Menace sur la démocratie
Les ministres qui sont en campagne pour les élections législatives illustrent une pratique antidémocratique de plus dans l’univers politique de M. Sarkozy.
Onze ministres du gouvernement formé par Nicolas Sarkozy vont se présenter aux élections législatives. C’est en quelque sorte leur devoir, selon le nouveau chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy a insisté pour que ces éminents représentants de l’exécutif affrontent le suffrage universel. L’élu suprême du suffrage universel y voit une question de légitimité. En réalité, il s’agit d’une claque à la démocratie et à nos institutions. L’alinéa 3 de l’article 20 de la Constitution dispose en effet que « les membres du gouvernement sont responsables devant le Parlement ». C’est un des fondements de la séparation des pouvoirs.
Que devient cette responsabilité gouvernementale si les ministres deviennent députés pour aussitôt démissionner ? Car en vertu du principe légal d’incompatibilité entre un mandat d’élu et une fonction de ministre, un membre du gouvernement doit laisser tomber tout mandat national. Vous me direz que la confusion a déjà été entretenue souvent par le passé. Mais dans l’autre sens. Jusqu’à présent, on avait plutôt l’habitude qu’un élu démissionne de son siège une fois nommé ministre. Christian Pierret, le maire socialiste de Saint-Dié, par exemple, avait dû quitter son poste municipal quand il était devenu ministre de l’Industrie. Mais on sait bien que ce retrait ne l’empêchait pas de piloter les affaires de sa commune.
Avec Nicolas Sarkozy, on passe à la vitesse supérieure des pratiques antidémocratiques qui sabordent les contre-pouvoirs. Voter aux législatives pour des ministres déjà en exercice revient en effet à voter pour leurs suppléants, qui seront d’autant plus fidèles et attachés au gouvernement si jamais ils sont élus. Cela ne fait aucun doute. Non seulement Nicolas Sarkozy veut une majorité forte pour soutenir son action gouvernementale, mais il la souhaite muselée. C’est désormais très clair.
Rappelons par ailleurs que le président de la République ne remet pas en cause l’article 49.3 de la Constitution, qui permet à un gouvernement de passer en force sur un projet de loi, sauf si l’Assemblée le renverse. Sarkozy a aussi annoncé qu’il y aurait une "pause dans la décentralisation". Ce qui veut dire qu’il ne veut pas laisser du pouvoir aux Régions et aux collectivités locales. Et le très centralisateur Premier ministre François Fillon sera aux ordres. Avec des godillots à l’Assemblée nationale, aucun risque de voir cette logique remise en question ou même simplement critiquée.
On entend déjà les justifications de l’Etat UMP sur la nécessité d’une majorité stable pour appuyer l’action d’un gouvernement uni derrière un président dignement et largement élu. C’est incontestable : pour avancer des projets, il faut une majorité qui tranche. Mais le débat et le pluralisme, eux aussi, servent l’action du gouvernement. Et ils sont nécessaires à la démocratie.
Une dernière réflexion. Imaginons un instant que Nicolas Sarkozy, après avoir concentré tous les pouvoirs, déclare une maladie génétique inconnue qui le fasse délirer et faire n’importe quoi. Sera-t-il encore temps de débattre et d’éviter des pratiques dangereuses pour la démocratie ?
Laurent Watrin, candidat suppléant du MoDem en Meurthe-et-Moselle
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