• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > A propos de l’ouverture et quelques mythes du duumvir (...)

A propos de l’ouverture et quelques mythes du duumvir Fillon-Sarkozy

Les grands ensembles sociaux de l’Antiquité, la Grèce, la République de Rome par exemple, puis l’Empire avec Auguste, ont fait appel à des mythes fondateurs. Remus et Romulus, puis la fameuse Enéide, écrite par Virgile, texte destiné à doter l’Empire d’une grande épopée signant son identité, et de montrer sa grandeur face à une Grèce qui, en son temps, rayonna avec sa culture divinement inspirée et se dota, elle aussi, de mythes fondateurs, notamment L’Iliade et L’Odyssée. Mais au fait, pourquoi les sociétés humaines font-elles un usage aussi poussé des mythes ? S’il en est ainsi, c’est que le mythe répond à un besoin manifeste dans les sociétés humaines, un besoin lié à une quête de sens et d’explication. Pendant l’Antiquité, nombre de mythes évoquaient des temps révolus, des événements, des épopées, des actions héroïques, participant à la genèse d’une identité sociale tout en donnant un sens à cette identité, à travers des récits expliquant les origines et donc, répondant à la question suivante, pourquoi les Grecs sont ainsi et pas autrement, ou alors, pourquoi il y a-t-il une Rome plutôt que rien, autrement dit, des terres en friche, sans édifice, sans civilisation ?

 

 

Les mythes ont comme principe de fabrication l’invention d’un récit destiné à combler un déficit d’explication tout en usant d’une rhétorique simple dont l’intérêt, on l’aura compris, est de s’adresser au plus grand nombre. Les hommes se sont interrogés non seulement sur leur société mais aussi sur le fait qu’il y a une nature et un cosmos. On trouve ainsi des mythes cosmogoniques. L’un des plus étranges est celui expliquant comment la Terre se maintient dans l’univers en étant posée sur une tortue géante et, sous cette tortue, il y en a une autre et ainsi de suite. Dans l’Ancien Testament, la Genèse explique que Dieu a créé la Terre et les cieux et comment l’homme a accédé au fruit de la connaissance. Voilà un autre exemple de mythe ayant traversé les siècles.

 

 

Les temps modernes ont peu à peu substitué les mythes par des faits historiques avérés et parfois édulcorés pour servir toujours une même cause, celle de l’identité sociale, du sens et aussi, chose nouvelle, de motivation pour l’action. Un certain Nietzsche a fort bien analysé les usages de l’Histoire à des fins sociales et politiques, dans la seconde considération inactuelle. L’Histoire fait débat, elle est parfois falsifiée, comme dans l’ancien Empire soviétique ; en d’autres cas, elle est plus ou moins bricolée, comme par exemple après la Seconde Guerre, ce mythe de la France résistance façonné par De Gaulle. Mitterrand, en digne héritier du Général, inventa la thèse du coup d’Etat permanent. Ce fut de bonne guerre.

 

 

La modernité n’est pas si moderne qu’on ne le croit. Si ses technologies sont inédites, les sociétés reprennent de vieilles recettes. Le mythe en fait partie. Des mythes non plus hétéronomes, irrationnels, du genre des tortues sous la Terre ou un Dieu séparant la terre et les eaux, mais plus rationnels et autonomes, ainsi que se constituent les sociétés démocratiques et laïques. L’individu moderne, il utilise son portable, internet, le GPS, mais il a aussi besoin de mythes, de représentations sociales, de référentiels identitaires (clin d’œil gaullien au propos sur la femme et Moulinex). Cela, Sarkozy l’a compris au moment de la campagne présidentielle et a su jouer de quelques mythes spécialement fabriqués comme le déclin français, la paresse assistée, le désir de changement des Français. Et maintenant ?

 

 

Face aux députés, le tribun François Fillon a jugé bon d’en appeler à la grandeur de la France, son passé, évoquant Clemenceau, De Gaulle, Hugo, Gambetta. Et de ce fait, donner un sens à son action en la rapportant aux meilleurs moments de l’histoire française. Les systoles en quelque sorte. Mais la France a connu aussi ses diastoles, qu’on situera sous Napoléon III en fin de règne, sous le cartel des Gauches, sous Pétain et sous la fin du règne de Mitterrand puis de Chirac. Le duumvirat de droite n’a pas eu besoin d’un Virgile ni d’un Michelet. Un Henri Guaino suffit pour les discours et un Nicolas Baverez pour raconter la France en l’état de trente piteuses. Mais, nouveau mythe oblige, la France est sortie de la dépression nerveuse le 6 mai 2007. C’est François Fillon qui l’a dit, après Alain Juppé, ex-membre d’un triumvir décapité d’une tête ! En 1981, la France était passée de l’ombre à la lumière. En 2007 la France passe de la dépression à la vitalité. De la mornitude à la travaillitude.

 

 

Sitôt installé, Nicolas Sarkozy entendit agir au nom d’une politique de l’ouverture, prenant quelques personnalités de gauche pour son gouvernement. Depuis, il n’est pas une seule journée sans qu’un journaliste n’évoque cette politique d’ouverture, comme si c’était une vérité, une marque de fabrique, un nouveau sens pour la société. Les médias voient l’ouverture partout. Jack Lang dans une commission, c’est de l’ouverture, DSK propulsé au FMI, c’est de l’ouverture. Pourtant, on n’a pas fait tout un plat de Pascal Lamy, membre du PS depuis 1969, devenu directeur de l’OMC grâce notamment aux soutiens de Jean-Pierrre Raffarin et Jacques Chirac. DSK, il a la faveur de plusieurs dignitaires européens, mais veuillez croire ce que disent des médias, Sarkozy appuie DSK, au nom de l’ouverture ! Si, si, il y a de l’ouverture partout. Il se dit que Daniel Cohn-Bendit se verrait proposer la présidence d’une commission sur le logement étudiant et Olivier Besancenot une mission de réflexion pour améliorer la tournée des postiers, si, si, c’est vrai, enfin presque...

 

 

... et à l’automne 2007, Bernard Laporte aura en charge la Jeunesse et les Sports. Gageons que pour rester dans la tonalité de l’action présidentielle, il saura trouver comme chef de cabinet un demi d’ouverture ! Quoique, son expérience de demi de mêlée puisse aussi lui être utile, au cas où la politique d’ouverture tourne mal et qu’à nouveau, deux packs s’affrontent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.4/5   (10 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • NPM 10 juillet 2007 10:22

    Personne ne sait si les origines de Rome telles que raconté sont mythiques ou non -qui d’ailleur n’a pas de mythologie en tant que telle -malgrés des restes Indo-Européens.

    Sinon, je ne vois pas de mythe dans les discours de Machin, car un mythe par définition ne s’exprime pas : il est vécu.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 10 juillet 2007 10:37

      Le mythe de la France qui a retrouvé sa vitalité et qui va être pilotée comme une formule 1, dixit Fillon, si c’est pas du vécu, ça. Quant au mythe, il ne se vit pas mais il se raconte et donne du sens au vécu (voir ce qu’en dit Broch)


    • NPM 10 juillet 2007 10:44

      « Le mythe de la France qui a retrouvé sa vitalité et qui va être pilotée comme une formule 1, dixit Fillon, »

      Aucun mythe la dedans, juste un discours politique comme on en entend tout les eux jours depuis notre naissance..

      « Quant au mythe, il ne se vit pas mais il se raconte et donne du sens au vécu (voir ce qu’en dit Broch) »

      S’il se raconte, c’est qu’on en a conscience, et ce n’est donc plus un mythe, mais une fable.


    • TSS 10 juillet 2007 13:48

      quel puits de science ce NPM !!

      domage quil face otant de fôtes !!


      • ExSam 10 juillet 2007 19:10

        En simplifiant, on peut dire que nos dirigeants nous balladent à l’aide de mythes basse intensité.

        La mode semble être bien installée aux USA, comme nous le raconte le Diplo :

        ...Dès son entrée à la Maison Blanche en 2001, M. Bush avait fait connaître son cabinet à la presse en déclarant : « Chaque personne a sa propre histoire qui est unique, toutes ces histoires racontent ce que l’Amérique peut et doit être. » Et plus tard (en présentant M. Colin Powell comme secrétaire d’Etat) : « A great American story... » Ou encore, à propos du ministre des transports : « I love his story... » Puis il avait conclu en disant : « Nous avons tous une place dans une longue histoire, une histoire que nous prolongeons mais dont nous ne verrons pas la fin. Cette histoire continue [This story goes on...]. » Dans cette allocution qui n’avait duré que quelques minutes, M. Bush avait utilisé le mot story pas moins de dix fois ! En février 2006, lors d’une visite éclair en Afghanistan, accompagné du président Hamid Karzaï, il se prêta volontiers aux questions des journalistes. En quelques minutes, il reprit mot pour mot la même formule à deux reprises : « Nous aimons les histoires, et attendons des histoires de jeunes filles qui vont à l’école en Afghanistan. »

        La fréquence d’apparition du mot story dans les discours de M. Bush ne doit rien au hasard. Elle révèle l’influence des consultants en management qui l’entourent (il est le premier président américain à avoir été formé dans une business school, une grande école commerciale). Apparu au milieu des années 1980 aux Etats-Unis, le storytelling management, une nouvelle école de direction d’entreprise, a connu depuis 2001 un succès croissant dans des firmes comme Disney, McDonald’s, Coca-Cola, Adobe, IBM, Microsoft...

        La suite :

        http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/SALMON/14124


        • aurelien 10 juillet 2007 19:12

          Bon placage, Bernard smiley


          • herbe herbe 10 juillet 2007 22:04

            Pour info :

            la stratégie d’ouverture de Sarko était connue et présentée depuis 2006 où il n’était désigné que comme le probable candidat !

            Je viens de découvrir une dépêche AFP sur le blog montoulouse.fr qui le montre :

            "PARTIS-UMP-PRÉSIDENTIELLE - 06/07/2006 20h57 - AFP

            Origine : France

            Sarkozy veut faire « exploser les clivages » droite-gauche

            BALLAN-MIRE (Indre-et-Loire), 6 juil 2006 (AFP) - Nicolas Sarkozy a déclaré jeudi être déterminé à « faire exploser les clivages » droite- gauche, car il « y a une gauche à laquelle on peut parler », à l’occasion d’une « réunion champêtre » à Ballan-Mire (Indre-et-Loire) à laquelle participaient quelque 2.500 personnes.

            Cette gauche, a expliqué le président de l’UMP, c’est « la gauche qui prend le métro, qui vit dans les quartiers populaires, qui ne demande rien à personne » et qui « peut apporter ses voix dans un grand débat pour l’élection présidentielle ».

            C’est aussi, selon le numéro deux du gouvernement, « la gauche qui ne veut pas du conservatisme et de l’immobilisme » et qui mise « sur le dynamisme, le changement, la rupture, la promotion sociale, la lutte réelle contre les inégalités ».

            « Avec le respect de la diversité, on peut rassembler au-delà du camp traditionnel de la droite, rassembler des gens différents autour d’un projet auquel on a donné une cohérence », a insisté M. Sarkozy. « Parce que, qu’est-ce qui nous motive tous ? C’est l’amour de la France ! ».« Je me reconnais davantage dans la gauche de Blum et Jaurès que dans celle de Royal et Jospin », a encore assuré le probable candidat à la présidentielle de 2007. "

            le blog montoulouse pense à une manipulation :

            http://montoulouse.blogs.com/dossier1/2007/07/louverture-non-.html


            • bernard29 candidat 007 11 juillet 2007 10:19

              Tout cet article pour minimiser le transfert de DSK. Et pourtant à mon avis c’est le plus grave des cas douteux de retournement de veste.

              Pascal lamy n’était pas un « politique » ; c’était un technocrate qui avait une carte au PS.

              DSK, c’est autre chose. Elu et réélu député (il a eu peur la dernière fois), dirigeant éminent du PS, Maire d’une ville « Socialiste », ex-ministre de gauche, ex candidat à la candidature socialiste à la présidentielle, concurent interne et déclaré de la candidate socialiste, et on en passe. DSK, personnalité, qui pour certains socialistes représentait « l’avenir du PS », promoteur d’une certaine « rénovation de la gauche »,et aujourd’hui quoique l’on puisse dire de ses compétences, devra sa nomination au FMI au soutien déterminé de Sarkosi.

              C’est une trés bonne manière pour Sarko de préparer ainsi sa réélection en 2012. Même la nomination éventuelle du perpétuel « courtisan » Lang dans une commission sarkosiste, qui aujourd’hui fait bondir le PS, n’arrive pas à la cheville des acommodements personnels de DSK.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès