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L’ESJ Lille connaît de graves difficultés financières

L’ESJ Lille ne va pas bien. Lors de la dernière assemblée générale qui s’est tenue le 14 décembre dernier, Hervé Bourges, le président, et Daniel Deloit, le directeur général, n’ont pas caché leur inquiétude. Si l’école ne change pas son modèle économique, elle court droit au mur.

En 2004, la plus ancienne des écoles de journalisme reconnues par la profession fêtait ses 80 ans d’existence. L’institution avait profité de l’événement pour communiquer largement sur le thème : l’ESJ, une « octogénaire rayonnante  ».

Les responsables de l’établissement étaient néanmoins conscients de la précarité de la situation économique, qui s’est depuis aggravée. Malgré les efforts accomplis, l’exercice 2006-2007 est de nouveau déficitaire. Selon Daniel Deloit, directeur général de l’établissement «  la situation financière de l‘École est grave ». Comment en est-on arrivé là ?

Depuis qu’elle a pris son indépendance à l’égard de « la catho », au sein de laquelle l’ESJ est née en 1924, l’école dépend largement de la taxe professionnelle d’apprentissage qu’elle récolte auprès des entreprises pour sa subsistance. Mais, ces dernières années, cette ressource s’est raréfiée avec la multiplication des formations qui toutes, cherchent à obtenir de précieux subsides (lire ici). Par ailleurs, l’enseignement que dispense l’ESJ, qui met l’accent sur l’apprentissage des techniques audiovisuelles, implique que les élèves aient à leur disposition un matériel coûteux : caméras et nagras numériques, parc informatique, logiciels, etc. L’ESJ estime qu’il lui en coûte 10 000 euros par élève par année de formation. Elle facture 3 500 euros à ses étudiants par an.

En fait, ces problèmes ne datent pas d’hier. Cela fait plus de dix ans que l’ESJ doit faire face à des difficultés économiques chroniques. Le 70e anniversaire, en 1994, s’était soldé par une belle gueule de bois et une note salée. Lors du départ en congé maladie d’un comptable, l’école avait découvert quelques « bizarreries financières », selon une expression du journal Le Monde  : non-paiement de l’Urssaf et factures laissées impayées. L’établissement avait dû mettre en place un plan de sauvetage pour éponger une ardoise de 5 millions de francs et s’était à l’époque réorganisée en trois pôles. Il avait fallu un peu de temps à l’ESJ pour retrouver son équilibre économique, mais, contrairement à sa consœur parisienne le CFPJ*, l’institution lilloise avait évité le dépôt de bilan.

Depuis, l’école a serré les boulons pour conserver cet équilibre difficilement retrouvé. Les frais de scolarité ont ainsi été augmentés de 3 000 à 3 500 euros ; l’école a lancé une télépréparation payante à son concours ; en 2004, Didier Eugène, alors président de Réseau Esj, qui regroupe les anciens étudiants de l’école, distribuait même à ses affiliés une plaquette vantant les mérites de l’établissement, tout en présentant les avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises qui versent la taxe d’apprentissage, - charge aux « anciens » de jouer les VRP de luxe. Cette même année, l’école s’était félicitée d’être parvenue à contenir les frais des festivités du 80e anniversaire à 30 000 euros, grâce à des économies de bouts de chandelle, comme le partenariat de Ricard et Heineken. Cela n’a donc pas suffi...

Ces dernières années, l’ESJ a pu compter sur le soutien d’autres partenaires pour sortir la tête de l’eau : la fondation Varennes, la mairie de Lille, mais, surtout, le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, dont les 160 000 euros de subvention ont permis le renouvellement d’un parc informatique pour partie vétuste et le passage de l’analogique au numérique. Ces solutions provisoires n’ont pas fondamentalement changé la donne et l’ESJ semble désormais résolue à évoluer vers un nouveau modèle économique.

Le rapport Claude Sales pointait, dès 1998, les inadéquations des écoles de journalisme à la française, et notamment le problème de la taille. A cause de la balkanisation des formations, il n’a pas été possible de réaliser des économies d’échelle. L’ESJ, qui - avec 56 élèves par promotion - est pourtant le plus gros établissement, doit par exemple investir des sommes colossales dans le matériel de télévision pour, au final, lâcher chaque année sur le marché une grosse poignée de Journalistes Reporters d’Image.

L’ESJ a caressé l’espoir, pendant quelques temps, de s’associer avec ses consœurs parisiennes, le CFPJ et l’IPJ, mais les querelles de clocher et les déboires financiers du CFPJ ont retardé cette possibilité, avant de l’anéantir. Le CFPJ a en effet décidé de s’adosser à une structure commerciale, l’EFE, alors que l’ESJ veille jalousement à garder son indépendance, gage selon elle de sa crédibilité déontologique. La montagne a finalement accouché d’une souris ; les trois établissements ne se sont regroupés que pour l’organisation d’un concours commun.

Pour sortir de cette impasse financière, les responsables de l’ESJ explorent donc de nouvelles pistes. Lors de l’assemblée générale du 14 décembre dernier, les participants ont discuté de la possible création d’un pôle régional de l’enseignement du journalisme (intégrant l’ESJ, l’IEP de Lille et les universités publiques).

Ces difficultés financières, peu de temps après le dépôt de bilan du CFJ, font écho aux problèmes que connaissent de nombreux organes de presse, contraints de réviser leur modèle économique pour s’adapter à la révolution numérique.

* Confronté à des difficultés économiques similaires, le CFPJ a déposé deux fois son bilan, en 1998 et 2003.

Bibliographie :

Il faut changer le modèle économique de l’ESJ, la Gazette des anciens n° 49

Qui tient les cordons de la bourse des écoles de journalisme ?,Institut Boivigny

Les écoles de journalisme veulent surmonter leurs difficultés avant de s’allier, Le Monde du 14.01.99


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3 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 28 janvier 2008 13:06

    Article factuel et intéressant.

    Je n’ai pas compris la phrase de conclusion. Ces difficultés sont-elles liées à celles de la profession ou seulement simultanées ?


    • morice morice 30 janvier 2008 08:49

      C’est Karzaï qui va pas être content : c’est un ancien de promotion !


      • fourminus fourminus 7 février 2008 12:08

        Presse malade, écoles de journalisme malades...

        Qui veut payer 3500 euros pour devenir ouvrier journaliste, pigiste payé à la journée, exécutant sur une ligne de production éditoriale propriété privée de MM Bolloré et Lagardère ?

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