennes de l’État, devraient être strictement exclues du périmètre de l’intelligence économique.

- Deuxième conséquence - L’intelligence économique doit être une affaire privée pratiquée par les entreprises et ne peut pas être une activité publique pratiquée par des services de l’État.

Pour toutes ces raisons, il faut s’interroger sur l’intérêt de poursuivre la promotion laborieuse de ce concept d’intelligence économique si controversé et de ses trois volets - information, protection et influence - pourtant tellement nécessaires à nos économies dans notre monde globalisé. À cette démarche beaucoup trop ambiguë pour entraîner l’adhésion de toutes les parties concernées, il faudrait à mon sens préférer  :

- l’affirmation par les pouvoirs publics d’une politique économique doublée d’une politique de sécurité économique, d’une politique industrielle et d’une politique d’influence au sein des instances internationales impliquant les entreprises dans le cadre d’un véritable partenariat public-privé  ;

- la création au sein de l’université d’une discipline relative à la "fonction Renseignement", relevant des sciences de l’information, avec pour objectif de développer, sur la base des réalités énoncées précédemment, des programmes de recherche et les formations correspondantes destinées à créer un vivier de professionnels de la "fonction Renseignement" pour les missions régaliennes de l’État en matière de sécurité, pour le partenariat public-privé en matière d’influence et pour les entreprises  ;

- la réhabilitation, sur ces nouvelles bases, de la "fonction Renseignement" au sein des entreprises dans le cadre d’une activité qui serait mieux caractérisée par l’appellation "Renseignement d’entreprise" et dont toute participation de l’État serait clairement exclue afin d’éviter tout risque de confusion avec le "Renseignement" d’État à vocation sécuritaire et de ses à-côtés "discrets", voire clandestins.

Le "Renseignement d’entreprise" est une affaire privée et doit le rester pour ne pas fausser les règles de la concurrence[8]. Le "Renseignement" d’État est à vocation strictement sécuritaire et doit le rester pour ne pas tomber dans des dérives fréquemment dénoncées par la presse[9] et assez naturellement réprouvées par l’opinion publique. Le partenariat public-privé souhaité par Bernard Carayon ne peut en aucun cas être défendu en dehors de ce cadre très strict qu’il ne serait pas inutile de formaliser par un peu de ménage dans le vocabulaire.

Les confusions qui affectent la définition même du "Renseignement" montrent à quel point son incorporation dans cette discipline plus vaste aux limites encore trop incertaines, qu’est l’intelligence économique "à la française", forme un amalgame complexe à manipuler et rend indispensable cet effort de clarification. Il est en particulier nécessaire de marquer des frontières nettes entre la "fonction Renseignement" et les activités opérationnelles qu’elle a vocation d’éclairer, de distinguer "l’exploitation des sources", facette essentielle de la "fonction Renseignement", du recueil pratiqué par des capteurs opérationnels qu’elle exploite, afin de redonner à la "fonction Renseignement" toute la respectabilité qu’elle mérite. Le seul moyen d’y parvenir passe par une clarification des définitions et la consolidation des bases théoriques de cette fonction essentielle tant dans le domaine militaire que policier.

La "fonction Renseignement" répond à un besoin de savoir pour agir. Elle exploite des "sources", dont elle anime, dans un processus cyclique d’orientation, le "recueil" par des "capteurs" qui appartiennent à la communauté opérationnelle au profit de laquelle elle s’exerce et sont donc également ses clients. Les "renseignements" ainsi reçus de ces différentes "sources" sont ensuite "capitalisés" sous forme de "données", puis corrélés afin de constituer un réservoir de "connaissances" destiné à "communiquer" en temps utile à la communauté les "savoirs" argumentés qui lui sont nécessaires pour décider dans l’action. Sa mise en œuvre ne présume en rien du caractère licite ou illicite des moyens de recueil qu’elle pilote, mais dont la pratique lui échappe, ni du caractère "ouvert" ou secret de l’information recueillie. Elle est indépendante de toute notion de clandestinité et ne peut en aucun cas être confondue avec l’espionnage, fonction de recueil pratiquée par des capteurs en situation de clandestinité.

A l’heure où le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale érige en priorité une nouvelle fonction stratégique baptisée "connaissance et anticipation", et entend présenter une réforme complète du "Renseignement", ces considérations théoriques et les dispositions pratiques qu’elles impliquent, ainsi que les développements méthodologiques qui devraient suivre, sont plus que jamais nécessaires[10]. Les premières réalités énoncées plus haut et leurs conséquences pourraient servir de base à la véritable refonte théorique dont la discipline a besoin pour faire face aux nouveaux défis stratégiques auxquels elle est confrontée dans un environnement fortement marqué par l’extraordinaire développement des technologies de l’information.  La récente réorganisation des services de renseignement du ministère de l’Intérieur, qui consacre l’assimilation de la "fonction Renseignement" à des activités "spéciales" en regroupant au sein d’une même direction du "Renseignement" toutes les missions dites "en milieu fermé"[11], mêlant activités de "Renseignement" et activités de police judiciaire, pour laisser à une autre direction le "Renseignement" "en milieu ouvert" rebaptisé "information générale", ne paraît malheureusement pas aller dans le bon sens.



[1]    Isabelle Mandraud, Gilles Maréchal, du service action de la DGSE au privé, Le Monde du 5 juillet 2008.

[2]    Christian Harbulot,  L’Intelligence économique sur la sellette, Infoguerre.fr, 02 juillet 2008.

[3]    Henri Martre, Les Trois Erreurs stratégiques d’Airbus , Les echos.fr, Le blog de l’intelligence économique, 23 octobre 2007.

[4]    Les définitions sont la base de la théorie  : les guillemets indiquent, dans les paragraphes qui suivent, les mots dont le sens doit être fixé par la théorie.

[5]    Cette observation est primordiale  : une bonne organisation du renseignement implique que le recueil d’informations soit l’œuvre de tous les acteurs opérationnels qui sont "au contact avec l’ennemi" et sont autant de sources d’informations essentielles qui doivent être sans cesse sollicitées à cette fin.

[6]    Enquête judiciaire, interrogatoire de suspect, observation spatiale, enquête journalistique, interview, moteurs de recherche sur internet, par exemple.

[7]    Par un raccourci du langage courant, le terme "renseignement", qui désigne l’information recherchée dans le but de répondre à un besoin de savoir pour agir, est utilisé également pour désigner la "fonction renseignement". Afin de distinguer les deux sens dans la suite du propos, le "Renseignement" désignant la "fonction renseignement" prendra une majuscule.

[8]    Cf. le différend qui oppose la Fédération des professionnels de l’intelligence économique (FEPIE) à l’Assemblée des Chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) relaté par Mael Le Hir sur son blog VEDOCCI.

[9]    Cf. Ecoutes clandestines, enquêtes illégales, Clearstream… - La République des officines, Le Point n° 1 760, à propos des liaisons dangereuses dans le monde du renseignement et mon article du 4 juillet 2008 sur Agoravox (Renseignement et intelligence économique sur la sellette)

[10] A ce propos, le projet de mémoire sur le renseignement, provisoirement intitulé Le Renseignement comme objet de recherche scientifique, annoncé récemment par Franck Bulinge (université de Toulon), et se proposant de définir un projet national de recherche sur le sujet, paraît extrêmement intéressant.

[11] Plutôt que "Direction centrale du renseignement intérieur" (DCRI), celle-ci aurait dû être baptisée "Direction des services secrets de l’intérieur" ou "Direction du secret intérieur".


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13 réactions à cet article    


  • alberto alberto 30 juillet 2008 13:34

    Bravo pour cet excellent rappel des définitions et des rôles impartis à chacuns.

    Mais croyez-vous qu’au pays de Colbert, où l’Etat possède encore des actions dans quelques entreprises stratégiques, nos décideurs n’aient pas quelquefois la tentation de "mélanger les genres" ?

    Et je crois que c’est aussi le cas ailleurs où les services de renseignements étatiques ne répugnent pas à donner un petit coup de main à leurs petits camadades de l’intelligence économique des entreprises (surtout dans le secteur de la recherche et de l’armement)

    Merci encore à l’auteur pour cet article didactique et bien interessant.


    • Francis BEAU Francis BEAU 30 juillet 2008 18:11

      Bonjour Alberto, Merci pour ce commentaire. Oui, bien sûr, la tentation de mélanger les genres existe, et elle est forte ! C’est bien la raison pour laquelle je considère qu’il faut tout faire pour clarifier les choses (le flou, pas plus que le mélange des genres n’est une solution). De deux choses l’une :

      - soit l’Etat affiche une politique de sécurité économique floue laissant planer le doute sur le fait qu’il pourrait aller jusqu’à utiliser des moyens illégaux pour aider ses entreprises dans la compétition mondiale, alors ce n’est plus la peine d’aller négocier dans les instances internationales (OMC ou autres), sa voix (ou sa parole) ne sera plus respectée ;

      - soit il affiche clairement une politique de sécurité économique très ferme, mettant tout en œuvre pour détecter (renseignement) et réprimer (police, justice) les agressions qui menacent nos entreprises, tout en incitant ces dernières :

      • 1. à se protéger individuellement en appliquant avec une extrême rigueur les mesures de sécurité qui s’imposent dans ce monde dangereux,

      • 2. à se renseigner sur leur environnement économique sans jamais recourir à des actes illégaux,

      alors, il sera respecté sur la scène internationale et pourra faire entendre la voix de son pays. Ce n’est pas là de la naïveté, mais seulement de l’intérêt bien compris. Si votre question sous-entend que le flou et la confusion les arrange bien (nos décideurs) afin de pouvoir mélanger les genres, alors pourquoi l’Etat dépense-t-il tant d’énergie pour inciter nos PME à pratiquer l’IE alors qu’il n’en est pas actionaire et que pour la plupart elles n’ont rien de stratégique ? Cette énergie est d’ailleurs dépensée en pure perte car elles ne suivront pas dans ce mélange des genres qui ne peut que leur être néfaste (respectabilité, réputation,…). Cordialement, FB


    • Rétif 30 juillet 2008 14:29

      à l’auteur

      L’ intelligence économique, quelque soit la définition qu’on lui donne et le périmètre qu’on luiattribue,repose essentiellement sur la foncrion renseignement.
      Le terme semble donc bien ici employé dans le sens de l’anglicisme.

      Article intéressant Juste ce premier détail . Essaierait de revenir. Merci de vos éclaircissements auxquels Wikipédia ne répond pas suffisamment à mon sens.

      Le sens, en simple français ne serait-il pas : l’effficacité de la réflexion en entreprise économique ?


      • CAMBRONNE CAMBRONNE 30 juillet 2008 15:08

        BONJOUR MONSIEUR BEAU

        Bravo pour votre esprit d’analyse . Faites nous une petite synthèse SVP . Le sujet est ardu mais meriterait une présentation plus accessible pour le vulgum pecus français qui se tamponne du renseignement , intelligent ou pas .

        Pour avoir sévi dans le milIeu je Veux vous dire qu’il ne faut pas se faire de noeud au cerveau . Oui l’intelligence économique et le renseignement pataugent dans le même marigot . Tout le monde sait que 99% des informations recueillies le sont dans le secteur ouvert . Il y a le 1% qui reste et vous pouvez l’appeler de n’importe quel nom , civil ou militaire , c’est du vol avec ou sans effraction . parfois du viol .Mais c’est necessaire .

        L’important est que les personnes qui se livrent à cette activité soient des gens parfaitement honnorables. L’officier de la DGSE est la plupart du temps un bon père de famille qui va à la messe mais qui parfois fait des trucs bizarres que "la morale réprouve".Le chantage en est une variante .

        Reconverti dans le civil il est bien naturel qu’il poursuive dans cette voie . J’ai un bon camarade qui a monté une boite , qui travaille en Irak et Algérie . Ancien du service action , il joindra forcèment l’action au dossier de renseignement . Sinon on aurait plutot choisi un analyste .

        Merci en tout cas de publier sur ce site .


        • Francis BEAU Francis BEAU 30 juillet 2008 18:54

          Merci monsieur Cambronne pour votre commentaire.
          Désolé pour la synthèse,  je n’ai probablement pas pris suffisamment de temps pour "faire court".
          Sans se faire de noeuds au cerveau, je me contenterai de noter que tout le monde n’a pas envie de patauger dans le marigot, de même que tout le monde n’en a pas les capacités. Ce genre d’activités recquiert des qualités, qui sans être hors du commun, ne sont pas données à tout le monde, ainsi qu’une formation assez poussée.
          Ce n’est pas une affaire de militaires ou de civils, mais de public ou privé : l’officier de la DGSE dont c’est le métier peut faire tous les "trucs bizarres" que les missions qui lui sont données lui imposent et lui autorisent, ce n’est pas pour autant que, reconverti dans le "privé", il puisse se permettre de continuer. S’il voulait le faire, il lui aurait fallu rester à la DGSE.
          Quant à pratiquer le "vol", à titre privé, ce n’est pas seulement la morale qui le réprouve, mais également la loi qui le réprime. A titre public, en temps de paix, c’est souvent le simple bon sens qui le condanne dès lors qu’il y a le moindre risque de se faire prendre, le jeu n’en valant pas la chandelle. L’habitude qui semble se prendre de plus en plus, un peu partout dans le monde, de s’en remettre à des "officines privées" pour éviter à l’Etat de se faire prendre la main dans le sac n’est pas non plus la bonne solution car, personne n’étant dupe, le résultat est le même.
          Cordialement,
          FB


        • CAMBRONNE CAMBRONNE 30 juillet 2008 19:44

          HE BIEN LA VOILA VOTRE SYNTHESE

          Votre réponse me convient parfaitement . Entre public et privé il ne faudrait pas mélanger les genres . Et pourtant cela se fait beaucoup ces temps ci . Dans l’affaire Betancourt, il semble selon ce que j’en ai entendu , que le Mossad soit intervenu à travers une société privée ;

          Mon copain dirige une entreprise dite plateforme de sécurité qui utilise des personnes de type arabe en Irak et en algérie (entre autres) pour assurer la sécurité de responsables d’entreprises et même de sites . Travail qui est normalement celui de la police ou de l’armée locale mais qui est tellement mieux fait par eux .

          Cordialement


        • Francis BEAU Francis BEAU 13 août 2008 12:35

          Pour Cambronne, en complément de mon commentaire précédent :

          Pour ce qui est du viol, j’imagine que vous employez le terme au sens figuré. Si toutefois ce n’était pas le cas, vous me permettrez de considérer qu’il ne s’agit pas là d’une activité « honorable », et de douter que « les personnes qui se livrent à cette activité soient des gens parfaitement honorables ». Cela dit, cette remarque ouvre le débat sur un problème qu’elle n’évoque pas explicitement, mais qui apparaît en filigrane et qui ne peut être ignoré dès lors qu’on aborde ces sujets : celui de l’usage de la torture.

          L’usage de la torture peut-il jamais être justifié par les objectifs poursuivis ? Autrement dit, la fin peut-elle justifier parfois les moyens ? peut-on renoncer, en dernier recours, à faire usage de la violence physique (la torture) face à un prisonnier qui refuse de donner l’information qui permettrait de sauver la vie à des dizaines ou des centaines d’innocents dans un attentat terroriste en cours de préparation, sans avoir sur la conscience le reproche de non assistance à personnes en danger ? Peut-on, à l’inverse, avoir recours à ces méthodes sans risquer d’y perdre son âme ? Cet obsédant dilemme, comme beaucoup de questions morales, n’a pas de solution simple ni définitive. Celle-ci ne peut en aucun cas être imposée par l’institution à un individu (militaire ou policier). Si une telle décision ne peut être qu’individuelle, la responsabilité doit impérativement en revenir à la collectivité représentée par les pouvoirs publics, tant il semble malsain d’en faire assumer le poids moral individuel et collectif à des particuliers, semblant ainsi en gommer les conséquences judiciaires qui pourtant ne devraient pas manquer de les rattraper dans un Etat de droit.

          Cette dernière remarque explique en partie (le problème est plus vaste) mes réticences (le mot est faible) à l’encontre du mélange des genres entre public et privé, face à ce phénomène actuel de privatisation des forces de sécurité que vous constatez vous-même en semblant ne pas le regretter. On imagine les dérives qui peuvent résulter de l’usage de telles méthodes par des privés encouragés voire commandités par les pouvoirs publics. Cela est vrai du cas particulier de la torture, mais vaut également de manière plus générale de toute activité conduisant à l’usage de la violence physique autrement qu’en situation de légitime défense caractérisée.

          Francis Beau

          Pour ceux qui à qui tout ceci paraît de la « musica celestial » (du pipeau) ou une « discussion sur le sexe des anges », qu’ils essayent d’y penser en s’imaginant confrontés à de tels dilemmes dans une situation de guerre civile (ça peut toujours arriver) face à leurs frères et soeurs (les cas de conscience y sont plus aigus, mais la « musique » est la même). S’ils trouvent toujours cela « pas très sérieux », j’espère seulement ne pas les rencontrer au coin d’une rue sombre sans disposer d’une arme pour me défendre ou d’une protection policière.


        • finael finael 30 juillet 2008 16:13

           Excellent aticle et analyse fouillée et documentée (les liens prennent du temps, surtout qu’ils renvoient eux mêmes à d’autres liens).

           Mais il me semble que ce rappel des définitions peut amener à une vision par trop angélque de la réalité du monde : les frontières sont loin d’y être aussi nettes.

           Tous les pays et toutes les entreprises ( en fonction de leur taille évidemment) pratiquent l’espionnage, qu’il soit miltaire, civil, ou privé ( l’un de mes anciens amis fut un "honorable correspondant"). C’est loin d’être nouveau.

           Et à partir du moment ou une première entreprise, ce qui se perd dans la nuit des temps, les autres ont été bien obligées de s’y mettre. Là aussi la limite est floue entre "protection, sureté" et contre-espionnage impliquant du renseignement ... et ses moyens.

           Beaucoup d’entreprises françaises accusent d’ailleurs un important retard et un manque de prise de conscience de l’importance du renseignement économique.


          • CAMBRONNE CAMBRONNE 30 juillet 2008 17:48

            SALUT FINAEL

            Bien d’accord avec vous . Je redis que c’est sur le 1% que se jouent les victoires ou les défaites, civiles ou militaires .

            Cordialement


          • Great pelican 30 juillet 2008 19:13

            Monsieur Beau,

            Je lis toujours avec emerveillement vos articles bien structurés et argumentés. Toutefois cela reste très théorique, il faut absolument que vous parveniez à faire quelques missions d’IE en mixant cabinets français et anglophones et vous verrez que pour décrocher ce 1 % de renseignement il faut du pognon, des filles et des bidules electroniques, tout le reste c’est de la " musica celestial".
            Bien à vous


            • CA 31 juillet 2008 13:26

              Le DESS Information et Sécurité de Marne la Vallée, mis en place l’Amiral LACOSTE était un bon point de départ pour une formation universitaire dans le domaine du traitement de l’information d’entreprise ou étatique. Il dommage qu’il est subi une certaine usure...


              • HELIOS HELIOS 3 août 2008 17:06

                oui, c’est bien de nous expliquer tout ça, merci Mr Beau.

                Petit point pragmatique, que je laisse a la sagacité de tous ceux qui participent...
                de nombreuses entreprises pratiquent au quotidien le renseignement grace a des outils excessivement simples et relativement bon marchés. Les algorthmes de recherche et rapprochement sont eux quelquefois sophistiquées.

                Seule la qualité de la source est importante et c’est grace a quelques paramètres bien "règlés" que d’excellentes visions strategiques peuvent être appliquées, notament par les multinationales, mais pas seulement elles, en fait toutes les entreprises qui ont décidé de sortir la tête du guidon, si vous me suivez bien....

                mais encore faut il avoir compris et le vouloir...


                • Tarouilan Tarouilan 3 août 2008 21:03

                  Ce n’est pas un peu discourir sur le sexe des anges que de vouloir faire la ventilation entre "intelligence économique" et l’espionnage tout court...

                  Pourquoi essayer de faire croire que la veille économique, celle qui motivent les entreprises, doit se circonscrire uniquement à de l’information ouverte.... pas trés serrieux...

                  A quoi sert la NSA... par exemple.... à l’espionnage de haute volée uniquement... c’est pas trés crédible .... elle integre des start-ups travaillant à des projets de sécurité informatique ou cherchant à développer des vaccins contre le bioterrorisme et plein d’autres activits........ Selon son responsable, le Chesapeake Innovation Center heberge plein de sociétés, donc un mélange total des genres.

                  Qu’est-ce que la NSA ?

                  Les écoutes permanentes des télécommunications dans le monde (portables, fax, mail, transferts informatiques) et l’imagerie satellitaire sont la charge de la NSA. Cette agence, dont le siège est installé à Fort Meade, dans le Maryland, près de Washington, emploie 100 000 personnes réparties dans les différents centres américains et stations d’écoute implantées à l’étranger. Elle dispose d’un budget annuel évalué à plus de 30 milliards de Dollars

                  Selon un spécialiste américain des questions de renseignement, John Pike, la NSA capterait près de 95% des télécommunications mondiales. Cette masse considérable d’informations serait analysée par des super ordinateurs utilisant des logiciels de traitement et de tri dédiés. Le pourcentage avancé par ce spécialiste ne fait pas l’unanimité, mais il est certain que les capacités d’interception de la NSA sont largement supérieures à 50% du trafic mondial. Lors de l’une des rares interviews qu’il accorde à la presse, le directeur de la NSA a avancé qu’il devait traiter, toutes les trois heures, l’équivalent de la Bibliothèque du Congrès (cette bibliothèque passe pour être la plus grande du Monde).

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