En garantissant les banques plutôt que l’industrie, l’état français a montré une fois encore son dédain pour l’activité rpoductive.
Les garanties données aux banques lors de la crise financière par l’état français sont de 360 milliards d’euros. Le plan de relance du gouvernement est officiellement de 26 milliards mais la réelle part de crédits nouveaux est bien plus mince et la partie qui concerne vraiment l’industrie est quasiment nulle. Concentrons notre attention sur la seule mesure potentiellement industrielle de ce dernier plan pour montrer son caractère vain ; c’est celle de la prime de 1000€ pour les voitures.
De tous les commentaires entendus sur cette mesure, un seul vaut vraiment la peine d’être repris ici : les petites voitures ne sont plus produites en France. Or 1000€ ne sont significatifs que sur le prix d’une petite voiture et ne concernent pas une moyenne ou une grosse produite en France. En conséquence, cette prime va aller gonfler le PIB de pays comme la Roumanie ou la Slovénie mais pour un plan de relance de la croissance française, on repassera.
Dans le journal « La Tribune » du 4 décembre, on revoit fleurir, pour les fabricants de composants mémoires, un concept cher à Serges Tchuruk, à savoir l’entreprise sans usines. On ne peut pas dire, en termes d’emplois, que la carrière de M. Tchuruk à la tête d’Alcatel a été un grand succès. On pourrait donc douter d’une telle stratégie… Il n’empêche, certains pensent qu’elle peut avoir du succès. La question qui reste néanmoins est : pour qui ? Si cela ne sert qu’à remplir le porte-monnaie de quelques actionnaires, c’est évidemment sans intérêt pour une vraie relance.
Passons aux déclarations de MM. Fillon et Guaino des 4 et 5 décembre. Tentant de justifier leurs décisions quant au plan de 26 milliards, les deux ont affirmé avoir choisi de porter le fer sur le bâtiment car les biens de consommation courante, en France aujourd’hui, sont importés, ce qui disqualifie des aides au pouvoir d’achat des français. Ces messieurs oublient naturellement les conditions réelles de vie de leurs concitoyens en disant cela mais là n’est pas le plus grave. En effet, comment pouvons-nous « vivre » en tant que pays, si les biens de consommation courante ne sont plus produits chez nous ? La question peut aisément être prolongée de savoir comment on en est arrivé là quand on sait que la France a été autosuffisante au début du vingtième siècle au moins. Ce sont donc les politiques successives qui nous ont amené au bord du gouffre. Certes, il est parfois difficile de critiquer objectivement telle ou telle politique à court terme car on n’en voit pas forcément ses effets, mais si nous regardons le chemin parcouru depuis 1945, force est de constater qu’un virage délétère s’est produit à partir du départ du général De Gaulle. Ainsi, les hommes politiques de droite et de gauche sont tous blâmables et cela de manière objective, c’est-à-dire en jugeant l’arbre aux fruits qu’il a produits sur la période 1970 à aujourd’hui.
Or qu’est-ce qui a vraiment changé dans le paradigme français depuis l’époque de De Gaulle ? En réalité, il suffit de regarder l’histoire pour y trouver 2 indices. Le premier c’est l’européisme des successeurs du Général. En soi, être favorable à l’Europe n’est pas une tare, à condition de pouvoir définir pour celle-ci un dessein. Or l’Europe n’a pas de dessein et en conséquence, elle n’est pas gouvernable. La crise actuelle l’a d’ailleurs montré de manière éclatante puisque ce sont les états et eux seuls qui ont contribué à l’atténuer.
Le deuxième indice se voit dans la lente dégradation de notre industrie. De Gaulle a eu le mérite de démarrer des chantiers industriels importants dont on vit encore aujourd’hui mais que la gent médiocre qui nous gouverne est en train de dilapider, comme le Concorde par exemple qui nous plaçait au-dessus, une fois n’est pas coutume, des USA. La crise pétrolière de 1973 a montré que l’industrie n’était pas la priorité des dirigeants puisqu’elle a sonné l’heure des licenciements massifs des ouvriers qui seront suivis par ceux des techniciens dans les années 80 et ceux des ingénieurs depuis les années 90. Des compétences irremplaçables sont irrémédiablement perdues sans que personne ne s’en soit ému et ne s’en émeuve encore puisqu’on a préféré donner 360 milliards de garanties aux banques plutôt qu’à l’industrie. Pour mémoire et à titre d’exemple, Airbus qui a obtenu des avances remboursables, donc des formes de garanties similaires à celles des banques, est aujourd’hui numéro 1 mondial. Pourquoi n’a-t-on pas proposé la même recette pour les autres secteurs industriels ? Pourquoi l’état préfère-t-il prêter aux banques qui sont censées prêter en seconde main au lieu de prêter lui-même directement pour soutenir une croissance atone ? Dans un état qui se respecte, c’est encore le politique qui, seul, maîtrise la monnaie… Sauf qu’en Europe ce n’est plus le cas…
Bref ! Nous n’allons pas égrener la litanie de tout ce qu’on pourrait dire sur le sujet. Clairement, la classe supérieure dirigeante, dans sa fatuité, a dénigré le travail de production, le travail industriel, estimant que ça ne valait que quelques chinois payés un bol de riz par jour. Mal leur en a pris ainsi qu’à nous, gogos du système, puisque ces « pauvres » chinois vont connaître la crise avec une croissance, « seulement », de peut-être 7% en 2009 ! Les « graisseux » chinois et autres indiens ont bien de quoi se gausser ! Ils peuvent même se gausser davantage car nous sommes dans une situation telle que nous ne pouvons plus guère les concurrencer réellement et en voici la raison.
Dans les années 70, le brillant ingénieur qui avait une idée, descendait à l’atelier et faisait réaliser, parfois « en perruque », une maquette de son invention. Aujourd’hui, il n’y a plus d’atelier donc plus de maquette, ou plutôt, si, il y a un atelier, mais il est en Chine, en Inde... Il faut alors envoyer les plans par informatique et entrer dans un processus administratif compliqué pour faire une commande en Chine ou ailleurs (même dans la même entreprise). Au final, l’ingénieur, qui ne sera plus en prise directe avec son invention, qui ne pourra plus discuter avec l’ouvrier, renoncera dans le meilleur des cas, voire sera décorrélé de la réalité et aura alors des exigences intenables si bien qu’il ne sortira plus grand-chose des labos. Nous en sommes là, globalement en France, à l’exception du nucléaire et de l’aéronautique. Tout le reste a disparu et même pour le nucléaire et l’aéronautique, un tel désert industriel en France nous pose de graves problèmes car, si par hasard une compétence rare existe, la pauvreté du tissu industriel dans les autres secteurs n’offre pas de débouchés diversifiés à cette technologie, ce qui la rend d’autant plus chère pour les 2 secteurs survivants de l’ère De Gaulle qui pourraient en avoir besoin.
La haine des « graisseux » par la société bien pensante française, nous a conduits dans cette impasse industrielle, impasse dont il sera très difficile de sortir et qui engendrera bien des douleurs dans les décennies à venir. Si encore nous voyions quelque clairvoyance ces temps-ci. Hélas, les armes employées pour lutter contre la crise ont montré que la mentalité de la caste dirigeante n’a pas changé. Il est vrai qu’eux, qui se sont enrichis de manière éhontée ces 3 dernières décennies, n’ont pas encore conscience de ce que le mot crise veut réellement dire.