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Remettre de l’ordre dans la finance

Si le protectionnisme représente une solution à la déréglementation commerciale, pour éviter une nouvelle crise, les Etats ne doivent pas s’en contenter et ils doivent aussi refondre l’architecture financière mondiale.

La chienlit financière

La crise actuelle a un avantage : elle permet de constater que les excès de la finance peuvent déstabiliser l’économie réelle. Il est proprement incroyable que les conditions délirantes des emprunts immobiliers de quelques millions de ménages Américains mettent à bas l’économie mondiale et fassent s’effondrer des économies comme celles du Japon et de l’Allemagne, où le marché de l’immobilier était resté sage.

Les problèmes sont multiples. Tout d’abord, toutes les institutions financières cherchent à échapper aux réglementations, en opérant dans des paradis fiscaux ou en les contournant par le hors bilan par exemple (1200 milliards pour Citigroup contre 2400 pour le bilan avant la crise), démultipliant les risques de pertes comme les chances de gains. L’effet de levier a atteint des proportions délirantes avec certaines banques d’affaires dont les engagements représentaient plus de 30 fois leurs capitaux.

Bien évidemment toute baisse des cours est dangereuse étant donnée la faiblesse des capitaux par rapport aux engagements. L’exubérance à la hausse nourrit la croissance comme celle à la baisse nourrit la récession et le chômage. Et comme les échanges financiers représentent environ 50 fois les échanges réels, si la planète financière s’enrhume, la planète réelle devient gravement malade, comme le montre l’impact grandissant des crises financières sur l’économie, de limité en 1987 à très grave aujourd’hui.

La double immoralité de la finance actuelle

Pire, le poids pris par la finance fait que l’Etat est obligé d’intervenir pour sauver les établissements financiers défaillants pour éviter que leur faillite ne fasse encore plus de mal à l’économie réelle. Il y a donc un aléa moral fort puisque les banques ont une sorte d’assurance vie gratuite fournie et financée par des contribuables dont elles extraient pourtant toujours plus de profits en temps normaux ! Et les sauvetages réalisés depuis quelques mois vont malheureusement renforcer ce sentiment pour l’avenir.

Mais il y a sauvetage et sauvetage : les Etats peuvent recapitaliser, prêter ou racheter les actifs pourris. Cette dernière pratique, utilisée par la Fed, est la plus choquante car la collectivité assume les pertes à la place des banques assainies. Les prêts, notamment utilisés en France, limitent l’influence de l’Etat. En revanche, la recapitalisation ou la nationalisation permettent à l’Etat des mesures justes comme celles prises par Barack Obama de limiter les rémunérations des dirigeants. En outre, elle permet à l’Etat de récupérer sa mise plus tard en revendant ses parts. Elle est la solution la plus juste pour les citoyens.

Pire, les dirigeants de certaines banques ont commis des abus de pouvoir inqualifiables comme le rapporte le blog « Les cordons de la bourse ». Les dirigeants de Merrill Lynch ont ainsi fait distribuer 3,6 milliards de bonus en décembre de cette année (dont 121 millions pour les 4 principaux dirigeants) alors que la banque avait perdu la bagatelle de 27 milliards en 2008 et que l’Etat investissait 20 milliards pour permettre le rachat de Merrill par Bank of America et offrait une garantie de 188 milliards sur d’éventuelles pertes futures…

Remettre de l’ordre dans la finance

Il y a bien sûr urgence à réformer le mode de rémunération des banquiers pour éviter de tels abus, sans doute en augmentant la redistribution à partir d’un certain niveau et en étalant la distribution des bonus pendant un certain temps pour éviter les comportements court-termistes. Mais la meilleure solution pour éviter de tels abus scandaleux est sans doute de mieux réguler la finance dans son ensemble.

Il est essentiel de remettre l’ensemble des institutions financières sous le boisseau d’une réglementation commune et donc d’interdire réellement les paradis fiscaux. Il faut interdire le hors bilan. Et Il faut également interdire les pratiques purement spéculatives comme les ventes à découvert ou la spéculation sur les matières premières. L’aléa moral pose la question de la constitution d’un secteur public bancaire.

Mais surtout, pour dégonfler cette bulle financière. Il y a deux moyens très simples : remonter les exigences de couverture par des capitaux propres (passer de 8 à 10 ou 12% au moins), ce qui limitera l’effet de levier des banques et donc leurs pertes en cas de crise. Et enfin, il faut instaurer une taxe Tobin sur tous les mouvements de capitaux et encadrer leur circulation, ce qui limitera considérablement la spéculation et fera davantage contribuer le monde financier à la collectivité, comme le propose Joseph Stiglitz.

Il y a des solutions pour remettre de l’ordre dans le système financier mondial. Mais il ne faudra pas s’arrêter à la réforme de la rémunération des traders et ne pas hésiter à s’attaquer aux structures mêmes de la finance. Malheureusement, ces solutions ne semblent guère évoquées aujourd’hui.

Source : http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2009/02/distribution-de.html


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13 réactions à cet article    


  • tmd 16 février 2009 12:00

    Quelques millions de ménages américains, avec des emprunts d’un petit million chacun, ça va quand même chercher dans les quelques mille milliards de dollars. Suffisamment pour déstabiliser l’économie.

    Quant-aux solutions d’interdire ceci, ou cela, comment allez-vous le vérifier ? Comment faire pour que toutes ces interdictions ne soient pas contournées ? C’est bien facile de dire il faut, il faut ...

    Pour finir, sur le détail de l’interdiction des ventes à découvert, c’est justement ce qu’il manque au marché de l’immobilier. Comment pourriez-vous faire si vous voyez que ce marché a atteint des sommets surévalués pour parier à la baisse ? Rien n’existe pour cela. Et certains pensent justement qu’avec un sytème de vente à découvert sur l’immobilier la crise aurait pu survenir plus tôt et aurait donc été amoindrie.


    • Tonton Tall 16 février 2009 12:06

      100% dac, c’est le bon sens même
      Espérons paradoxalement donc que les douleurs issues de ce crash soient suffisantes pour que les politiciens voient + loin que le bout de leur nez et envisagent une vraie régulation de ce gigantesque Grand Casino Mondial où la cupidité domine encore aujourd’hui largement l’éthique

      C’est bien simple, dès qu’il y a du fric facile et rapide à gagner, il faut placer un bon gros flic au coin de la rue, sinon c’est la jungle.


      • Tonton Tall 16 février 2009 12:07

        100% dac avec l’article...


      • Tzecoatl Tzecoatl 16 février 2009 13:39

        "C’est bien simple, dès qu’il y a du fric facile et rapide à gagner, il faut placer un bon gros flic au coin de la rue, sinon c’est la jungle."

        A la condition visuelle que le keuf soit gros et gras ?


      • Internaute Internaute 16 février 2009 12:18

        Non. Vous proposez une mauvaise analyse du problème et des solutions qui n’en sont pas. Relisez le papier de Forest Ent sur le même sujet.

        L’endettement des ménages américains n’est qu’un accident de parcours, qu’une des conséquences de choix politiques et économiques beaucoup plus graves comme le système monétaire de Bretton Woods basé sur du papier, sur les réserves fractionnaires et comme la désindustrialisation des pays développés. Ce n’est pas en augmentant quelques pourcentages ou en tapant sur les paradis fiscaux qu’on changera quoi que ce soit.


        • plancherDesVaches 16 février 2009 13:18

          Hé bien, si.

          Car appeller "accident de parcours" un endettement de chaque ménage américain de 140% de son revenu... J’appellerais plutôt ça une politique qu’il faut maintenant payer.
          Le dernier chiffre d’épargne des ménages était de 2,4% en novembre, au lieu d’un peu plus d’un en septembre. Preuve que les américains ont bien compris l’ampleur du mouvement. Souci, le chômage grimpe en flèche....
          Et preuve aussi que les plans d’injection de dollars ne sont pas finis.


        • Le petit département éclairé 16 février 2009 13:19

          OK pour la Taxe Tobin mais à la racine des transferts d’épargne de l’Asie émergente vers les Etats-Unis il y a une incongruité remarquée par Michel Aglietta : l’absence de société salariale des deux côtés du pacifique qui conduit au surendettement et à un financement marchand de de la protection sociale. Qui a dit que la social démocratie n’avait pas d’avenir ? 


          • Le petit département éclairé 16 février 2009 13:19

            OK pour la Taxe Tobin mais à la racine des transferts d’épargne de l’Asie émergente vers les Etats-Unis il y a une incongruité remarquée par Michel Aglietta : l’absence de société salariale des deux côtés du pacifique qui conduit au surendettement et à un financement marchand de la protection sociale. Qui a dit que la social démocratie n’avait pas d’avenir ? 


            • plancherDesVaches 16 février 2009 13:23

              Complètement d’accord avec cet article.

              Au seul bémol prés que des règles viables devraient être acceptées par tous les pays. Et là, on est pas sortir du sable, comme disait Guenièvre.


              • plancherDesVaches 16 février 2009 13:25

                Complètement d’accord avec cet article.

                Au seul bémol prés que des règles ne seraient viables qu’en étant acceptées par tous les pays. Et là, "on est pas sortis du sable", comme disait Guenièvre à Lancelot...


                • Laurent Herblay Laurent Pinsolle 16 février 2009 19:14

                   @ Tmd

                  Les ventes à découvert ont été interdites momentanément pendant cette crise pour limiter la spéculation sur les banques : comme quoi, cela est possible quand on le veut ! J’ai plutôt tendance à croire que les ventes / achats à découvert ont plutôt tendance à accentuer les bulles plutôt qu’à les limiter. Historiquement, les nouveaux outils de la finance accélèrent les excès a priori.

                  @ Internaute

                  Je suis sur la même ligne que vous : la réforme de la finance n’est qu’un aspect de la réforme globale du capitalisme dont nous avons besoin. Il faut une réforme du libre-échange, du système monétaire et de la finance.

                  @ Plancher des vaches

                  Très juste, le "comment" est peut-être encore plus compliqué que le "quoi". Je vois deux moyens possibles :

                  - passer par les pays de la zone euro, dont le modèle économique naturel n’est pas le modèle néolibéral : avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, nous pourrions proposer un nouveau modèle de régulation, qui pourrait, dans un premier temps, s’appliquer au sein d’une zone euro, suffisamment importante pour décider de son destin

                  - puis, se concerter avec les pays asiatiques dont le modèle de développement n’est pas si libéral que cela (et où l’Etat a un rôle important pour encadrer le capitalisme)

                  Après, c’est facile à dire et beaucoup plus à faire. Mais je crois qu’un autre modèle économique peut émerger entre l’Europe continentale, l’Asie et l’Amérique Latine.


                  • plancherDesVaches 16 février 2009 20:32

                    Effectivement, votre rappel de l’interdiction temporaire de la vente à terme est un excellent exemple.

                    Mais les états ont cédés....Déjà, là, on percevait qui avait le pouvoir, finallement.

                    Maintenant, faire un modèle particulier en zone Euro est toujours possible. Mais nous sommes en capitalisme mondial.
                    Nous devrions alors nous isoler du reste de la planète...Sinon : concurrence ou attaques...

                    Notes, pour rire : y’a bien des chevelus en 68 qui sont allés élever des chèvres dans le Larzac... smiley


                  • dezanneau 22 février 2009 20:55

                    Malheureusement, à chaque fois que les Etats ont cédé une part de leurs instruments de souveraineté, ils l’ont payé cher...et l’Europe actuelle est aux mains de personnes doctrinaires déboulant de conseils d’administration de multinationales (la plupart des membres de la commission européenne). Rien de bon à attendre de ces gens-là...
                    J’ai plusieurs éléments de réponse sur mon blog
                     http://www.la-france-contre-la-crise.over-blog.com/

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