Plan de relance ou plan de dépenses ?
Le plan de relance à la Sarkozienne revient à placer un cautère sur une jambe de bois.
Le plan de relance à la Sarkozienne revient à placer un cautère sur une jambe de bois. 1000 Euros pour l’achat d’une bagnole, réservé à ceux qui par manque de moyens ont gardé le plus longtemps possible une épave, et alléger les charges sociales des petites entreprises, sont des effets d’aubaine. Dans le premier cas la dépense de l’acheteur correspond à la somme qu’il aurait de toute façon dépensée, pour un modèle d’une gamme légèrement supérieure, et dans le second, le petit patron n’engage du personnel que par nécessité et non pour faire plaisir au Président de la République. Il l’aurait probablement fait de toute façon. Par exemple pour remplacer un départ à la retraite. Nos gouvernants, aujourd’hui comme hier, ne savent pas ce qu’est l’entreprise. Il n’y a rien dans ces mesurettes qui soit à la hauteur du grand bouleversement qui est enclenché.
Investir au niveau national, et inciter les entreprises à le faire, c’est ce qu’il aurait fallu faire depuis longtemps. Il est absurde de s’occuper de reconstruire quand l’incendie n’est pas encore maîtrisé. Le crédit à tout va, nous a apporté une crise d’une ampleur sans précédent. Réguler le système bancaire, comme le proposent certains comme remède à la déroute actuelle, serait une première solution à condition de nationaliser toutes les banques. En revanche il est utopique de croire que des contrôles étatiques et des taxes sur les mouvements de capitaux puissent suffire à réguler le système si elles restent dans le domaine privé. La spéculation est naturelle dans un système capitaliste de libre entreprise. Le risque d’entreprendre, d’investir dans l’avenir pour se développer, sont nécessaires pour faire fonctionner la vie économique de façon dynamique. Mais celle-ci ne devrait être fondée que sur la valeur travail avec ce que cela suppose de retours sur investissements effectués dans la production, modulés selon leur durée et le type d’investissements.
La récession est un phénomène dangereux pour les entreprises, en particulier pour celles qui n’ont pas toujours la possibilité de « dégraisser » ou de délocaliser. Toutes les politiques économiques de ces dernières années ont été pensées seulement au niveau macroéconomique, et dans un esprit ne favorisant que les grandes entreprises, avec l’idée reçue que les fruits de la prospérité se répartiraient automatiquement à tous les niveaux sociaux, y compris le plus bas. On voit maintenant que cette théorie « du ruissellement » peut être fausse.
Il faudrait obliger les prêteurs à calculer les taux d’intérêt en fonction de l’usage prévu par l’emprunteur et non pour tirer au mieux leurs propres intérêts. C’est le contraire qui a prévalu jusqu’à maintenant : les banques accordaient sans trop de difficulté le crédit pour l’immobilier, considéré comme sûr et rentable sur le long terme. Imaginez un prêt immobilier sans hypothèque : il n’y aurait pas eu de crises de « subprimes ».
Dans l’urgence actuelle, pour relancer en partie l’activité, c’est sur la consommation qu’il faudrait agir : pour remédier à la difficulté de consommer pour les salariés du bas de l’échelle, et leur éviter d’emprunter dans des conditions dangereuses, il faudrait remonter sensiblement leurs revenus directs : c’est revenir en partie à la politique de la demande. Insuffler directement et rapidement des liquidités au plus bas niveau a l’avantage d’avoir des effets immédiats. On maîtrise ainsi le facteur temps : c’est la volatilité du crédit tous azimuts qui n’a pas suffisamment reposé sur le travail-temps, dont le rythme est maîtrisable, qui a entraîné la crise.
Les entreprises, pourront-elles augmenter sensiblement les salaires tout en continuant à faire des profits ? Rappelons qu’en mai 1968 elles ont supporté des augmentations de 15% des salaires sans conséquences particulièrement néfastes. Il suffirait que l’on module l’impôt sur les bénéfices. Rappelons qu’il fut un temps pas très lointain où cet impôt était de 50% ! L’Etat pourrait s’abstenir d’imposer les entreprises qui auraient investi dans la production (et non dans les placements en capitaux, jusqu’à un certain niveau de cet impôt. Ce système d’imposition compensée ne pèserait donc pas sur l’entreprise.
Il est vrai que les entreprises se battent sur les prix pour gagner des parts de marché. Sauf arrivées à un certain niveau où, ententes secrètes ou saturation du marché (les produits ont une vie correspondant à une courbe de Gauss) la compétition est affaiblie. Dans ce cas elles ne servent plus qu’à entretenir la rente des actionnaires.
Augmentons donc massivement et immédiatement les bas salaires, les petites retraites : l’impôt sur les revenus des salariés s’en trouverait augmenté, déchargeant l’Etat en partie des charges précédentes, donc ne nécessitant pas a priori de nouveaux impôts. On sait que l’impôt sur les revenus est le plus juste. Il faudrait,, bien entendu, taxer de nouveau les tranches supérieures.
Par ailleurs, le commerce extérieur, du moins pour la France, est devenue très déficitaire à cause de l’Euro fort. Il suffirait donc de sortir de l’Euro (provisoirement ?) pour qu’un nouveau Franc dévalué par rapport à l’Euro permette de retrouver des possibilités d’exportation. Notons que dans ce cas, les délocalisations qu’une monnaie forte encourage toujours, pourraient être évitées. Les pays comme la Grande Bretagne, qui sont hors de la zone Euro, peuvent prendre des mesures simples et massives telles que la baisse de la TVA, ce qui a une incidence immédiate sur le pouvoir d’achat, ou nationaliser entièrement les banques.
Prendre l’argent là où il est, avec les dents, cet argent qui est issu du travail des salariés : voilà une façon de moraliser le capital comme la proclamé N.Sarkozy. De plus, on allége le déficit de la Sécurité sociale par l’augmentation des cotisations. Le cycle des mouvements de liquidités est inversé à l’avantage des revenus du travail, au détriment de la rente, cercle vertueux depuis longtemps abandonné. On favorise enfin un retour à un partage équitable du PIB dans la société dans son ensemble. Quant au risque d’inflation, on peut le considérer comme faible : les stocks et les possibilités de production sont suffisants pour le modérer.
Le crédit a été conçu comme un moyen de donner du pouvoir d’achat aux particuliers comme aux entreprises, sans faire marcher la planche à billets, ce que l’augmentation de la masse salariale suppose quelques fois, bénéficiant par la même occasion aux prêteurs. Entreprises et banques gagnent ainsi sur tous les tableaux, maintien des salaires au plus bas niveau, augmentation des bénéfices et de la rente dans un contexte de relative stabilité de la monnaie, surtout si celle-ci est forte : importation à bas prix et délocalisations avantageuses.
Appliquer cette méthode entraînerait certes une décote à la bourse des grandes entreprises, des multinationales et des institutions financières devenues moins rentables : seuls leurs actionnaires en pâtiront. On voit qu’on en est arrivé au même point, mais en plus au détriment de la population. Tout le système financier et social serait ainsi remis sur pied.
Pour éviter l’enfoncement de la récession dans la dépression, il faut un modèle intermédiaire entre la planification inefficace du collectivisme hors marché, et le « tout pour les grandes entreprises et la finance » de notre capitalisme moderne. Adopter en partie une politique axée sur la demande, pourrait remédier de façon pérenne à la situation actuelle, ce que la soi-disant régulation des marchés financiers ne parviendra pas à faire.
Pour parvenir à réaliser un tel programme jusqu’à maintenant orienté par le néolibéralisme vers le seul profit, mais au contraire tourné vers le social, pour remettre les choses à l’endroit, il faudrait la volonté qui manque dans la classe politique de droite, ce qui est classique, mais qui manquerait aussi bien de la gauche gouvernementale si elle était au pouvoir. Pourtant c’est pure logique : relancer la consommation à la base est plus sûr, plus rapide plus efficace que passer par l’intermédiaire de l’entreprise.
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON