SNCF, plus cela va vite, moins cela va vite
La SNCF roule à deux vitesses. D’un côté, elle va de plus en plus vite avec des cocoricos à 574,8 km/h. De l’autre, elle va de plus en plus lentement en privatisant ses services. Chronique édifiante de la réalisation des cartes de famille nombreuse.
En avril le TGV a battu son propre record de vitesse sur rail en atteignant les 574,8 km/h lors d’un essai entre Strasbourg et Paris. L’événement, au-delà de son aspect spectaculaire, sert d’argument commercial pour le train français sur les marchés étrangers.
Moins spectaculaire, la SNCF bat un autre record : celui de la lenteur.
Je l’ai expérimenté en demandant il y a six mois le renouvellement de ma carte famille nombreuse. Avant le progrès de la rugissante économie, l’opération se faisait en gare et ce renouvellement durait une quinzaine de jours. Désormais on retire un dossier et on envoie un magnifique formulaire avec pochette plastique pour les photos (progrès oblige !) à une boîte postale située à Plaisance-du-Touch (banlieue de Toulouse).
Un mois plus tard, ne voyant rien venir, je téléphone au numéro indiqué (3635). La modernité nous fait son cinéma et il suffit de hurler « Famille nombreuse » dans le combiné pour atteindre le service indiqué. Mais la modernité manque de constance, car c’est un ancestral répondeur qui indique que : « Suite à un afflux de demandes, consécutif à l’action ministérielle de revalorisation de la carte famille nombreuse, le délai de réalisation est d’un mois. La SNCF présente ses excuses... » avant de préciser que suite à un afflux de demandes toutes les lignes sont occupées. Je renouvelle mon appel. Une fois, deux fois, cinquante fois... Le message est identique. J’en conclus que pour la SNCF le progrès consiste à tester la patience de ses clients.
Le temps passe. J’effectue plusieurs voyages en train. J’interroge les contrôleurs. Ils ont tous été informés du retard en matière de réalisation de cartes famille nombreuse. Aucune indulgence n’est pour autant autorisée. Ils doivent mettre des amendes aux porteurs d’une carte de réduction famille nombreuse périmée qui n’ont pas acquitté le tarif plein. En résumé, la SNCF les met en première ligne pour encaisser les mécontentements légitimes des clients.
Le chèque de 18 euros constituant les frais de traitement du dossier est encaissé. Bonne nouvelle, le dossier ne s’est pas perdu dans les limbes d’une autre administration de service public. On peut néanmoins s’étonner de cette précipitation vu que le dossier n’est toujours pas traité.
Le temps passe toujours. J’envoie une lettre de réclamation à « SNCF. BP 77. 31830 Plaisance du Touch ». Aucune réponse. J’appelle la SNCF à Paris, j’apprends que la réalisation des cartes a été confiée à un prestataire privé et qu’il est impossible de rentrer en contact avec lui. Les coordonnées de la société sont classées secret défense. Eh oui, elle n’a pas envie d’être dérangée par des clients insatisfaits. Même si on la comprend, nous sommes en droit de nous interroger sur le type de contrat que la SNCF a passé avec ce partenaire fantôme.
Et miracle, un matin en composant le 3635, une voix féminine non mécanique me répond. La dame consulte son ordinateur et confirme que le prestataire ne m’a jamais envoyé aucun courrier. Elle m’explique que c’est sans doute à cause d’un bug informatique. A l’entendre, l’informatique du prestataire a un fonctionnement étrange : neuf dossiers passent et le dixième identique est rejeté sans qu’on sache pourquoi. Elle va faire une réclamation écrite, car elle n’a aucun autre moyen pour communiquer avec le sous-traitant. Des réclamations qui s’accumulent depuis novembre dernier même si la SNCF a trouvé un moyen génial pour limiter leur nombre : au maximum trois agents peuvent recevoir les 3000 appels par jour !
En résumé, la SNCF a confié la réalisation des cartes famille nombreuse à un prestataire fantôme doté d’une informatique aléatoire. Pour combler les dysfonctionnements inhérents à cette privatisation, elle a mis en place un service téléphonique de trois personnes. Nous avons donc aujourd’hui une SNCF à deux vitesses. Une SNCF de l’exploit qui tente de maximiser son profit avec des records qui ont un intérêt limité. Une autre du quotidien qui méprise tant ses clients que son personnel et s’organise pour générer du conflit entre les uns et les autres.
Anne-Caroline
NB : Si vous avez des expériences désagréables similaires, des suggestions pour améliorer, des informations sur les glorieuses privatisations de la SNCF, je vous propose de participer au groupe de discussion Sncf à deux vitesses (http://groups.google.com/group/sncf-a-deux-vitesses , mail : [email protected]). Ensemble, on réussira peut-être à déplacer la montagne qu’est la SNCF.
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