Dimanche dernier, une vague bleue a déferlé sur la France. On peut déjà en retirer quelques enseignements sur le fonctionnement de notre démocratie...
Les législatives de dimanche dernier ont confirmé que ces élections constituent bien le 3e tour de l’élection présidentielle. Les électeurs ont choisi pour la troisième fois en un mois et demi Nicolas Sarkozy (ou plutôt celui ou celle qui se réclame de Nicolas Sarkozy). Dans certaines circonscriptions, sans même avoir à faire campagne, n’importe quelle andouille ayant obtenu l’investiture de l’UMP aurait été capable d’être élu. Nul doute que Bernard Menez ou Francis Lalanne, tous deux candidats à ces élections, auraient été élus au premier tour s’ils avaient obtenu l’étiquette UMP à Paris 16e !
Force est de constater que des gens de valeur, tels Dominique Strauss-Kahn, Julien Dray ou Marielle de Sarnez (pas même qualifiée pour le second tour), pour ne citer qu’eux, ont peu de chances de résister au rouleau compresseur UMP. C’était prévisible et certains ne s’y sont pas trompés : ce sont les ex-bayrouistes convertis au sarkozisme ; Hervé Morin et consorts, prêts à renier leurs amis de toujours et leurs convictions d’hier (souvenez-vous de la phrase assassine de Morin, "Sarkozy, c’est le pire de tous"), ont peu de soucis à se faire et vont vraisemblablement pouvoir constituer un groupe parlementaire. Morin, encore lui, qui, au mépris de toute règle éthique, n’hésite pas à encourager sa femme, ses enfants, son entourage et même son chauffeur, à se présenter aux législatives pour aligner cinquante candidats du Nouveau Centre dans toute la France et bénéficier ainsi du financement public de 1,63 euro par an et par voix récoltée !
Demain, tout porte à croire que le raz de marée bleu va se confirmer et, comme souvent pour un second tour, amplifier le verdict du premier tour. Que fera alors Arnaud Montebourg, probable futur battu, qui aurait déclaré il y a quelques mois qu’en cas de défaite il se retirerait de la vie politique ? Je suis prêt à parier que, comme tant d’autres avant lui, il aura oublié ses propos...
Que certains politiques fassent preuve de cynisme, ce n’est pas nouveau. Mais ce qui est désespérant, ce sont ces électeurs, tellement nombreux, qui en conscience continuent de voter pour eux. Que dire devant les scores tout à fait honorables de Jacques Mellick ("l’alibi" de Tapie dans l’affaire OM-VA, dont les mensonges éhontés à la justice et à la presse ont fait la une des médias pendant des mois), de Christian Vaneste (pourtant lourdement condamné pour des propos homophobes qu’il revendique encore et toujours), Didier Julia (le catastrophique ami des Irakiens, qui a bien failli empêcher la libération de nos otages en Irak), Alain Carignon (son dossier est tellement chargé qu’on ne sait par où commencer...) ou même du n° 2 du gouvernement, Alain Juppé (jugé coupable suite aux affaires de la Mairie de Paris)...
Le contre-exemple, c’est Jean Lassalle, député sortant des Pyrénées-Altlantiques et candidat Modem en ballotage très délicat dans sa circonscription. Lassalle s’est illustré ces derniers mois pour avoir entonné un chant des Pyrénées à l’Assemblée nationale. Pas pour le plaisir de "faire un coup médiatique" mais pour attirer l’attention et défendre ses convictions. Quelques mois après encore, le député entame une grêve de la faim pour protester contre la délocalisation d’une usine de sa circonscription. Et sauver quelques dizaines d’emplois dans sa région. Plus de cinq longues semaines de grêve de la faim, "juste pour ça", cela force le respect.
Un peu de cynisme l’aurait amené à rejoindre Morin, Santini, Leroy et le Nouveau Centre, et sa réélection était dans la poche. Mais non, il n’est pas comme ça, Jean Lassalle ; il fait le choix de suivre son ami Bayrou et sa stratégie d’isolement de plus en plus incompréhensible. Sans doute plus par fidélité que par conviction. Ce genre d’attitude, même si c’est une énorme connerie, cela force l’admiration.