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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > L’île Tsonga

L’île Tsonga

Le tennis français attendait ça depuis un quart de siècle, au moins : une star. Hier à Melbourne, un presque inconnu, Jo-Wilfried Tsonga, a balayé Nadal et renvoyé Monfils et Gasquet, espoirs surexposés, à leurs études de futurs vainqueurs. On n’y croyait plus.

Cette semaine, c’est jours de krachs : krach boursier, krach voleur à la Société général, et krach vainqueur à l’Open d’Australie de tennis. Ce dernier krach est grand, bien bâti, un faux air à la Cassius Clay vite repéré par la presse australienne, et un nom à venir d’ailleurs : Jo-Wilfried Tsonga. Quelques jours déjà que ce grand oiseau a déployé sa carcasse frappante sur les courts de Melbourne, quelques jours que quelques grands quotidiens sportifs déploient de plus en plus de colonnes pour nous narrer la belle histoire française de l’autre côté du monde. Pourtant, on était en droit de rester sceptique. C’est que, depuis la victoire du chanteur Yannick Noah lors des internationaux de France de Roland-Garros en 1983, le tennis français hésite entre ratages pathétiques et espoirs ridicules. Les femmes s’en tirent un peu mieux, mais pas de quoi intéresser Billancourt. Les hommes, eux, bercés d’illusions ou encadrés d’à peu près, se préparent à la va vite, passent quelques tours, mais ne parviennent jamais à vaincre les gros, les caïds, les premiers de la classe. On fait mine de s’emballer, et puis le soufflet retombe. Les chances de voir un tennisman bleu blanc rouge enlever un grand chelem sont aussi importantes que celles de voir François Hollande un jour à l’Elysée. « Etaient » aussi importantes, peut-on écrire, depuis hier.

Hier, Tsonga a tonné. Et pas devant n’importe qui : devant M. Nadal en personne. Nadal, le challenger officiel de Roger Federer, l’aigle suisse aussi régulier qu’un coucou. Un coup il gagne, un coup il ne perd pas. Depuis quelques longs mois, quelques années, seul Nadal est capable de contrarier l’hégémonie de l’Helvète, imperturbable et classe, disponible et méticuleux, efficace et chirurgical. Federer collectionne les victoires comme d’autres les blessures. Il est le maître des lieux, et Nadal son fidèle second, là pour le chatouiller. Mais Nadal, hier, tout en muscle et en orange, n’a rien pu face à Tsonga. On a vu l’Espagnol, comme jamais, à quelques mètres de la petite balle jaune, à plusieurs reprises, dépassé par les coups droit, débordé par les revers, pulvérisé par les aces, scotché par les amortis. On n’avait jamais vu ça. La grande baraque qui s’agitait, là, de l’autre côté du camp de l’Espagnol était encore un non-outsider au début de la quinzaine australienne. Mais c’est bien ce même Jo-Wilfried qui se tenait-là, face au petit maître ibérique, et ne se dégonflait pas. Il alignait ses coups, précis et forts, se jouait du palmarès difficilement comparable de son adversaire pour le précipiter soudain dans une montagne de doutes : Nadal, hier, a pris un gros coup sur la tête. Il est sorti du court sans moufter, le sac sur les épaules, visiblement dégoûté d’avoir pris ce qui ressemble de près comme de loin à une sévère raclée.

Rhabiller ainsi Nadal, Federer en aurait rêvé, lui qui a vu, petit à petit, le rugueux Espagnol se rapprocher inexorablement de lui. Le Suisse aurait aimé fesser ainsi son fidèle adversaire. Mais c’est Jo-Wilfried qui l’a fait. Avec classe et boucan. Classe dans cette absence d’exubérance pocharde qui caractérise souvent les vainqueurs surprise, et boucan dans la puissance qu’il mettait dans chacune de ses balles. C’est Nadal qui en parle le mieux : « Je dois accepter le fait qu’il a joué de façon incroyable ce soir (jeudi). Il frappait fort dans toutes les balles, il était exceptionnel au service, il n’en ratait que quelques-uns. Il n’a pas fait une faute en revers et j’ai l’impression que tous ses coups droit étaient gagnants ! Moi, j’avais le sentiment d’être dans le rythme, de pas mal jouer, mais avec le tennis qu’il a produit, il était impossible à arrêter. Ne comptez pas sur moi pour vous dire qu’il a eu de la chance. Il a battu Murray, il a battu Gasquet, il a battu Youzhny : ce n’est pas de la chance, ça ! Il l’a fait parce qu’il a été capable de produire plusieurs fois un niveau de jeu très élevé. » Produire plusieurs fois un niveau de jeu très élevé, voilà exactement ce qui fait défaut à Monfils ou Gasquet. Ces deux-là, très médiatisés depuis pas mal de temps déjà, n’ont jamais démontré leur capacité à gagner un jour un grand chelem. A trop vouloir y croire, on y croit plus. Tsonga, lui, sur la pointe des pieds, mais avec la vitesse d’un rhinocéros au galop, est venu tout défoncer, nos déceptions comme nos certitudes, en enfilant sur ses larges épaules le costume pile à sa taille de superstar des courts. Et pas seulement.

Quand tout va mal, on le sait, le sport éponge. Il permet de redonner du rêve ou au moins le sourire à tous ceux qui rament, dépriment ou comptent. On s’accroche du coup aux stars du sport comme aux promesses de candidats aux élections : conscients que ce n’est rien, mais que c’est quand même un peu mieux, que rien. Les victoires de Tsonga, la barbe de Chabal hier, les buts de Benzema peut-être demain : toute victoire est bonne à prendre. Mais Tsonga a quelque chose en plus : cet air de n’y être pour rien, cette délicatesse de caterpillar, ces enchaînements herculéens et ce sourire large comme un soulagement laissent présager le meilleur pour ce jeune homme réaliste et performant. Pour nous enfin l’espoir de ne plus sempiternellement revoir Yannick Noah enjamber le filet du court central de Roland-Garros pour aller enlacer son père : Tsonga vient d’inventer au tennis français un futur. Une île.


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19 réactions à cet article    


  • floruf floruf 25 janvier 2008 10:00

    C’est evidement une très bonne surprise pour le tennis français , mais comme d’habitude , il convient de ne point trop s’emballer ... Arnaud Clement a réalisé la même perf en 2001 aussi à Melbourne pour le résultat que l’on sait ! Ce n’est pas le premier français à parvenir à ce niveau d’un grand chelem mais le plus dur c’est de perdurer à ce niveau comme ceux du top 3 de l’ATP ! En plus même lui avoue être surpris par son jeux , c’est comme un état de grâce  ! En tout cas , quoi qu’il arrive ,chapeau quand même pour sa quinzaine !!!


    • Djanel 25 janvier 2008 10:22

      Le tennis je n’en ai rien à branler ce que j’ai remarqué, c’est la qualité de la description. Si Tonga, rajoutez un S pour écrire, Tsonga joue aussi bien que Massoulier écrit, il n’a pas de souci à se faire. Il fera tout ce qu’il voudra sur les cours de tennis. Mais attention à la douche écossaise avec une victoire chanceuse et illusoire. Demande confirmation.


      • Hohohoho 25 janvier 2008 10:27

        Tsonga, au moins ce n’est pas un homme qui se déguise en femme

        Bien à vous.


        • adeline 25 janvier 2008 19:57

          ah Mr hahah hhihiih hohoh RDP mcm IP115 !!!! kel humour ! mais aucun rapport avec l’article surement une erreur ( de plus) Bien a vous très cher !


        • Imhotep Imhotep 25 janvier 2008 11:22

           Gasquet assez mal traité par cet article est quand-même numéro 7 mondial et a réussi à finir aux masters à Shangaï. Et pour être numéro 7 il faut quand-même gagner quelques matches et parfois quelques tournois, et ce de façon régulière et dans le temps.


          • TALL 25 janvier 2008 18:51

            Gasquet a la technique d’un grand, mais il doit encore maturer dans sa gestion émotionnelle. Il a fait dans sa culotte à Roland-Garros l’an passé.


          • Imhotep Imhotep 25 janvier 2008 19:32

             D’accord. Tsonga est un combat puissant. Il a gagné par un nombre considérable de aces. Gasquet a un superbe toucher de balle et un jeu divers et une grande intelligence, mais il craque souvent. Dommage. Ce qui n’ôte rien au mérite de Tsonga, mais gagner un match par le service - en partie - c’est un peu réducteur comme tennis.


          • TALL 25 janvier 2008 19:45

            Et son jeu au filet, contre Nadal, a été éblouissant aussi. Il a du toucher, le gars.


          • Imhotep Imhotep 25 janvier 2008 20:07

             je n’ai pas vu le match juste les statistiques et un court extrait où Tsonga fait un revers puis une pirouette assez bluffant certes. L’amortie est partie en diagonale juste derrière le filet non loin de la ligne. Nadal était aux antipodes.


          • TALL 25 janvier 2008 22:00

            Oui, je vois laquelle. Et il y en a eu bien d’autres, car Nadal est un excellent passeur, mais là il est tombé sur une ligne Maginot incontournable, même par Sedan smiley


          • Yannick Harrel Yannick Harrel 25 janvier 2008 12:56

            Bonjour,

            Bel article, dont j’ai apprécié le style autant que l’exploit de Tsonga lui même

            Je m’inquiète juste d’une chose, non pas de la pérennité du style de Lilian Massoulier mais de la constance dans les efforts de notre nouveau prodige. Car le mental c’est tout de même le talon d’achille de nos tennismen Français qui ont souvent accusé des désillusions déchirantes. D’ailleurs l’auteur le rappelle bien lui même : le tennis français hésite entre ratages pathétiques et espoirs ridicules.

            Alors profitons du bonheur présent et ne mettons pas trop la pression sur ce jeune prodige qui doit prouver sur le long terme qu’il est un véritable champion et ne pas rejoindre le cimetière des comètes ayant brièvement illuminé les courts de tennis

            Cordialement

             


            • Matozzy Matozzy 25 janvier 2008 14:05

              Il est trop tot pour faire de Tsonga une nouvelle idole ou un véritable espoir de grand joueur... il va évidemment falloir qu’il confirme. Cela dit, force est de reconnaitre qu’il en est "capable". D’autres comme Gasquet ou Monfils ont montré du potentiel, qu’ils ont affiché par intermitence, mais aucun n’a réalisé ce qu’a fait Tsonga sur un tournoi du grand chelem (les seuls tournois qui forgent les très grands). Battre Nadal (un des joueurs au niveau de jeu les plus réguliers) en demi-finale d’un grand Chelem, ce n’est pas un coup de chance. Ce n’est pas non plus donné à tout le monde.

              Ensuite, il y’a "battre" et "faire une démonstration". Evidemment, Tsonga ne sera pas éternellement sur son ile hors d’atteinte. Mais, le fait d’avoir montré qu’il peut y évoluer tout un match, est déjà un gage de qualité et d’espoir très intéressant.

              Comme le dit très bien l’article "le tennis français se tient peut-être un avenir" d’un nouveau genre... plus seulement fait de valeureux second-couteaux (à qui on doit beaucoup et qui s’illustre régulièrement en coup davis) mais aussi le moyen de monter plus haut, en intégrant les cercles fermé de ceux qui gagnent de grandes compétitions.


              • Nea 25 janvier 2008 15:49

                "un presque inconnu, Jo-Wilfried Tsonga, a renvoyé Monfils et Gasquet, espoirs surexposés, à leurs études de futurs vainqueurs" : ça a l’air de sous-entendre que Tsonga était un gars dans l’ombre, injustement oublié des médias et des pros qui se seraient concentrés sur les mauvais joueurs. Or, c’est faux.
                Dès ses débuts, Tsonga a été aussi "surexposé" que Monfils, il en était toujours question ensemble, Tsonga a été très médiatisé lui aussi.
                Évidemment, quand il a eu ensuite des problèmes de blessures et ne jouait pas du tout, ou bien juste des tournois Future ou Challenger, il n’allait pas être à la une de L’Equipe.
                Mais dès qu’il avait des résultats à peu près corrects, c’est un joueur qui a toujours été très mis en avant dans les médias. L’an dernier à Wimbledon, quand plusieurs joueurs français ont atteint la deuxième semaine , c’est Tsonga qui faisait la couverture de l’Equipe, et pas Gasquet, Mathieu, Monfils...

                Tsonga fait un tournoi absolument incroyable, et je ne veux surtout pas minimiser l’exploit, mais en profiter pour tomber à bras raccourcis sur Gasquet, qui a quand même accompli bien plus jusqu’à maintenant sur le long terme, c’est tout simplement ridicule. Et je ne suis même pas fan de Gasquet moi-même - mais ce genre de commentaires me fait grincer des dents...


                • ARMINIUS ARMINIUS 25 janvier 2008 16:04

                   Le tennis français a ,retrouvé son d’Artagnan ! Gasquet et Monfils feraient d’honorables mousquetaires ; il est temps aussi que la chemise Tsonga remplace la chemise Lacoste qui a pris bien du plomb dans l’aile question qualité. Attention cependant au talon d’Achille, ce bel athlète a déja eu quelques blessures et, à ce niveau la mécanique musculaire demande préparation et entretien sans faille, souhaitons lui un staff à la hauteur et tout ira bien.


                  • TALL 25 janvier 2008 18:06

                    Je suis fan de tennis et parieur en la matière depuis longtemps. Et donc à ce titre, mon regard sur les matchs est évidemment sans complaisance, grisbi oblige smiley. Or, Tsonga m’avait déjà épaté contre Murray au 1er tour. Car l’Ecossais ne jouait pas mal, il était débordé, c’est tout. Ce qui fait que contre Gasquet, j’étais déjà moins surpris, et contre Youzhny, plus du tout.

                    Enfin, contre Nadal ; après le 1er set, je me suis dit : "il le tient". Car outre sa qualité de frappe, son type de jeu très offensif dérangeait particulièrement Nadal. En tout cas sur cette surface qui est un peu + rapide que l’ancienne.

                    Alors pour la finale contre Djokovic ?

                    Et bien, s’ils répètent tous 2 leurs performances de ce tournoi, je verrais bien Tsonga gagner en 3 ou 4 sets. Tsonga est pour l’instant à 3,40 chez les books anglais. Faite vos jeux smiley


                    • marvin marvin 25 janvier 2008 19:51

                      Votre article est aussi agréable à lire, que cette demi-finale fut agréable à regarder. Quel style !

                      Félicitations et vivement dimanche ! smiley


                      • Thucydide Thucydide 25 janvier 2008 21:43

                        L’article est plaisamment écrit, comme d’habitude, mais comme d’habitude, il est excessif dans ses jugements. Tsonga n’est pas encore une vedette, même s’il gagnait, il pourrait très bien en rester là, comme Noah. Et surtout, il est très injuste d’écrire que le tennis français n’a rien eu depuis Noah. Leconte et Forget étaient des joueurs talentueux, leur mental était en dessous de celui de Noah, mais leur technique supérieure, et au final, ils ont tous trois plafonné dans les 5 premiers mondiaux sans jamais approcher la première place. Pioline, à l’inverse, était beaucoup plus laborieux, mais nettement plus tenace, donc bien plus axé sur le mental. La différence vient de ce que Noah a gagné Roland-Garros, après une semaine d’état de grâce, mais un unique succès en grand-chelem ne fait pas tout.

                        Donc, il faut arrêter de dénigrer le tennis français, en moyenne, son niveau est tout à fait convenable. Nous n’avons pas de numéro un mondial ? La belle affaire ! Est-ce une raison pour traîner dans la boue nos joueurs, en accentuant la pression sur eux, par la même occasion ? Dans ces conditions, pas étonnant que leur mental soit friable. Comme si des joueurs du talent de Federer se trouvaient à tous les coins de rue.

                        Espérons que Tsonga saura devenir une vraie vedette et durer. Pour cela, il faudrait déjà que son tennis très physique ne lui vaille pas des blessures à répétition. En attendant, la vraie vedette du tennis français, c’est Santoro qui, avec son âge canonique et son physique presque faiblard, réussit encore à rendre fous les meilleurs. Songeons qu’il est de la génération de Chang, un météore super précoce, mais qui a dû raccrocher depuis longtemps !


                        • TSS 27 janvier 2008 18:41

                          je ne connais pas ses origines mais j’espère que les journalistes ne procederont pas comme avec y.Noah

                          victoire=le francais Noah a gagné

                          defaite=le francais ,d’origine camerounaise ,Noah a ete battu ...


                          • ka 27 janvier 2008 19:49

                            @ Lilian Massoulier (même s’il ne répond jamais)

                            Arrête d’écrire sur les sportifs français ! Tu leur portes la poisse avec tes articles.

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