À propos de libéralisme et socialisme
Être à la fois libéral et socialiste.
Voilà une bien étrange question que celle posée récemment au Parti socialiste. Une odeur âcre de soufre s’est aussitôt répandue dans les couloirs de la rue de Solférino, juste la dose suffisante pour ranimer la vieille guerre des éléphants.
Si l’on en croit cependant un récent sondage, 63 % des Français répondent à cette question qu’ils y sont plutôt favorables. Ce qui démontre une évolution surprenante des mentalités, notamment celles de gauche.
Le libéralisme, c’est quoi ?
Sitôt qu’on évoque ce mot, pour les uns c’est un idéal vers lequel il faut tendre avec ardeur, pour les autres c’est le réveil des vieux démons du capitalisme le plus exécrable qui soit. Nous voici en pleine ambiguïté.
Pourtant, sur l’origine du mot “libéral” par lui-même, on constate qu’il est né il y a relativement peu : sitôt la révolution de 1789, au tout début du XIXe siècle. Cette liberté, alors chèrement conquise face au régime autoritaire monarchique, a suscité toutes les formes de conjugaisons possibles du mot ”liberté”, y compris celles couchées précieusement dans la Charte des droits de l’homme. Le libéralisme, qu’on l’admettre ou pas, est bien une des conquêtes - et pas la moindre - de la Révolution de 1789.
On a donc quelque mal à comprendre aujourd’hui comment ce mot peut déchaîner tant de haine entre socialistes, eux qui se réclament tous, pourtant, des valeurs de la Révolution.
La pantalonnade
On a du mal à comprendre : il n’y a pourtant, à ma connaissance, aucune divergence fondamentale entre Mme Royal et M. Delanoë. Nous voilà, une fois de plus, devant une de ces nouvelles “commedia dell’arte” dont le PS a, seul, le secret de fabrication.
Et quand, pour arbitrer ce “duel fratricide”, on voit ensuite débarquer fort opportunément Mme Aubry, aux côtés des amis de M. Strauss-Kahn, de M. Fabius ou de M. Montebourg - les ennemis jurés d’hier et qui ne sont d’accord entre eux sur presque rien (hors leurs ambitions personnelles), notamment sur l’Europe - c’est une vraie pantalonnade : un parfait bal des faux-culs.
Pitoyable !
Pour en revenir donc au mot “libéral”, remarquons cependant, qu’en politique le libéralisme c’est pourtant bien la laïcité, la neutralité de l’État, la pluralité des opinions, celle des partis, la liberté de la presse, ce sont les élections libres, etc. Qui, en France, peut être contre ces libertés-là ?
En économie aussi, il nous semblait que, depuis 1983, quand M. Mitterrand était au pouvoir, le PS s’était réconcilié avec "l’économie de marché" (base fondamentale du libéralisme). M. Mitterrand l’avait alors adoptée, même s’il l’avait teintée d’une bonne dose de social.
Nous ne constatons cependant pas qu’aujourd’hui les socialistes soient devenus les partisans d’une nouvelle soviétisation de l’économie comme en 1981, qu’ils réclameraient le retour aux nationalisations forcenées, etc. Donc, ils sont, et ils ne peuvent être que, libéraux.
Qu’est-ce donc alors que cette farce Royal-Delanoë ?
Farce ? Peut-être pas !
Peut-être faut-il chercher dans ce “conflit” un début d’explication par la présence d’une gauche anti-libérale encore assez bruyante, y compris au sein du PS. C’est peut-être cela que Mme Royal a en tête : elle ne veut pas se séparer de l’appui de cette gauche-là si elle veut conquérir demain le PS.
Mais cela ne peut être une raison en soi : je suis persuadé que celui qui emportera demain le PS, ce sera, malgré Mme Aubry et ses “alliés” d’un moment, celui qui osera être un authentique "social-libéral". Et, de ce point de vue-là, M. Delanoë a certainement marqué un précieux point.
Mais il y a vraisemblablement aussi une autre explication : si le PS accepte de paraître trop “libéral-social-démocrate”, il ne présentera plus face à l’opinion - donc à son électorat traditionnel - assez de différences significatives d’avec la droite. C’est un vrai dilemme pour lui. Le PS est donc obligé de caricaturer un tant soit peu le libéralisme, car il n’a toujours pas réussi à élaborer un vrai projet “libéral-social-démocrate” qui lui permettrait d’affirmer et de prouver, demain, que son projet serait meilleur que celui mis en œuvre par la droite.
L’incapacité d’élaborer un projet
Cette incapacité à élaborer un projet moderne et réaliste est bien le talon d’Achille du PS.
La conséquence de cet antagonisme stratégique (plus que politique) ? On voit, d’une part, une Mme Royal préconiser une alliance avec le centre (nous nous souvenons pourtant de sa volonté de flirt avec un Bayrou qui l’a éconduite avec dédain), mais affirmer aujourd’hui, cependant, que le libéralisme est l’horreur absolue (ou presque) ; et, d’autre part, on voit un Delanoë dire qu’il est libéral, mais qu’il ne veut aucune alliance avec le centre.
On est encore ici en droit de se demander dans quel monde vit le PS.
Pourtant, on ne peut pas nier qu’aujourd’hui, au PS, l’hégémonie intellectuelle est plutôt située à droite, alors qu’elle a été longtemps positionnée à gauche. Qui veut aujourd’hui conquérir le PS, contrairement aux idées reçues d’une longue tradition, se doit de l’aborder par sa droite, et non plus par son aile gauche. C’est un fait tout à fait nouveau (que j’avais déjà souligné dans une précédente note).
Besancenot ? Quel boulevard ?
Alors, le PS peut-il craindre de laisser, sur son flan gauche, un “boulevard” au postier Besancenot ?
Pour ma part, je n’y crois pas : M. Besancenot conduit, malgré son habileté médiatique, ses troupes vers une impasse. Et tous les sondages récents révèlent, chez les Français, une nouvelle, mais surprenante lucidité politique. C’est un phénomène de société particulièrement significatif qu’on doit peut-être à la puissance des médias, mais peut-être aussi aux brassages d’idées via internet : les anciens communistes, les fondamentalistes de Mme Laguiller s’amenuisent d’année en année, de scrutins en scrutins. M. Besancenot, pour percer réellement à gauche, a un besoin vital de cet électorat-là. Mais celui-ci s’éparpille inexorablement. (Il n’y a pas qu’en France qu’on observe d’ailleurs cette évolution). M. Besancenot ne peut donc que rester relativement marginal, et non un vrai pilier sur lequel pourrait se reconstruire une éventuelle "nouvelle gauche".
Vouloir donc opposer libéralisme et socialisme est un non-sens en soi : ces deux philosophies sont indissociables l’une de l’autre, elles ont besoin l’une de l’autre, elles sont parfaitement complémentaires.
La gauche aurait donc tort d’abandonner le “beau mot de libéralisme” à la seule droite : il est un bien commun qu’il nous faut défendre pour davantage de justice sociale.
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