Juppé-Hollande : destins croisés

Alain Juppé et François Hollande ont, chacun à leur manière, marqué les esprits lors des dernières municipales.

Juppé a brillamment conservé la mairie de Bordeaux, l’emportant dès le premier tour face à l’autre Alain, Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine, qui n’avait rien d’une proie facile.

Hollande, en tant que premier secrétaire du Parti socialiste, tire logiquement les bénéfices de la "vague rose" qui a prévalu lors des municipales. Réélu à Tulles, il prend même les rênes du Conseil général de Corrèze, fief des Chirac depuis des décennies ! Succès personnel et collectif, que demander de plus ?

Il y a quelques mois, l’un comme l’autre étaient pourtant donnés comme politiquement morts. Ou au moins aux abois.

Juppé, défait au cours des législatives par Michèle Delaunay, se voyait contrait de démissionner piteusement de son "super ministère" de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement, taillé sur mesure par le président Sarkozy. Sonné, l’ex-numéro 2 du gouvernement Fillon en venait même à douter de sa réélection à la tête de la mairie de Bordeaux. La "tentation de Venise" (en gros, "je plaque toi et je mets les voiles en Italie") le gagnait de nouveau.

Hollande était quant à lui la cible de toutes les critiques. Moqué pour son incapacité à rassembler le parti derrière Ségolène Royal lors des dernières élections présidentielles, raillé pour sa mollesse, son absence de vision... "Par ici la sortie, M. Hollande", criaient en choeur ses ex-collègues, qui n’hésitèrent pas à céder aux sirènes sarkozystes (cf. Kouchner, Besson, Bockel...).

Mais Juppé et Hollande ont un point commun. Une capacité à rebondir surprenante.

Juppé a connu de multiples avaries au cours de sa carrière : les grandes grèves de 1995 quand il était Premier ministre, sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs du RPR, son exil au Québec...

Même chose pour Hollande. Alors qu’il pense briguer la présidence de la République (ce qui n’a rien de scandaleux pour un Premier Secrétaire), il se fait déborder par son épouse qui lui vole la vedette et se découvre un destin présidentiel. Bilan : défaite aux élections présidentielles et législatives (qui faisait suite au fiasco de 2002), ça fait désordre pour un chef de parti, qui peut légitimement crier à la trahison, mais qui, fair-play, essuie sans sourciller les critiques. Et les belles victoires du PS aux élections européennes, régionales et municipales n’atténuent pas la fronde des opposants qui ne voient en Hollande qu’un apparatchik sans charisme.

Mais Juppé et Hollande n’ont pas dit leur dernier mot.

Hollande, fort de sa popularité au sein des fédérations, peut rêver d’une candidature à la présidentielle 2012. Moins exposé (il ne se représentera pas à la tête du PS), il pourra se consacrer à l’élaboration d’un projet original et consistant. Mais devra contrecarrer les ambitions dévorantes des Royal, Delanoë, Fabius ou autres Strauss-Kahn. Bref, il y a du boulot !

Quant à Juppé, le bon élève des municipales, on doute qu’il ait abandonné toute ambition nationale... Le "divin chauve", galvanisé par sa popularité au zénith et fort de son expérience au plus haut niveau de l’Etat, pourrait devenir une alternative crédible à Sarkozy.

Un duel Juppé-Hollande en 2012 ?

On peut rêver...