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Accueil du site > Tribune Libre > Prime transports : le Medef isolé ou idéologue ?

Prime transports : le Medef isolé ou idéologue ?

C’était au grand jury RTL/Le Monde/LCI : "Cette affaire n’est pas raisonnable." C’est en ces termes que Laurence Parisot a jugé l’annonce faite par la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, dimanche.

Les sociétés devront prendre en charge 50 % du titre de transport de leurs salariés dans les grandes agglomérations et devront apporter, sur la base du volontariat, une aide forfaitaire à leurs salariés qui se déplacent en voiture.

"Aujourd’hui les entreprises françaises ne peuvent pas supporter un centime d’euro de charge en plus", a estimé lundi matin la présidente du Medef sur RTL, rappelant que "plus de 50 000" d’entre elles ont déposé le bilan au cours du premier semestre 2008, soit "le chiffre le plus élevé depuis plus de dix ans". Par ailleurs, Laurence Parisot, qui dénonce "une erreur de raisonnement" du gouvernement, développe : "Sur cette affaire de prime transport, il ne faut pas oublier que le prix de l’essence est composé à 65 % de taxes. Donc on est en train de faire une taxe sur les taxes. Ce n’est pas raisonnable non plus"... Et rappelle que "tous les transports collectifs urbains sont financés principalement par les entreprises" : "Nous sommes le premier contributeur au développement de ces transports collectifs", entre "4 et 5 milliards d’euros".

Très clairement, les entreprises n’ont pas un centime à consacrer au pouvoir d’achat de leurs salariés. Cette déclaration de ce matin sur RTL tendrait à prouver que Laurence Parisot et son organisation sont les seuls interlocuteurs du gouvernement et des syndicats de salariés. L’auditeur aura donc compris que pas un centime ne leur sera consacré.

Or, en marge des déclarations tonitruantes du Medef réclamant ici la suppression de l’ISF et là des principes de libéralisme accrus, un communiqué du 4 septembre est passé totalement inaperçu des médias. Ce communiqué émane de la CGPME :

REUNION DU 4 SEPTEMBRE 2008 ENTRE LA CGPME, LA CGT-FO, LA CFTC ET LA CFE-CGC SUR UN DISPOSITIF D’AIDE AU TRANSPORT DOMICILE-TRAVAIL DES SALARIES

La CGPME et les trois confédérations syndicales de salariés, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC, se sont réunies jeudi 4 septembre au siège de la CGPME pour évoquer un ensemble de questions liées au transport domicile-travail des salariés.

Dans le cadre de ce tour d’horizon complet, elles ont fait le constat d’appréciations différentes sur certains points, par exemple en matière de financement des dispositifs, mais aussi d’éléments de convergence, notamment sur la réalité de l’augmentation du coût de l’énergie, tant pour les entreprises que pour les salariés, et sur la nécessité d’apporter des réponses concrètes. Ces éléments de convergence doivent être approfondis.

Dans cette optique, elles ont convenu de se réunir à nouveau le mercredi 10 septembre, au siège de la CGPME, pour préciser et formaliser les points qui pourraient faire l’objet de préconisations communes aux quatre organisations.

Elles souhaitent que les autres organisations représentatives des employeurs et des salariés s’associent aux travaux engagés.

CGPME, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC - Source CGPME

Etonnant non ?

D’autant plus étonnant que François Chereque invité ce matin d’Europe1 n’a pas dit un mot de cette rencontre préférant focaliser sur les déclarations de Laurence Parisot alors que sa confédération était présente le 4 septembre.

Certains argueront que l’accord sur le texte voté par le Parlement sur la réforme de la représentativité syndicale qui s’est fait dans un cadre plutôt consensuel, car il reprend les grandes lignes de la "position commune" patronat-CGT-CFDT d’avril. Ainsi, un syndicat devra recueillir au moins 10 % des suffrages pour participer aux négociations dans une entreprise (voir les 7 points de la représentativité) pousse la CFDT à chercher une fois de plus à s’imposer comme premier interlocuteur du Medef.

Cette loi qui ne touche pas les organisations d’employeurs amène d’ailleurs à se poser la question de leur représentativité. Or :

71 % des patrons de TPE ne sont pas syndiqués et ils ne sont que 38 % à considérer que les syndicats patronaux défendent bien les intérêts des entreprises.
Si on se réfère au classement de satisfaction chez les syndiqués :
45 % plébiscitent les syndicats de branche ;
42 % le Medef ;
27 % l’UPA ;
26 % la CGPME ;
19 % l’UNAPL.

Il faut ajouter à ce résultat que ces fédérations patronales sont inconnues de plus d’un dirigeant sur quatre. Ils sont d’ailleurs 57 % à ne pas reconnaître la représentativité des syndicats patronaux pas plus qu’ils ne croient à leur capacité à influencer les prochains débats électoraux, y compris parmi leurs adhérents. Source Slovar et Baromètre Fiducial - IFOP janvier 2007.

Il ne faut pas oublier que les rapports entre la CGPME et le Medef sont régulièrement "tendus". Pour mémoire, la dernière escarmouche remonte à l’affaire de l’élection de Geoffroy Roux de Bézieux à la présidence de l’Unedic. Election à l’issue de laquelle la CGPME écrivait : "La CGPME prend acte de l’élection du candidat Medef Geoffroy Roux de Bézieux à la présidence de l’Unedic, ce qui permet à M. Liébus, candidat UPA d’accéder au poste de trésorier-adjoint. Elle leur souhaite plein succès dans une période si importante pour le régime d’assurance-chômage. A cette occasion, la Confédération a pu, à nouveau, constater le déséquilibre des voix au sein du collège employeurs (17 Medef, 5 CGPME) lequel ne reflète pas la réalité du tissu économique français constitué à plus de 95 % de PME".

Le CNPF devenu Medef qui voit le nombre de ses adhérents habituels stagner essaye depuis un certain nombre d’années de récupérer des entreprises traditionnellement adhérentes à la CGPME.

Ce qui pourrait expliquer du moins en partie pourquoi les adhérents à la CGPME ont, en ce qui les concerne, la possibilité de "supporter quelques centimes d’euro de charge en plus".

Cette situation est d’autant plus étrange que le Medef qui regroupe principalement les plus grandes entreprises françaises est celui qui accepte des obligations légales que ne supportent pas les petites entreprises.

Alors, pourquoi cette inversion des rôles et ce discours qu’on peut qualifier de durcissement idéologique ?

Il y a fort à parier que, dispensé de loi sur la représentativité, le Medef a décidé une fois de plus de recruter sur les terres des autres organisations.

Qu’ajouter, si ce n’est que le travailler plus et mieux passe par une mobilisation de chacun des acteurs économiques Medef compris. Après avoir demandé et obtenu une loi de modernisation sociale, le Medef par la voix de Laurence Parisot se comporte de plus en plus comme le pire des mouvements corporatistes. A croire (si l’on était naïf) que les salariés, essentiels au bon fonctionnement de l’entreprise sont devenus des nuisibles et des profiteurs.

Mais c’est vrai qu’il est tellement plus facile de plaider pour la "catastrophe économique" que représente l’ISF que pour un coup de pouce à ceux qui se lèvent tôt pour venir travailler. C’est tellement plus facile de déclarer : "la vraie réflexion doit être plus générale, plus globale" : Il faut mettre en œuvre "une politique économique qui booste la croissance (...) qui va permettre une augmentation sérieuse du pouvoir d’achat des salariés, qui ensuite feront leur propre arbitrage. Certains voudront effectivement dépenser un peu plus en essence, d’autres en logement, d’autres pour la garde de leurs enfants, que sais-je..."

En gros et de façon plus triviale, que les salariés se dé… avec le gouvernement, le Medef s’en lave les mains. Mais, Mme Parisot, savez-vous que ce que vous refusez aux salariés serait de toute façon allé aux entreprises dont certaines sont adhérentes au Medef ?

Il semble que non et que la lutte des classe remise au goût du jour par votre prédécesseur soit devenue votre credo.

Les semaines qui viennent nous montreront si le gouvernement qui a su définir avec rigueur les agendas sociaux au détriment des salariés saura faire preuve de la même vigueur face à un Medef qui joue un peu plus chaque jour la carte du toujours plus. Et là, nous avons de très gros doutes.

Mais comme la proposition de Mme Lagarde repose sur le volontariat...


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6 réactions à cet article    


  • Yvance77 9 septembre 2008 11:34

    Ah Madame tête de gondole, que ne ferait elle pas ou ne dirait elle pas pour sauver le petit soldat pipole ou ses troupes dirigeantes.

    Celle dont la pensée profonde se résumera à jamais au travers de cette saillie verbale : la vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?

    C’est une des rares femmes pour laquelle j’ai une réaction épidermique. Elle me révulse tout bonnement, cette Thatcher à la sauce franchouillarde.

    Autant un artisan, un petit patron de p.m.e. sont respectables, autant ce quelle représente avec ses copains du CAC sont à vomir tant ils méprisent tout ce qui fait un peuple.

    A peluche


    • Trashon Trashon 9 septembre 2008 12:52

      J’ai les mêmes réactions que vous à son égard mais sur le point du remboursement des frais d’essence je suis d’accord avec elle ; je ne vois pas pourquoi mon entreprise devrait prendre en charge les déplacements de mon collègue qui décide d’aller vivre à 140 km du boulot.

      C’est une mesure de m***e qui évite de parler de hausse de salaire qui permettrait à ceux qui n’ont pas le choix de la distance domicile / travaille de supporter ces dépenses.


    • pruliere pruliere 9 septembre 2008 15:57

      Si une taxe sur une taxe n’est pas raisonnable aux dires de Parisot, pourquoi ne s’émeut-elle pas du fait que notre contribution à la TVA ait déjà été taxée par l’impôt sur le revenu ?


      • Christoff_M Christoff_M 9 septembre 2008 18:17

         Il me semble que la moitié de la carte de transports est remboursée depuis longtemps !!

         Depuis l’arrivée des menteurs, les démagogues et magogs !! on entend dire sérieusement 12mois de salaire, indemnité de transport, comme si c’était un luxe alors que c’est un acquis depuis longtemps, on nous propose aussi sérieusement un smic pour un DUT...


        • Jean Claude BENARD Jean Claude BENARD 9 septembre 2008 18:50

          Il me semble que la moitié de la carte de transports est remboursée depuis longtemps !!

          OUi en ile de france seulement !!!!


        • HELIOS HELIOS 14 septembre 2008 16:20

          Personne n’est obligé d’aimer mme Parisot ! De mon point de vue peu importe le personnage, que quelqu’un tente de comparer avec mme Thatcher... et c’est une insulte pour l’ex premier ministre anglais, mais elle represente le MEDEF et c’est comme cela qu’il faut la voir.

          Dans ce rôle justement, elle a raison sur le fond du sujet bien que la manière de l’exprimer, volontaire ou non, est déjà un appel a la contestation. Dire que l’entreprise n’a plus un centime a apporter au pouvoir d’achat est une provocation, une honte même dans le contexte principal des entreprises qu’elle represente, toutes plus riches chaque années.

          Donc sur l’aide a apporter au transport, on ne peut que la suivre dans son raisonnement primaire qui consiste a montrer que c’est bien l’état qui maitrise le prix des carburants et qu’en demandant aux entreprises de financer un partie des augmentations de taxes, MMe Lagarde, une autre bonne femme qui a defaut d’avoir des couilles est passée maitre es mauvaise foi.

          Si l’etat veut aider les salariés et par là même toute l’economie nationale, il suffirait qu’il baisse, même lègèrement, la taxe sur les carburants pour obtenir PLUS que le même resultat,c’est a dire obtenir une baisse des coûts de production et une augmentation de pouvoir d’achat.
          Pouquoio faire simple quand on peut faire compliqué me direz vous ? tout simplement que nous sommes rentré dans un mecanisme de competition inter ministeriel où chacun veut appliquer SA taxe.
           
          Une competition suicidaire qui me fait dire qu’il manque dans notre système une sorte de "haute autorité d’arbitrage" qui pourrait être chargée, un peu comme la BCE de valider d’une part l’existence, la valeur et la pertinence des taxes (relatives aux autres).

          Voyez vous, en analysant ce qu’il se passe et en référence a la campagne de Nicolas Sarlozy qui voulait plafonner le taux de prelevement de l’etat sur les français, ce qui est au depart une bonne idée, en a fait une application douteuse avec le "bouclier fiscal". Considerant donc que celui ci s’applique correctement, l’avalanche des nouvelles ponctions "obligatoires" ne touchent donc que ceux qui sont sous le plafond de ce bouclier. Le savant resultat c’est que l’ensemble des prélèvements va donc penalliser tous ceux qui sont en dessous et donc les nouveaux financement et penalisation seront ressenties doublement par les classes moyennes evidement en desous de ce plafond.

          L’exemple pour le carburant est un cas d’ecole... les classes moyennes incluant quasiment toutes la population payent le carburant plus cher, etant taxés par l’etat... et ne toucherons pas d’aides de la part des entreprises, soit parce que l’entreprise ne pratique pas l’aide sait parcequ’ils n’y auront pas droit.

          Bref un vrai piège a con, a croire que le masochisme est devenu la norme puisque j’ai cru comprendre que la cote de Sarkozy etait remontée.
           

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