La crédibilité des journalistes est-elle mise en jeu ?
Les parlementaires débattaient le 8 avril à l’Assemblée nationale de la loi Dati sur la protection des sources des journalistes. Si le monde de la presse rend hommage à l’avancée importante de ce texte qui a le mérite de réactualiser la loi de 1881 sur la liberté de la presse et les sources journalistiques, il s’inquiète aussi sur l’ambiguïté que provoque son amendement concernant l’impératif prépondérant de l’intérêt de l’État qui obligerait le journaliste à communiquer le nom de ses sources.
En tout cas, c’est un bon point pour la garde des Sceaux, Rachida Dati, qui est bien la première à tenter quelque chose sur la protection des journalistes et de leurs sources.
Cependant, la formulation de l’amendement fait grincer beaucoup de plumes de journalistes qui ne comprennent pas le manque de clarté et l’aspect trop généraliste de cette loi qui est censée encadrer pourtant un métier bien spécifique. La liberté allant de pair avec la démocratie, il est difficile de ne pas émettre de réserves sur "l’exception de protection en cas d’intérêt prépondérant", d’autant qu’après les perquisitions de ces derniers mois (Le Canard enchaîné pour Clearstream, Capa pour l’Arche de Zoé), les contournements et dérives seraient autant de risques pour un journaliste de perdre sa crédibilité.
Ces jours-ci une journaliste de Paris-Match a perdu son accréditation pour le procès Fourniret, une photo de ce dernier dans le box des accusés ayant été publiée dans le journal, malgré la stricte interdiction par le juge de prendre des clichés. Ce dernier n’a pas tenu compte du fait que la journaliste n’était pas dans la salle d’audience au moment où la photo a été prise - la photo aurait été achetée par le journal qui refuse de fournir le nom de la source - et n’a pas l’intention de revenir sur sa décision... malgré l’indignation de Paris-Match qui va certainement être perquisitionné dans les jours qui viennent...
Rachida Dati rappelle qu’avec ce texte le magistrat sera contraint de motiver sa demande de perquisition pour que celle-ci soit effective, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Elle ajoute également que le journaliste, en cas de perquisition, pourra s’opposer à la saisie de ses documents ou de ses outils de travail, occasionnant alors un débat contradictoire devant le juge des libertés afin de statuer sur la légitimité de la procédure.
La crédibilité des journalistes est-elle mise en jeu ? Si oui, le texte serait un danger pour le métier de journaliste et la liberté de la presse. Le risque, en effet, serait d’imaginer que les journalistes pourraient être poursuivis pour avoir refusé de communiquer le nom de leurs sources.
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