Enfants handicapés : un face-à-face qui renvoie dos à dos
Le point fort du face-à-face télévisé entre les deux candidats du second tour des présidentielles 2007 fut la violente altercation au sujet de la scolarisation de enfants handicapés. En dehors de toute polémique, où en est aujourd’hui la scolarisation de ces enfants ?
Rappelons d’abord les textes :
La grande loi du 30 juin 1975 sur ce point ne faisait que proposer de favoriser l’intégration scolaire des handicapés. La loi handicap du 11 février 2005 fait de la scolarisation en milieu ordinaire un droit fondamental. Elle en fait la règle, l’exception étant désormais la scolarisation en établissement spécialisé. Cette loi prévoit l’inscription de droit dans l’école ou l’établissement scolaire le plus proche du domicile.
La scolarité et l’enseignement des enfants, adolescents et jeunes adultes handicapés est sous la responsabilité de l’Éducation nationale sur laquelle pèse l’obligation de mise en oeuvre du droit fondamental pour l’enfant handicapé d’être scolarisé en milieu normal. Chaque école est tenue d’accueillir les enfants handicapés sans discrimination. Il n’est dérogé à cette règle que si, après une étude approfondie de la situation, des difficultés importantes rendent cette scolarisation objectivement impossible ou trop exigeante pour l’élève.
Il existe un dispositif alternatif entre la scolarisation en milieu ordinaire et la prise en charge par un établissement spécialisé : il s’agit des CLIS (classes d’intégration scolaire) à l’école élémentaire, et des UPI (unités d’intégration scolaire) au collège et au lycée. Pour l’université, il existe le dispositif handi’U, avec un site Internet.
Le site handi-U cherche à offrir les informations pertinentes pour la vie d’un étudiant handicapé : nom des responsables d’accueil, aides diverses auxquelles il peut prétendre, liens avec le CNOUS et les CROUS pour la restauration et l’hébergement, transport, textes officiels, adresses utiles.
Royal et le plan Handiscol :
Mme Royal a dénoncé la suppression, par le gouvernement de droite, du plan Handiscol qu’elle avait créé en 1999. Le but de ce plan était surtout de coordonner et de faciliter les actions des différents partenaires et de proposer des améliorations sur le plan départemental ou national (chaque année un rapport sur la scolarisation des jeunes handicapés avec formulation de recommandations). Il est exact que ce plan a été supprimé mais il reposait sur des emplois jeunes et les associations pour handicapés se plaignaient qu’il n’ait pas de force contraignante.
Sarkozy et le caractère opposable du droit :
La proposition de Sarkozy de créer un droit opposable surprend car elle existe déjà dans la loi du 11 février 2005. C’est ainsi que le tribunal administratif de Lyon a pu condamner l’État pour défaut de scolarisation d’un enfant autiste n’ayant pu être scolarisé « faute de places disponibles » en établissements spécialisés (TA Lyon, 1re ch., 29 sept. 2005, no 0403829).
Une polémique sur les effectifs :
- Le nombre de postes : Autre critique formulée par Mme Royal lors du face-à-face : la suppression des postes. Or, comme l’a fait remarquer la presse dès le lendemain, les choses sont plus complexes que cela : les emplois jeunes ont été supprimés mais des postes plus pérennes ont été créés dans le cadre de l’Education nationale.
Le plan Handiscol avait créé en 2001 entre 3500 et 4000 postes mais il s’agissait de contrats jeunes. Seuls 500 postes supplémentaires sous contrat d’Education nationale avaient été créés. Après la suppression des emplois jeunes par le gouvernement de droite, 6000 emplois d’AVS ont été créés (2003). A ces postes, se sont ajoutés environ 2000 emplois vie scolaire créés dans le cadre de la loi Borloo de cohésion sociale de janvier 2005, des emplois précaires de six mois.
- Le nombre d’enfants scolarisés : Le gouvernement a décidé d’appliquer la loi par anticipation pour la rentrée 2006. Ainsi, pour cette rentrée, 160 000 enfants étaient accueillis en milieu ordinaire. Soit 6 % de plus que l’année précédente (151 000) et 20 % de plus qu’en 2004.
Néanmoins, ces chiffres ne reflètent pas la diversité des situations, puisque la statistique compte de la même manière un enfant scolarisé en milieu ordinaire à temps plein ou scolarisé seulement deux heures par semaine. A noter aussi que la proportion d’enfants handicapés scolarisés en établissement scolaire décroît avec l’âge : 80 % pour les 6-7 ans, 30 % pour les 19-20 ans.
Autre difficulté : la formation du personnel enseignant classique est insuffisante, bien que ce soit une priorité déclarée du ministère (par circulaires). Quant aux AVS (auxiliaires de vie scolaire), certains réclament une professionnalisation de leur mission afin de bénéficier d’une réelle formation qualifiante.
On le voit, du chemin reste encore à faire. La vive altercation télévisée des deux candidats aura-t-elle permis d’attirer les regards sur cette question ? Sans doute, même si ce face-à-face renvoie dos à dos Royal et Sarkozy mais aussi les politiques menées à gauche comme à droite. Cette question de solidarité nationale mériterait d’être menée sur la base d’un consensus et en dehors de toute polémique électoraliste, ou stigmatisante d’un camp par l’autre.
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