Les vœux de TéléTonton, pneumatologue du nouveau souffle de civilisation

Comme le fit un de ces prédécesseurs, François Mitterrand, alias Tonton, M. Sarkozy du haut de son perchoir élyséen discoura de son bec un ramage alors que les opposants de gauche se prirent à écrire de leurs plumes et comme à l’habitude, on assista à un plumage. Et l’opposition de se faire plumer en commentant un discours aux formules conventionnelles, le « mes chers compatriotes » griffé Mitterrand et les ficelles éprouvées de la communication. Si bien qu’il y a quelque chose, ni de Tennessee, ni de Tonton, mais de Téléthonton chez Sarkozy. Tout ce qui relève de l’action publique, Etat, politique, associatif, emprunte les méthodes de la com testées avec succès, pour tout vendre, du produit basique à l’événementiel, en passant par l’humanitaire et le politique. Et François Hollande en Monseigneur Fustiger du Parti socialiste, qui fustige le président en demandant aux Français de ne pas croire en sa politique. Cela dit, le show télévisé de ces vœux bien préparés ressemble plus au domaine médical, le mot « urgence » ayant été prononcé une bonne dizaine de fois. Plutôt que de s’en prendre au discours de vœux du président, somme toute banal et pas de quoi faire un fromage de ce ramage, une mise en miroir avec le Téléthon livrera un éclairage en contre-jour sur ce discours.

AFM ou AMF ? Nicolas Sarkozy, en président de l’AMF, l’Association contre les maladies de la France. A entendre notre président, la France est entachée de pathologies qui l’empêchent de suivre la marche des nations. D’où la mise en avant de l’équipe du Pr Fillon qui a su mettre en place les bonnes thérapies après que les gènes déficients de l’Etat eurent été identifiés par les think tankers du staff élyséen. D’ailleurs, le président l’a laissé entendre, nos chercheurs d’Etat travaillent avec application, laissant leur conviction politique de côté pour servir la France. Nous connaissons Eric Besson qui teste la TVA sociale, disposant d’une petite équipe de recherche. Alors que le plus prestigieux de nos endoctrinologues, Jacques Attali, serait sur le point de trouver une nouvelle hormone de croissance économique. Et maintenant, présentation des premiers essais thérapeutiques par le président de l’AMF, le choc fiscal, les heures sup libérées de la thrombose des 35 heures, celui qui travaille plus peut respirer plus, et c’est l’embellie pulmonaire. Mais ce n’est pas gagné, il y a le risque de flemmite, plutôt chronique, chez ceux qui ont de la veine de toucher les aides publiques. Quant au pouvoir d’achat, c’est comme la thérapie génique, les essais ne sont pas vraiment fructueux, loin s’en faut, mais cela n’empêche pas de les présenter comme des succès.

Cet exercice des vœux a pour objectif de recueillir non pas les dons pour la recherche mais les approbations des Français. Vous ne ferez pas le 36 37 pour donner votre bon point, mais l’Institut de sondage composera votre numéro personnel pour recueillir votre don au « statistimètre ». Un Téléthon sans compassion et mise en scène des malades, cela est inconcevable. Pour les vœux du Téléthonton, Sarkozy connaît bien les recettes. On a eu droit à cette introduction compassionnelle pour ceux qui travaillent le soir du réveillon, pour nos militaires en mission et surtout, pour nos solitaires d’un soir, privé de fête, cloués sur leur canapé devant la télé à se farcir Sébastien. Et puis tous ceux qui travaillent sans pouvoir faire vivre leur famille. Le plus important, pour le Téléthon comme pour les vœux du président, c’est de donner l’espoir aux gens, d’évoquer les nouveaux essais du gouvernement pour guérir ce pays et faire de la France une nation où il fait bon vivre pour tous.

Il ne suffit pas de jouer les Clooney d’urgence en vacances à Louxor pour diriger l’AMF et susciter la confiance. Il faut muscler le show et monter quelques biceps verbaux, comme lors des précédents Téléthon et notamment cette fameuse grande tentative lancée il y a dix ans, en 1998. Eh bien Sarkozy a su tirer quelques enseignements puisque nous aussi, Français, pouvons participer à cette grande tentative de redressement d’une France qui doit renouer avec une politique de civilisation, et soyons fou, une France en attente d’un quattrocento en plein début de second millénaire, une France qui tentera la nouvelle Renaissance. Voilà qui mérite une attention en ces temps où l’heure est plutôt à amortir les chocs de la civilisation et solutionner une crise sociale bien ancrée. Mais l’on sait bien que ces vœux ne sont que des vœux, et que les grandes tentatives ne servent qu’à émoustiller les esprits en quête de sens auxquels on demande une adhésion d’un moment pour une cause nationale jugée d’utilité publique. Les maladies génétiques, ou de la France, cela mérite quelque considération.

Pas d’amalgame. La médecine et la politique diffèrent sur un point essentiel. En matière de thérapie, il n’y a qu’un seul parti, celui du corps médical, formé dans les universités, surveillé par un conseil de l’ordre, encadré par la loi, alors qu’en matière de politique, même si nous avons un président de l’AMF élu, tout peut changer dans cinq ans, et l’opposition doit montrer sa position et contester les résultats du gouvernement, les propos du président, ce qu’il énonce comme acquis et ce qu’il propose pour l’avenir. L’infirmière en chef Royal n’a-t-elle pas osé proposer une République de la fraternité.

Le Téléthon n’a lieu qu’une fois par an, mais cela dure 24 heures à l’antenne. Les vœux du président, rien que cinq minutes, mais ce n’est qu’un avant-goût du programme. Car nous étions prévenus, on en a pris pour cinq ans et on le verra apparaître régulièrement à la télé, notre président de l’AMF, faisant état des succès dans la thérapie de la France et nous informant des progrès dans la guérison, tout en rappelant les enjeux de la grande tentative de civilisation. Enterrons le H de guerre et appelons-le TéléTonton, un surnom qui lui va comme un gant, d’autant plus qu’il passe beaucoup à la télé, tonton Sarkozy.

Pourtant, le thème d’une politique de civilisation restera la touche la plus originale de ce discours de vœux pour 2008. Où est-il allé pêcher cette idée notre président ? Sur ce sujet, je le rejoins, car la civilisation est en crise, mais je crains que Sarkozy ne soit pas taillé comme Alexandre ou Napoléon, costume qui est trop grand pour piloter un changement de civilisation qui impose un esprit trempé dans un amalgame d’acier et de velours. Les clercs du Monde ont eux aussi été surpris par cette saillie pour le moins étrange mais qui dévoile le côté messianique du président (cf. Latran), et par la même occasion son manque d’envergure. C’est certes nébuleux comme le clame l’éditorialiste du Monde, mais c’est ce qui, en tant que pétition de principe, redonne des lettres de noblesse à la politique, cette noblesse que voudrait incarner Sarkozy, et s’acheter à vil prix, mais qu’il ne pourra pas accomplir tant qu’il n’aura pas compris qu’entre la série Urgences et Les Dix commandements de Cecil B de Mille, il y a un antagonisme ! Mais bon, les ricanants diront de plus que Lyz est plus crédible en Cléopâtre que Carla !