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Accueil du site > Actualités > Politique > Les propositions de réforme de la commission Balladur : l’officialisation

Les propositions de réforme de la commission Balladur : l’officialisation de l’hyperprésident !

L’article rappelle quelques-unes des propositions les plus importantes de la commission Balladur de réforme de la Constitution et s’inquiète d’une évolution vers une hyperprésidentialisation de la Ve République comme le propose ladite commission.

La commission présidée par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur a rendu son rapport qui est publié au JO n° 252 du 30 octobre 2007. Le fait que nous puissions avoir accès à ce rapport est une bonne chose en soi mais c’est peut-être la seule que représente ce rapport.

Pour avoir analysé ce qu’il propose pour clarifier le rôle du président de la République, on ne peut que rester pantois devant la tournure hyperprésidentielle qui est proposée. Le rapport part du postulat que le régime de la Ve République a évolué chemin faisant vers un régime présidentiel, eh bien maintenant ! allons y complètement !!! Le rapport ne soulève même pas l’hypothèse qu’on pourrait aller vers un régime moins présidentiel. Par exemple, pour que les choses soient plus claires en termes de choix des électeurs, il est proposé que le premier tour des élections législatives corresponde au deuxième tour des élections présidentielles. Il est évident qu’avec une telle proposition, il ne sera même pas possible de prendre le temps du recul et de la réflexion quant au choix des députés. En ce qui les concerne, il ne sera même plus la peine qu’ils fassent campagne, il leur suffira d’être « arrimés » au candidat susceptible de l’emporter pour qu’ils soient sûrs d’être élus. Et leur responsabilité personnelle dans le vote des lois ? Balayée en se cachant derrière le vote en faveur du président. Quant à leur indépendance éventuelle pour le vote des lois, on l’a un peu vu dernièrement où le président Sarkozy aurait dit : « Qu’est-ce qu’ils veulent ces députés ? Ils oublient déjà qu’ils se sont fait élire grâce à moi et sur mon programme ! » Donc la clarification des rôles entre le président de la République et le chef du gouvernement, le Premier ministre, c’est tout le pouvoir au Président et « circulez, il n’y a rien à voir ! »

Heureusement que la commission Balladur prétend avoir une vue équilibrée des choses et propose en contre partie que l’Assemblée nationale obtienne un droit de regard sur la nomination des hauts fonctionnaires. On peut penser qu’avec une Assemblée nationale élue dans les conditions mentionnées plus haut, les choix qui seront faits par les députés ne seront guère différents de ceux qui leur auront été proposés par le président de la République ou gare à toi député de la majorité présidentielle qui aura osé voter différemment de ce qui t’était proposé.

Car enfin, a-t-on vraiment besoin d’aller vers un régime encore plus présidentiel que celui que nous avons actuellement. On a coutume de dire pour justifier la Ve République que la IVe République avait mis en place un régime où les décisions étaient difficiles à prendre et où sévissait une certaine indécision. On ne va pas faire ici un plaidoyer en faveur de la IVe République mais n’allons pas si vite vers un régime hyperprésidentiel où, à la limite, le président élu par le suffrage universel n’aura qu’à désigner les parlementaires comme le font certains présidents d’association qui une fois élus par l’Assemblée générale désignent les membres qui composent le bureau.

Peut-on dire qu’aujourd’hui le gouvernement n’a pas les moyens de décider quand il le veut, assurément non. On a dit qu’il fallait que le président de la République puisse s’exprimer devant la représentation nationale et le candidat Sarkozy a persiflé le système actuel en raillant le ridicule achevé à ses yeux qu’il faille qu’il s’exprime par personne interposée. Dans les propositions de la commission Balladur, le président peut s’exprimer à l’Assemblée nationale, avec débat, mais sans vote. Où engage-t-il sa responsabilité en venant s’exprimer à l’Assemblée nationale ?

Aujourd’hui, les citoyens ont besoin d’espaces de liberté et ont besoin d’avoir l’assurance que toutes les opinions pourront s’exprimer librement. Déjà avec le système actuel, on n’est plus tout à fait sûr de cela quand on voit le « lavage de cerveau » auquel les téléspectateurs sont soumis sur toutes les chaînes, de fait, avec ce que dit ou ce que fait le président de la République, on peut s’interroger sur ce que sera notre PAF - paysage audiovisuel français - si le régime bascule entièrement dans un régime présidentiel et où seule l’opinion du chef de l’Etat aura besoin de compter. D’ores et déjà avec plus de 1 000 collaborateurs directs, le président de la République peut avoir un avis sur tout. Après la mise en œuvre des mesures proposées par la commission Balladur, combien en aura-t-il et sera-t-il encore nécessaire qu’il y ait un gouvernement avec des ministres chargés de suivre tous les aspects de la vie publique ?

Le chemin qui s’annonce dans le futur avec la complexité des situations (tant en politique nationale qu’en matière de politique internationale) nécessitera encore plus de concertations et de responsabilisation des uns et des autres, celle des députés en particulier, pour ne pas faire entièrement dépendre leur élection de celle du président de la République. Il sera justement nécessaire qu’ils gardent le recul suffisant pour avoir leur liberté de conscience pour mieux décider le moment venu et en être comptables devant leurs électeurs : la « caporalisation » des députés telle qu’elle est envisagée n’est pas une bonne chose. On ne peut que regretter la décision malheureuse qu’a prise Lionel Jospin en 2002 de procéder à l’inversion du calendrier électoral et à faire en sorte que l’élection présidentielle précède celle des députés. Car, on l’aura constaté, cela fait deux fois maintenant que les élections législatives ne sont plus qu’une formalité qui découle de l’élection présidentielle venant de se tenir.

Une bonne démocratie nécessite des contre-pouvoirs efficaces pour éviter les abus, malheureusement force est de constater que la commission Balladur, à laquelle participait pourtant une personnalité comme Jack Lang, n’a pas produit une copie qui va dans le sens de la démocratie et du respect des droits des citoyens, à l’exception peut-être du droit d’initiative populaire ou référendum, même si on ne peut que constater le caractère très compliqué de ce qui est proposé où de manière cumulative, 20 % des députés et 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales (plus ou moins 4 millions de personnes dont il faudra vérifier qu’elles sont bien inscrites sur les listes électorales, bonjour le travail de vérification qui sera sans doute confié aux mairies, détentrices des listes électorales....).

Au demeurant, ce ne sont que des propositions. Il revient, bien entendu, déjà, au chef de l’Etat de trancher mais pour ma part, si ces propositions sont soumises à référendum comme une des propositions de la commission Balladur le prévoit, pour toutes les raisons évoquées plus haut je ne pourrai que voter NON à une réforme constitutionnelle entérinant l’hyperprésidentialisation de la Ve République.


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11 réactions à cet article    


  • bernard29 candidat 007 2 novembre 2007 10:27

    Vous dites ; « Car, on l’aura constaté, cela fait deux fois maintenant que les élections législatives ne sont plus qu’une formalité qui découle de l’élection présidentielle venant de se tenir. ».

    Donc la proposition Balladur ne changera rien, soyez honnête, sauf que l’on ne connaîtra pas le résultat de la présidentielle avant le vote. C’est donc, PEUT ETRE PLUS INTERESSANT, ?

    Et pourquoi vous ne parlez pas de la proposition de la fin du cumul des mandats pour les parlementaires ? Parce que le PS va moins loin que le rapport Balladur ? Le PS ne le prévoyait que pour les députés.

    Or la fin du cumul des mandats est la seule réforme susceptible de redonner du pouvoir au parlemetn parce que les parlementaires enfin feraient ce pour quoi ils sont élus et auraient tout le temps pour réfléchir à l’organisation du parlement et aux pouvoirs du parlement.

    Le cumul des mandats avec application immédiate est la seule réforme intéressante pour une parlementairisation du régime. Mais le PS n’en parle pas car comme le dit un article fameux sur cette question ; 21 mai 2006, Libération.

    - "au bal des faux culs, le PS ne fera pas tapisserie.-


    • Roland Verhille Roland Verhille 2 novembre 2007 11:17

      Hyperprésidentialisation ? C’est du genre ultralibéralisme. En réalité, cette pitoyable commission dite Balladur ne fait que rogner les pouvoirs actuels du Président. Le prétendu rééquilibrage des pouvoirs, c’est en fait un partage accentué entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La fin du cumul des mandats, c’est la multiplication de ceux qui « vont à la soupe » pour profiter d’une situation confortable. Dans tout cela, l’électeur est juste bon à apporter de temps à autre son bulletin de vote, et à oublier ensuite.

      Le Parlement n’est pas là pour « parlementer », discourir, faire du cinéma comme il le fait actuellement sans rien contrôler du tout et sans protéger les citoyens contre les empiètements de leur liberté par le pouvoir exécutif. Les Français très clairement veulent un président actif, responsable devant eux, capable d’agir. Le principe démocratique exige qu’ils soient entendus, comme semble le faire leur nouveau Président. Les Français veulent aussi empêcher l’irruption d’un despote habile à domestiquer le Parlement (pour l’habileté, suivez mon regard ...). Il y a donc impérieuse nécessité de restaurer le Parlement dans sa véritable fonction, celle de contrôler l’exécutif sans s’y laisser dissoudre. Le tout conduit à la nécessité de se sortir des hypocrisies du système actuel, en faisant franchir à la constituition le pas décisif vers un régime vraiment présidentiel.

      La commission dite Balladur a en fait trahi les Français en proposant de faire faire une marche arrière à l’évolution de nos institutions.


      • bernard29 candidat 007 2 novembre 2007 12:00

        Dans un régime présidentiel ou parlementaire, la régle élementaire est la fin du cumul des mandats. Je ne vois pas pourquoi dans un régime présidentiel, il n’y aurait pas autant de « mangeurs de soupe ».

        Dans le régime bâtard actuel, il y a au moins cette réforme minimum. Et si cette réforme permet d’occuper plus de personnes différentes, c’est une meilleure répartititon des privilèges, ou de « mangeurs de soupe comme vous dites ».


      • Bourricot Bourricot 2 novembre 2007 12:28

        A a voir lu les grandes lignes du rapport Balladur, rien ne ressort de franchement révolutionnaire. C’est la mise en place de petits outils dont leur application laisse à interprétation.

        Aujourd’hui déjà, la France a un des régimes les plus présidentialistes. Avec la réforme constitutionelle qui consiste à pouvoir laisser le président se présenter devant l’AN, le pays atteint le deuxième rang des pays les plus présidentialistes derrière le Vénézuela.

        Qu’est ce qu’une démocratie bien équilibrée : c’est la séparation nette des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Qu’on favorise l’exécutif pour permettre plus faccilement la décision certes. Mais aujourd’hui, il y a collusion des pouvoirs. C’est là où ca devient dangereux. Si l’on souhaitait rendre l’AN véritable organe de contrôle de l’exécutif, il faudrait mettre fin au régime des partis, tradition longtemps dénoncée comme frein à la transparence et à la liberté. En effet, aujourd’hui la loi du vote est dictée par le parti donc par son chef. Combien de députés UMP osent aller à l’encontre de Sarkozy ? Et s’ils l’osent, ils savent bien que le soutien du parti lui sera retiré d’une manière ou d’une autre.

        En matière de pouvoir judiciaire, on voit encore actuellement la terrible collusion avec l’exécutif. Le Gouvernement décide seul de l’organisation de la justice. Le Conseil de la Magistrature malgré ses avis ne détient aucun pouvoir. C’est terrible. Plus aucun pouvoir n’est délégué à d’autres instances que le Gouvernement. Et le Gouvernement c’est le Président.

        Le Gouvernement fait les lois et les apllique. Il nomme et vire les hauts fonctionnaires des services de l’état déconcentrés, de la justice, des médias. Qu’attend on pour mettre fin à cette absurdité. La seule arme dont dispose le peuple pour en décider autrement est le vote aux présidentielles. Et ce vote n’a lieu que tous les cinq ans. La représentation syndicale est niée, acculée. De même, elle ne joue qu’avec la seule arme dont elle dispose, la grève. Tout ces facteurs amènent à des situations d’absurdité. Un peu plus de décentralisation, un peu plus de délégation de pouvoir, rendre l’AN maître de son ordre du jour, rendre enfin la justice indépendante, couper les ponts avec les médias. Voilà quelques éléments qui pousseraient à croire en notre démocratie.


      • bernard29 candidat 007 2 novembre 2007 13:07

        Je suis d’accord avec votre commentaire.

        c’est vrai qu’il n’y a rien de révolutionnaire. Mais on devait s’y attendre non ?

        ce sont des réformettes qui ne vont pas assez loin. Et si on pose pas franchement la question du régime, on ne pouvait pas aller beaucoup plus loin.(une dose plus forte de proportionnelle, des modalités plus simples pour le Référendum d’initiative citoyenne, des nominations plus dépendantes du parlement.... une réforme du sénat, etc etc ..

        Les choses étant ce qu’elles sont, il n’empêche que sur la réforme du cumul, c’est un bonne proposition si elle est d’application immédiate.


      • Roland Verhille Roland Verhille 2 novembre 2007 16:37

        candidat 007, vous n’avez pas aimé « mangeurs de soupe ». Car dans un bref commentaire, on ne peut pas tout expliquer. Le régime présidentiel va avec l’indépendance du Parlement et des pouvoirs de contrôle efficaces. La fin du cumul des mandats telle que toujours discutée et comprise, ce n’est pas du tout le moyen de rendre les parlementaires indépendants de l’executif. Il y aura toujours cet appât laissant espérer un poste de Ministre, une sinécure dans une société ou un organisme aux mains du pouvoir exécutif, ou autre chose. Voyez donc, qui a choisi le président du groupe UMP à l’assemblée ! Aller à la soupe, c’est se comporter de manière à pouvoir être sur les rangs de ceux qui pourraient être appelés à un haute fonction exécutive honorifique ou très rémunératrice. Ces gens là, je n’en veux pas plus, je n’en veux pas du tout.


      • melanie 3 novembre 2007 15:02

        Commentaire exellent et relativement exhaustif ;et proposition qu’il serait intelligent d’appliquer.

        J’ai trop l’impression d’un système royaliste avec la COUR. Et ses petites et grandes allégeances.


      • melanie 3 novembre 2007 15:04

        J’ajoute, puisqu’Agoravox n’a pas placé mon dernier commentaire au bon endroit : c’était à destination de bourricot ...que j’avais pris pour un lapin..


      • anny paule 3 novembre 2007 15:47

        Réforme Balladur : « rien de bien nouveau sous le soleil », sauf à « brosser l’âne dans le sens du poil » (et dieu sait qu’il aime ça l’animal !) et à nous conduire ensemble vers une parodie démocratique !

        Et, qui plus est, en ayant « mouillé », s’il en était besoin, des Lang and co. qui ne demandaient pas mieux.

        Nous ne sommes plus en démocratie... il faut que nous le sachions, et toutes les mesures qui seront prises nous éloigneront davantage de l’idéal des Lumières !

        Certains d’entre nous n’en avaient pas douté ! mais 53% d’aveugles ou de borgnes ont fait que notre « beau pays de France » ait, lui aussi, son Petit Caporal (pour ne pas dire pire).


        • Jean-Michel B. 5 novembre 2007 16:35

          D’une manière générale, je crois que nous sommes tous d’accord pour craindre une hyper présidentialisation constitutionnelle de la France. La commission Balladur est allée très loin dans ce sens et le comble c’est que c’est sans doute le Président Sarkozy qui va avoir le beau rôle en disant qu’il faut aller moins loin alors que tout dans son comportement montre qu’il se sent parfaitement à l’aise dans ce rôle de super président. Le drame dans cette évolution de la Ve République, c’est que nous n’arrivons à nous figurer exactement ce que sera un régime présidentiel sur le plan constitutionnel ? Serons nous capable d’accepter de voir le rôle grandissant non seulement du Président mais également de son entourage qui, calquant son attitude sur celle de son patron, ira de plus en plus loin dans son interventionnisme. Si dans la situation actuelle, le Président a déjà 1000 collaborateurs directs, qu’en sera-t-il quand la constitution aura évolué ?

          Et ce n’est pas la fin du cumul des mandats proposé par la commission Balladur qui viendra faire avancer les choses en matière de démocratie....


          • stephanemot stephanemot 9 novembre 2007 15:21

            même de la part de Ballamou je m’attendais à quelque chose de plus marrant :

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