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Réponse à l’article : « Éducation nationale, témoignage d’un désastre » : l’attrait vénéneux de l’accessoire et de l’ancien

Un rédacteur d’Agoravox, Le Hérisson, a dit son désespoir devant ce qu’il nomme à juste titre « le désastre de l’Éducation nationale » (1). Père de famille, il voit sa fille en classe de Troisième se désintéresser de son travail scolaire. Il a regardé de plus près ce qu’elle apprenait, il en a été horrifié.

 
Le degré zéro de l’Éducation, dit-il.

L’enseignement du français, par exemple, lui apparaît comme « le degré zéro de l’éducation » : « Pour être moi-même journaliste et amoureux de notre langue, écrit-il, je pense également que l’apprentissage du français passe d’abord par l’imaginaire, la créativité, l’art en un mot. Inutile de dire que toutes ces notions, qui me paraissent pourtant indispensables, sont ignorées superbement aujourd’hui : inutile d’apprendre le français en cultivant la créativité d’un élève. Il faut, au contraire, lui faire entrer dans le crâne des histoires de subordonnées et autres conjonctions de je ne sais quoi, que nul auteur, ni écrivain, n’a jamais pris au sérieux ! Ainsi, l’enseignement de la langue française se résume à une histoire mécanique sans intérêt et qui décourage les élèves : le degré zéro de l’éducation, c’est-à-dire l’abandon de toute passion dans ce que l’on fait. »

Il aurait pu ajouter quelques perles tirées du formalisme linguistique qui ravage l’École depuis une bonne dizaine d’années, du genre « didascalie », « texte ancré ou non ancré », « déictiques » ou « connecteurs », qui, dans les sujets d’examens, auraient ravi les petits marquis précieux de Molière, Vadius et Trissotin.

Par temps de dénonciation nécessaire des fautes de l’École qui ont conduit au désastre illustré en partie par le film Entre les murs, chacun vient ainsi avec son cahier de doléances. Et ce qui frappe, c’est l’éventail des revendications qui peut brasser pêle-mêle l’essentiel et l’accessoire, ou l’ancien et le nouveau. Le témoignage ci-dessus n’échappe pas à ce constat.

1- L’essentiel et l’accessoire

Un point essentiel, par exemple, paraît échapper à sa critique : l’administration locale et centrale, avec son service pédagogique, régional et national, est l’organisatrice du désastre. Trop de gens ignorent le rapport de l’OCDE de 1996 intitulé, « La faisabilité politique de l’ajustement » par Christian Morrisson (Cahier de politique économique n° 13). Il faut donc inlassablement le rappeler.

Conformément à l’usage en cas de stratégie inavouable, le titre est incompréhensible d’un non-initié car ce qu’il recouvre doit le rester. «  L’ajustement » en question est la préparation à la privatisation de l’Éducation. « Faisabilité politique » signifie méthode à suivre pour ne pas provoquer la révolte des citoyens. Est donc recommandée une stratégie de ruine du service public progressive, inégale et dispersée sur le territoire pour éviter que les établissements touchés ne puissent faire cause commune.

Il reste que cela n’exonère en rien les professeurs de leurs responsabilités. Leur riposte collective est-elle à la hauteur de l’enjeu ? Évidemment non ! On ignore toutefois que les professeurs qui sont contraints, devant cette inertie, de se battre seuls - car il y en a plus qu’on ne le croit - pour exiger par exemple le respect des règles minimales de vie sociale dans un établissement scolaire et assurer les conditions d’un travail intellectuel, sont impitoyablement combattus, voire sanctionnés. Et l’administration trouve à ses côtés pour cette besogne, non seulement la foule de ses courtisans habituels - dont font partie nombre de parents PEEP ou même FCPE - mais aussi les syndicats de tous bords qui vivent avec elle en bonne intelligence depuis plus de vingt-cinq ans. Le reste du troupeau suit, en voulant surtout ne rien savoir.

2- La nostalgie dangereuse de l’ancien par peur du nouveau

La nostalgie de l’ancien - surtout enjolivé comme l’est toujours « le joli temps passé » - n’est pas moins pernicieuse. C’est un réflexe de défense contre un présent qui déconcerte ou répugne. On est étonné qu’un journaliste en appelle à des usages anciens pour l’apprentissage du français. La créativité d’un élève ne peut-elle donc pas s’exprimer autrement que dans le culte de l’imagination livrée à elle-même ?

Le siège médiatique dont chacun est l’objet aujourd’hui, pourrait pourtant servir de ligne de conduite directrice dans un contexte à la fois d’apprentissage de la langue française et de la citoyenneté. Si on admet qu’un citoyen - à la différence d’un sujet - est celui qui apprend à se former librement une opinion pour pouvoir l’exprimer aussi librement, ne voit-on pas tout de suite le cadre dans lequel devrait s’inscrire l’apprentissage du français ? « La relation de l’information » - entendue dans les deux sens du terme : énoncé de la représentation d’un fait et cadre interactif entre émetteur et récepteur à qui cet énoncé est transmis - devrait être l’axe de cet apprentissage. On n’a pas trop d’une dizaine d’années pour étudier les contraintes qui s’exercent sur l’information et les stratégies mises en œuvre pour obtenir une adhésion.

Les maîtres de la littérature ? Des maîtres de l’information !

Est-ce à dire, s’effraieront certains, que la littérature serait exclue de cet apprentissage ? Pas du tout, au contraire ! Le texte littéraire est le produit le plus achevé qui soit d’une science consommée de l’information maîtrisée par un auteur. Un exemple ? On peut prendre n’importe quel auteur. La poésie est-elle autre chose qu’un usage de procédés d’expression qui s’adressent plus à « l’exigence d’irrationalité » de l’individu (« le cœur » de Pascal) qu’ à son « exigence de rationalité » (« la raison » de Pascal)  ? On les retrouve dans l’analyse des mots comme dans celle de l’image, qu’elle soit tableau de peinture, photo ou publicité. Et la créativité de l’élève peut trouver amplement où s’exprimer intelligemment. 

On en doute ? Il suffit de prendre les « Fables » de Jean de La Fontaine. Mais il est vrai que telles qu’elles sont enseignées aujourd’hui, cela peut surprendre. Et pourtant quel fantastique réservoir d’exemples pour illustrer « la relation d’information » que les hommes entretiennent entre eux depuis toujours ! S’est-on jamais interrogé sur la première d’entre elles, La Cigale et la Fourmi ? Sait-on qu’elle pose en ouverture du recueil « le principe fondamental de la relation d’information » qui régit, dans les 250 et quelques autres fables, les cas de figure de relation d’information qu’elles mettent en scène ? Mais l’École ne l’apprend pas, pas plus que les écoles de journalisme !

Au lecteur, s’il le veut, d’essayer de le deviner et de faire preuve tout de suite de créativité ! Par charité, on consent à le mettre sur la voie. La Fontaine l’y aide en l’invitant implicitement à comparer par exemple cette première fable avec celle qui suit Le Corbeau et le Renard. Qu’est-ce qui oppose les deux personnages parasites ? La Cigale n’obtient pas ce qu’elle demande, et le Renard obtient ce qu’il ne demande surtout pas. Pourquoi ? Quel "principe fondamental de la relation d’information" est ici magistralement illustré ?

On peut donc, comme on le voit, exercer sa créativité utilement sans qu’il soit besoin de jouer au « poète ». Une école républicaine n’a pas pour mission de fabriquer des « poètes », d’autant que, dit-on, on naît poète, on ne le devient pas ! N’importe-t-il pas avant tout qu’une école en démocratie apprenne prioritairement à ses futurs citoyens à se former librement une opinion ? Or, puisque les médias l’assiègent, ne lui faut-il pas connaître les procédés d’expression (souvent poétiques, mais pas seulement) qu’ils emploient pour obtenir souvent à son insu son adhésion à une idée, un homme, une femme ou un produit. À défaut, ne risque-t-il pas d’être ravalé au rang de vulgaire sujet, condamné à n’être que « la voix de son maître » ?

Cette prise de conscience du désastre scolaire peut, on le voit, conduire au meilleur ou au pire si on confond ou non l’essentiel avec l’accessoire et que par peur du nouveau on reste ou non nostalgique de l’ancien qui a pourtant conduit en partie au désastre dénoncé. Paul Villach

(1) Paru sur Agoravox le 22 octobre 2008.

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16 réactions à cet article    


  • Voltaire Voltaire 28 octobre 2008 12:16

    @l’auteur

    Il est tout d’abord regrettable que vous resortiez de façon si erronée cette histoire d’un article paru dans une publication de l’OCDE : comme je vous l’avez indiqué précedemment, cet article n’avait pas pour sujet l’éducation mais les réformes dans les pays en voie de développement, et aucune publication de la direction de l’éducation de l’OCDE n’a jamais suggéré de privatiser l’enseignement à ma connaissance.
    Pour en savoir plus sur ce Mr Morrisson, voir http://www.eudnet.net/download/CVs/CV_Morrisson.pdf , qui indique que ce monsieur a été, il y a 20 ans, le responsable de la division développement de l’OCDE et ne connait rien à l’éducation...

    Sur le fond maintenant, vous avez en revanche raison de pointer du doigt le langage abscon de celle-ci, notamment de son langage soi-disant pédagogique. Ceci n’aide évidemment pas les élèves à acquérir des notions pourtant souvent simples (voire même peut perdre dans un brouillard vocabulistique le professeur le mieux intentionné...).

    Mais les enseignants disposent des outils nécessaires pour permettre aux élèves d’exprimer leur imagination tout en cultivant la langue : la rédaction en est le plus représentatif exemple. Encore faut-il que ces même enseignants acceptent de noter cet exercice de 0 à 20 et non de 5 à 15, le 20 devant être l’excellence pour un élève de troisième et non l’excellence dans l’absolu.


    • Cher Paul Villach
      Bien vu bien dit ! Quel désastre...et quel lamentable descente


      • Le Hérisson Le Hérisson 28 octobre 2008 14:53

        A l’auteur,

        Merci de cette longue réaction à mon article de mercredi dernier.

        Je dois vous indiquer que le terme "horrifié" que vous employez dans le chapeau de l’article est tout de même un peu fort.
        Disons que ma fille s’intéresse, par exemple, au Français, et que je suis "désastré" par le fait que l’enseignement qu’elle reçoit, non seulement, ne la conforte pas dans son plaisir d’écrire (et elle écrit bien ! pas en langage texto...) mais, de plus, la dégoûterait plutôt.

        Fort heureusement, elle s’accroche et a malgré tout des notes plutôt bonnes. Mais quand un élève qui s’intéresse au Français (ainsi que ses camarades les plus proches) se retrouve, paradoxalement, dégouté de l’enseignement de ce qu’il aime, qu’en est-il pour les autres ???

        Enfin, l’article ce jour même, "lettre d’un directeur d’école qui rentre en résistance", complète d’une certaine manière mon propos. Il explique, vu de l’école cette fois et vu des enseignants, comment le système tout entier marche sur la tête et finit par désespérer tout le monde, les élèves, les parents et même les enseignants !


        • Paul Villach Paul Villach 28 octobre 2008 15:14

          @ Le hérisson

          D’accord avec vous ! J’ai vu ce découragement chez les élèves des autres classes.

          Mais j’ai vu aussi l’enthousisame que suscitait chez mes propres élèves ma proposition d’organiser l’enseignement du français autour de la notion de "relation d’information", avec étude de "l’information par l’image" à Venise.

          Seulement, j’ai déclenché un tir de barrage de mes propres collègues eux-mêmes, complètement décontenancés et dépassés . L’administration-voyou en a profité pour tout casser ! Et elle a réussi ! Paul Villach


        • Pierre 28 octobre 2008 17:44
          Quel mal y a-t-il à apprendre la grammaire, à moins que je ne saisisse pas quelque chose dans cette polémique ? Durant l’excellente instruction secondaire que j’ai reçue, au cours des années soixante, nous avons systématiquement étudié tous les types de subordonnées et bien d’autres choses encore et je puis certifier que nous n’en sommes pas morts, que ça nous intéressait et que ce fut l’UNE des voies de notre apprentissage de la langue écrite et de la pratique de l’écriture. La pratique intelligente et cultivée de l’écrit ne peut que bénéficier d’un savoir explicite des structures grammaticales qui ordonnent notre langue.
           
          Quant aux concepts sémantiques d’expression déictique, de connecteur, etc., je suis d’accord qu’ils ne devraient pas entrer en jeu dans l’enseignement primaire ou secondaire du français (les notions de la grammaire traditionnelle sont tout à fait suffisants à ce niveau). Ce sont, cependant, des concepts fort utiles qui appartiennent à la théorie sémantique des langues naturelles et artificielles (par exemple, les idéographies utilisées en logique mathématique) et à la philosophie du langage développée par les travaux logico-sémantiques de Gottlob Frege, Ludwig Wittgenstein, John Austin, John Searle et bien d’autres (en France, par exemple, par des philosophes tels que Jacques Bouveresse et François Récanati). Ce ne sont nullement des préciosités. Là-dessus je me trouve en désaccord profond avec Paul.

          • Paul Villach Paul Villach 28 octobre 2008 18:16

            @ Pierre

            Je ne conteste pas, Pierre, que des érudits trouvent dans ces concepts matière à préciser les objets qu’ils étudient. Je fais seulement deux observations :
            1- Ils ne sont nullement utiles dans un apprentissage initial. Et vous le reconnaissez.
            2- Je déplore seulement que le "tout linguistique" issu du "tout langage" à la mode depuis la fin des années cinquante ait fini par constituer une sorte de "bulle spéculative" qui ne rend pas compte de "la relation d’information", telle qu’elle a pu être explorée de manière autrement plus féconde par l’École de Palo Alto (Bateson, Watzlawick, etc.) Paul Villach


          • Pierre 28 octobre 2008 20:53

            Fort bien : nous sommes donc d’accord sur mon deuxième point.
            Mais, selon vous, la grammaire traditionnelle a-t-elle une place dans l’enseignement qui est censé former les élèves à la pratique de l’écrit (mon premier point) ?


          • Paul Villach Paul Villach 28 octobre 2008 21:00

            @ Pierre

            Et comment ! Impossible d’enseigner Latin, Grec ou Allemand sans une solide base en grammaire ! Et en même temps Latin et Grec permettent d’assimiler la grammaire plus facilement. PV


          • Pierre 29 octobre 2008 20:20

            Paul, je vous remercie de vos réponses.


          • ninou ninou 2 novembre 2008 13:40

            Pour faire simple...
            Un connecteur est un mot (ou une expression) utilisé comme liaison au sein d’une phrase complexe ou d’un texte. Il existe des connecteurs logiques, temporels.... On pourrait dire "mots de liaison" (soudain, mais, ensuite, car...)
            Un déictique c’est un mot (ou une expression) utilisé pour insister sur l’espace (ici, là-bas, près de...) les choses dont on parle (ceci, cela, ce, cet...)...le temps (depuis trois jours, aujourd’hui).
            Les deictiques sont parfois aussi des connecteurs...

            Si les linguistes ont inventé ces nouvelles catégories, c’est parce que les catégories grammaticales ne recouvraient pas la même chose. Ici, on se place plus au niveau du sens. 
            Ce sont donc des outils de spécialistes.

            Ils ne remplacent pas la terminologie grammaticale. Ils ont un autre usage.

            S’il est faux de prétendre qu’il sont indispensable à toute personne qui voudrait apprendre à s’exprimer et à ecrire correctement, ils peuvent néanmoins servir (ponctuellement), en classe, à s’arrêter sur des procédés d’écriture.
            A mon avis, en aucun cas ils ne devraient être un sujet d’apprentissage en eux-mêmes !
            Avant de vouloir faire de nos enfants des mini-linguistes, il conviendrait de s’assurer qu’ils comprennent ce qu’ils lisent... S’il ne comprennent pas ce qu’ils lisent, cette terminologie (qui donc, ne sera pas éclairée par l’expérience) ne sera qu’un obstacle de plus à la compréhension...


          • Picospin 28 octobre 2008 18:23

            Qu’est-ce que l’homme doit faire des langues ? Les parler ?

            Il est difficile sinon impossible de déterminer les causes des méthodes d’apprentissage du Français tel qu’il est enseigné dans les classes de l’école de la République. Il est d’autant plus laborieux de se livrer à l’enquête susceptible de déterminer les raisons pour lesquelles les enseignants de cette matière se confinent dans un chenal étroit d’où en particulier toute tentative par l’élève de se livrer à l’invention, à libérer son imagination, à adopter un style personnel est considérée comme dangereuse pour lui – mais peut-être surtout pour le professeur – et partant inefficace. Ne faudrait-il pas commencer par redéfinir les objectifs de cet enseignement au 21è siècle à la lumière des changements sinon des bouleversements qui sont intervenus dans l’utilisation de la langue française. Est-ce que quelqu’un s’est déjà intéressé à la question de savoir quelles sont les relations actuelles des diverses langues entre elles ne serait-ce que par exemple celles qui ont cours entre l’anglais, langue devenue universelle et obligatoire pour quiconque s’apprête à jouer un rôle dans les sociétés du monde, et le Français, langue vernaculaire dont l’occurrence se positionne bien loin derrière la première même si elle reste appréciée par les intellectuels, les littéraires, l’ensemble de la communauté francophone dans le monde qui est encore loin d’être réduite à sa plus simple expression. L’Afrique, le Québec, certains pays du Moyen Orient sont encore là pour en témoigner. Les critères d’efficacité qui permettent d’évaluer le travail des enseignants dans cette discipline n’ont pas été correctement établis. A quoi sert cette langue ? Est-il nécessaire la bien maitriser ? Si oui, pour quelles raisons ? Dans cette interrogation à prismes multiples entrent des considérations comme la clarté des exposés et des discours, la précision des définitions, la capacité à présenter un exposé aussi condensé que possible, toutes conditions qui n’avaient pas encore cours au cours des derniers siècles tout simplement parce que comme dirait Kundera, nous étions encore au temps de la lenteur et que nous avions décidé de prendre le temps de vivre. L’accélération de l’histoire étant intervenue de façon péremptoire, les outils de travail et de communication ont du régler leurs montres et battre à une autre échelle au 21è siècle qu’à celles de années passées. Est-ce que quelqu’un a jamais examiné cette nouvelle relation au temps et étudié la manière d’adapter le langue, son expression, ses rythmes, son expression et son articulation au rythme du jour ? Il n’est que d’écouter la prononciation si populaire parmi les plus jeunes pour se rendre compte de la réalité de cette rupture culturelle, prompte à éroder les déclamations des comédiens du Français, à déchiffrer les commentaires des hommes et femmes de télévision, à discerner les dialogues de ce que l’on appelait auparavant le cinématographe. Comme dirait un Ministre des Sports dont le Français ne représente pas la tasse de thé puisque cette dernière reste irrémédiablement attachée au Rugby anglais, il faut s’occuper des fondamentaux avant de passer aux combinaisons géniales entre arrières et trois-quarts. Reste qu’au delà de ces « figures imposées » comme dans le patinage artistique, il s’agit d’exercer son esprit esthétique, artistique, imaginatif pour créer, pour cultiver la beauté, lui rendre hommage chaque jour à l’occasion de tout écrit, de tout discours, de toute conversation pour témoigner de la chance de posséder un mode d’expression revêtu des plus beaux ornements. C’est à nous tous, aux nouvelles générations à les conserver aussi longtemps que possible, jusqu’à épuisement d’un langage qui, dans le cycle de l’histoire sera un jour supplanté sinon remplacé par un autre.

             

             


            • anny paule 28 octobre 2008 18:38

              Je retrouve, dans le propos de Paul, bien des éléments de ma propre carrière de prof de lettres modernes...

              Un IPR de lettres, venu vérifier la qualité de nos enseignements, dans le courant des années 80 (L’affaire n’est donc pas nouvelle !), m’avait expliqué que notre enseignement ne consistait pas à développer l’esprit critique, l’imagination et la créativité des élèves qui nous étaient confiés (cette année-là, à partir de l’étude de textes "classiques", aujourd’hui "démodés", j’avais lancé, avec une classe de quatrième, un "écrit long"... c’est-à-dire, l’écriture d’une "nouvelle" en enchaînant et mettant bout à bout les différentes compositions françaises), mais à "conformer ces élèves à des normes".
              A ma question, concernant ces normes, leur origine et leur but... je n’avais obtenu aucune réponse...

              Quelques années plus tard, confrontée à certaines difficultés d’enfants de sixième dont je devais assurer la "remédiation" (ils n’étaient pas mes propres élèves), ma surprise fut grande lorsqu’un "bout de chou" me demanda, en toute innocence : "Mais alors, madame, c’est cela qu’on appelle la "reprise anaphorique" ? 
              Ces mêmes élèves étaient capables d’écrire : "adjectif du verbe être" sans se poser la moindre question... Ils connaissaient des "mots", des termes grammaticaux, mais ils ne comprenaient pas le fonctionnement de notre langue...
              La collègue responsable de la classe en question, interrogée sur la terminologie qu’elle utilisait en cours, m’avait répondu que "c’était dans le manuel" qu’elle l’utilisait...

              Je pense que nous marchons sur la tête ! Les apports de la linguistique ne sont pas à ignorer, certes, mais il est des moments où le principe de réalité doit primer ! On peut se "faire plaisir" en les utilisant, ponctuellement... mais ils ne constituent en rien un principe de base... Il ne convient pas, dans une classe, de faire état de sa culture, mais de faire en sorte que les élèves aient envie de savourer notre langue, de se l’approprier, (et cela ne permet pas de réléguer nos Auteurs, bien au contraire !) afin de devenir capables à leur tour d’en faire bon usage, d’être "exemplaires"...

              Enseigner doit être un partage... 


              • srobyl srobyl 30 octobre 2008 14:40

                Entièrement d’accord avec votre propos : se demander si les notions grammaticales sont utiles ou non est un faux problème : bien entendu qu’elles le sont, et même nécessaires ! mais tout est dans la façon et le moment de les introduire, et ceci n’est pas et n’a pas toujours été fait dans un esprit qui tient compte de l’intérêt de l’élève. Obnubilés par les buts à atteindre en terme de résultats, les enseignants, autrefois surtout, s’évertuaient à établir des "bases" solides : on devait ingurgiter règles de grammaire et analyses de phrases (dont le sens échappait à l’élève la plupart du temps). En somme, ce qu’on voulait, c’est que les enfants se plient au sévère apprentissage de la structure de la langue, il serait temps plus tard de savourer des textes (et bien officiels, SVP) et d’en produire. je pense qu’on en est plus là aujourd’hui et que bon nombre de profs de français savent "accrocher" les élèves, en ne privilégiant pas trop la forme au détriment du fond. Certes", il convient aussi d’étudier rigoureusement la grammaire, mais dans les classes de collèges notamment, il ne faut pas que cette étude, agrémentée de vocabulaire d’une cuistrerie "iuèfèmesque", étouffe l’enthousiasme des élèves.


              • Hieronymus Hieronymus 28 octobre 2008 20:34

                Ca vient quoi faire la photo avec la gonzesse flashee par les paparazzis sur tapis rouge ?
                je vois pas le rapport avec l’article (suis con ou quoi ?)


                • Paul Villach Paul Villach 28 octobre 2008 20:53

                  @ Hieronymus

                  Juste de quoi exercer votre créativité !
                  Cette photo symbolise le siège médiatique avec Mme Ferrrari, oracle de TF1.
                  En dessous vous avez une autre photo, celle de Topaze (Fernandel) dans une classe d’autrefois.
                  Selon moi, le savoir dispensé aujourd’hui à l’École ne tient pas compte du siège médiatique. PV


                • bof 29 octobre 2008 10:19

                  Un nouveau concept ?
                  C’est quoi le ’siège médiatique’ ?

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