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Accueil du site > Tribune Libre > Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle nous lasse (...)

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle nous lasse !

Elle l’a annoncé haut et fort, elle interrompt sa saison natatoire. Laure Manaudou fait l’actualité en déclarant qu’elle ne fera rien ou plutôt autre chose que nager durant l’année à venir. C’est pourtant la natation, le thème qui devrait faire parler d’elle. Mais dans un monde de m’as-tu-vu, seuls les sourds et les aveugles échappent au déferlement du vide.

Communiquer sur ce que l’on ne fera pas, d’autres l’on fait avant Manaudou. Rachida Dati en ne donnant pas (dénonçant pas diront certains) le nom du père de sa fille, mais se confiant longuement sur sa non déclaration, Laporte en se répandant sur le fait qu’il n’était pas le père, Rama Yade en ne se présentant pas aux élections européennes et déclenchant de ce fait une nouvelle polémique. Donc, révéler l’essentiel sur un non événement est devenu un mode de communication primordial pour rester dans la course médiatique.

 Après la farce des derniers Jeux Olympiques où elle a fait plouf, la vidéo passée en boucle de ses performances hors de l’eau, arrive l’ultime non événement : la vraie photographie dans le journal L’Equipe d’une fausse Manaudou à « l’insu de son plein gré » ! Et la fausse Manaudou de se justifier devant caméras et micros en disant qu’elle n’y est pour rien et paradoxalement voulant témoigner pour préserver son anonymat. Pour une fois que la nageuse n’a pas « glissé dans la piscine » on ne peut que lui jeter des fleurs. Cet incident n’a donc créé qu’une petite tempête en eaux troubles dans le grand bassin.

Le fait d’occuper les médias même et surtout quand on a rien à dire est devenu incontournable, c’est l’unique moyen de continuer à exister pour ceux et celles qui sont à cours d’arguments percutants. Dans cet ordre d’idée que n’entend-on hélas, les deux Lévy (Marc et Bernard-Henri) et Philippe Djian nous attester qu’ils n’écriront plus rien, promis juré. (A propos de ce dernier pseudo écrivain, il faut lire avec plaisir la critique de son dernier livre par Yann Moix dans le Monde de vendredi dernier, un bijou intitulé une jolie daube hivernale !).

Trop, hélas parmi ceux qui ont un minimum de notoriété, ou même une célébrité certaine ne peuvent s’empêcher de déclarer qu’ils n’ont rien à dire pour continuer à durer.

La presse et la télévision nous montre la neige en hiver, la rentrée scolaire en septembre, les embouteillages sur les routes des vacances au mois d’août. De quoi nous habituer à de lénifiants poncifs, à entendre sans écouter le ronronnement du poste. Bref, œuvre pie soit dit en passant que ces informations qui n’en sont pas, car du fait de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, ce genre de pseudo nouvelle nous laisse le loisir d’aller aux toilettes ou de faire la vaisselle avant le début du film, sans avoir raté grand-chose de l’information essentielle.

Comment parler pour ne rien dire ? L’exercice est fastidieux et pas si évident qu’il n’y paraît de prime abord. D’ailleurs beaucoup se sont cassé le nez dans ce genre d’exercice de style. Coluche l’avait bien remarqué dans son sketch sur les sources « bien informées  », celles qui annoncent d’un ton docte que « le président a descendu trois marches pour accueillir son homologue. Car à deux marches, il est tout juste poli, et s’il reste sur le perron, il fait vraiment la gueule ! » On a eu droit aux mêmes plans fixes sur une foule qui attend entre deux temps morts et à des commentaires d’une platitude navrante lors de la cérémonie d’investiture et de la prise de serment d’Obama. Heureusement, j’ai rapidement déserté la retransmission pour aller faire un tour, mais j’ai retrouvé les mêmes truismes sur d’autres chaînes ou sur Internet le soir venu. De quoi vous inciter à regarder la chaîne satellitaire du Qatar d’Al Jazeera dans sa version anglophone pour ceux qui maîtrisent mal l’arabe et qui espère une autre information.

Mais revenons au sport. Déjà en 2000, Marie-José Pérec était suivie et même poursuivie, harcelée si l’on en croit ses dires, quand elle ne courait pas. Le fait de ne pas participer était un événement pour la presse spécialisée qui en oubliait de parler de ses rivales qui s’alignaient pour de bon sur la piste, reléguant les trois médaillées au rang d’anecdote secondaire. A l’époque où l’éthiopien Hailé Gébré Selassié commençait à gagner toutes ses courses, Radio France Internationale abreuvait ses auditeurs d’interviews de sénégalaise ayant renoncé à se présenter pour cause de méforme sur la ligne de départ et de togolais ayant terminé septième d’un quart de finale. Complaisance au nom de la francophonie, évidement, mais il est bien regrettable d’être obligé de passer sur Arte vers 23 heures pour apprendre quelque chose sur les coureurs de fond kenyans ou les marathoniens éthiopiens quand on apprécie le sport de haut niveau.

Pourtant, exister pour ne rien dire n’est pas donné à tout le monde. Seul Jean-Luc Godard est capable de sorties aussi inutiles, abscondes et amphigouriques que : « Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé » ou encore « Je veux parler de ce quoi je ne sais pas parler ! ». Il frise un génie que n’atteindront jamais nos politiques, même si certains font un effort que l’on peut qualifier de remarquable. Jean Claude Van Damme après avoir subi les moqueries relatives à ses propos ahurissants et subliminaux a finalement créé un filon payant fait d’auto dérision et d’introspection en développant le concept be aware ! Mieux, il a entraîné une réflexion sociologique très pointue sur la philosophie du néant (voir Initiation à l’ontologie de Jean-Claude Van Damme ou le concept Aware, la pensée en mouvement par David Vandermeulen).

Dans ce genre d’élucubrations, ce qui en satisferait plus d’un, serait Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal faisant un communiqué commun pour nous assurer qu’ils ne diront plus rien, ou du moins ne feront plus qu’une seule déclaration hebdomadaire, restons raisonnables, on ne peut les sevrer d’un coup. Mettre en relief des mots creux n’est pas donné à tout le monde, mais bien fait, cela frise les beaux-arts. Certes Ségolène nous fait très souvent du Van Damme, mais elle a du mal à tenir la distance avec ce maître. Quant à Sarkozy, sa logorrhée obsessionnelle, sorte de diarrhée verbale intarissable, ne le laisse pas à l’abri d’une phrase creuse, aussitôt remplacée par un nouveau concept avant que l’auditeur ait eu le temps d’en apprécier la portée ou son absence.

N’ayant aucune célébrité, je ne peux personnellement créer d’émoi en affirmant sur un ton péremptoire ou larmoyant, c’est selon le public que je voudrais atteindre, que je ne publierais jamais rien sur les Romanov ou que c’est fini, juré, après le peu d’échos à mon article sur le brie, je n’écrirais plus jamais rien sur les fromages. Si j’étais un tant soit peu connu, je ferais bien sûr un come back quelques jours plus tard en précisant, les fromages en général, certes j’arrête, mais tout de même pas pour le morbier ! Mais si j’étais un minimum célèbre, ce genre d’affirmation relancerait pour sûr l’intérêt qu’il sied que l’on me porte.

L’art de parler pour ne rien dire –Anthologie de monologues fumistes de Françoise Dubor devrait devenir le livre de chevet de bien de ces têtes pensantes qui ont envie d’exister dans les médias. Hélas, l’ouvrage est resté confidentiel. L’animal politique d’Aristote découvre le droit de parler pour dire. Le philosophe ne nous informe pas cependant s’il à le droit, le devoir ou l’obligation de dire n’importe quoi.


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23 réactions à cet article    


  • Fergus fergus 26 janvier 2009 10:10

    Manaudou n’est pas un sujet. Capricieuse, puérile et plutôt antipathique, cette fille m’a personnellement toujours laissé indifférent. Mieux vaut, en natation, s’intéresserà des filles attachantes et sympthiques comme Malia Metella.


    • Gül 26 janvier 2009 10:32

      Bonjour Georges,

      Rien que le titre m’a fait mourir de rire...

      Superbe analyse sociologique, pleine de finesse et de cet humour cynique que vous maniez si bien !

      Merci beaucoup, une vrai morceau d’anthologie !!

      Cordialement.


      • Fergus fergus 26 janvier 2009 10:45

        Sur le titre, "la cruche à l’eau", d’accord avec Gül, c’est excellent.


      • le pen la vie la vraie 26 janvier 2009 13:47

        titre honteusement pompé au génial jean-jacques Peroni ("tant va la cruche à l’eau qu’à la fin ma femme elle est mouillée")
        attention les gars, vous virez "grosses têtes" !


      • Sandro Ferretti SANDRO 26 janvier 2009 10:36

        Doc,
        Pour une fois, je ne vous suis pas, sur le terrain glissant des naides.....
        Car j’avoue un faible pour Laure Manoudou, du moins lorsqu’elle ne parle pas, car j’admets que le terme cruche n’est pas usurpé.
        Mais tout de méme,elle a des arguments...silencieux.


        • LE CHAT LE CHAT 26 janvier 2009 10:55

          c’est Jospin qui a lancé la mode en 2002 avec son retrait de la vie politique ! smiley


          • Tartiflette Tartiflette 26 janvier 2009 12:21

            On peut aussi beaucoup écrire pour ne rien dire, ce que démontre cet article. Excellent ! smiley


            • Lapa Lapa 26 janvier 2009 13:38

              Bravo à l’auteur pour cet article ; c’est toujours un plaisir de le lire.


              • Yohan Yohan 26 janvier 2009 18:48

                Je préfère "Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se noie" Car c’est de ça qu’il s’agit. A force de tirer sur la corde....


                • Fergus fergus 26 janvier 2009 19:29

                  Et encore n’avons-nous pas abordé le secret de ses performances passées...


                  • Georges Yang 26 janvier 2009 21:49

                    Le voyeurisme n’est pas le thème de l’article


                  • italiasempre 26 janvier 2009 20:45

                    Bonsoir Georges smiley
                    Article très sympa, enfin pas pour Manaudou, mais c’est drôle et elle l’a bien cherché...
                    Il serait intéressant de connaitre les ventes réalisées par L’Equipe et savoir, en dehors de ses lecteurs habituels, plus ou moins combien de gens ont payé pour lire ce non-événement.


                    • Georges Yang 26 janvier 2009 21:52

                      Dans son dernier article, Sandro concluait par les Italiens parlent trop !
                      Il n’y a pas qu’eux, loin de là.


                    • italiasempre 27 janvier 2009 07:55

                      Humm smiley , vous voulez dire qu’il y a les italiennes aussi ?
                       


                    • Georges Yang 27 janvier 2009 11:03

                      Point n’est là mon intention !
                      Les Italiennes , on les écouterait des heures sauf quand elles deviennent épouses de président


                    • italiasempre 27 janvier 2009 12:55

                      Excellente repartie ! smiley
                      Je n’ai pas mieux d’autant plus que je suis d’accord avec vous...sauf quand s’appelle Veronica  smiley


                    • claude claude 27 janvier 2009 00:18

                      foutez lui la paix à la petite laure !

                      ce n’est certes pas une lumière, mais il y a de quoi être déstabilisée quand on arrive, après des années d’entrainements intensifs, dans la lumière des projecteurs des médias. il y avait de quoi griller bien des réputations !

                      à 21 ans, elle avait pratiquement tout gagné dans ses disciplines de prédilection.
                      elle a l’un des palmarès les plus fournis et les plus élogieux parmi les sportifs mondiaux, toutes catégories confondues...

                      nous faisons de nos sportifs des demi-dieux tant qu’ils gagnent, pour mieux les brûler après...

                      ce n’est pas elle qui est allée chercher les médias poeple... elle s’est contenté d’essayer de vivre la vie de "mademoiselle tout le monde ayant un petit coeur d’artichaud"...

                      je me demande ce que les pères-la-morale auraient fait à sa place... mais on ne le sait pas, car ils ne nagent que dans leur baignoire...

                      et puis de toutes façons, elle n’a plus rien à prouver...ne plus parler d’elle est le plus grand service à lui rendre...  smiley


                      • claude claude 27 janvier 2009 00:23

                        ps : petit résumé de ses compétitions ... elle peut se permettre de péter un câble !

                        Palmarès • Championne olympique (3 médailles)
                        • Triple championne du monde (6 médailles)
                        • 17 fois championne d’Europe (24 médailles)
                        • 55 fois championne de France (78 médailles) Records Grand bassin : • records de France du 50 m, 100 m et 200 m dos ; du 200 m, 400 m, 800 m et 1500 m NL ; du 4 x 50 m 4N






                      • Fergus fergus 27 janvier 2009 08:50

                        On s’en fiche du palmarès, Claude. Mieux vaut une championne régionale sympathique qu’une championne internationale capricieuse et sotte. 


                        • Halman Halman 1er février 2009 13:35

                          Fergus, tais toi et fais en autant on en reparlera !


                        • kaykhanittha kaykhanittha 27 janvier 2009 11:29

                          Pourquoi encore parler d’elle c’est vrai ?



                          • Halman Halman 1er février 2009 13:32

                            Un amalgame de tout et n’importe quoi Georges.

                            Ne savez vous pas que quelque soit son âge, sa spécialité, quand on compresse un être comme un citron arrive toujours un moment où il n’en reste plus rien ?

                            Chacun a un certain potentiel qui différe pour chaque personne.

                            Certains tiennent le coup toute une vie et d’autres sont totalement vidés, plus possible d’en obtenir quoi que ce soit en quelques années. Des infirmières supportent jusqu’à la retraite, d’autres sont totalement épuisées en 10 ans.

                            C’est une des formes de dépression.

                            Cela peut parfaitement bien vous arriver demain comme jamais.

                            C’est tellement facile de critiquer les gens qui craquent mais se mettre à leur place est une autre affaire.

                            Le burn out ça peut arriver à tout le monde n’importe quand sans prévenir, et on ne peut rien y faire, ni les antidépresseurs ni les psys ni remettre les pieds à l’étrier ne fonctionnent.

                            Le seul remède, tout arrêter et lui foutre la paix, plus on lui remettra ça dans la gueule (je fais exprès quelques fois d’être vulgaire) plus elle sera incapable de s’y remettre sans en être malade.

                            Les seuls responsables sont les journalistes et le public qui l’ont starisée et lui ont mis une pression beaucoup trop forte. Vous seriez surpris de savoir que si les journalistes fouillaient dans la vie privée de ses copines de bassins ils découvriraient aussi forcement de drôles de choses.

                            Quand on se focalise sur une personne, alors ne pas s’étonner qu’un jour le faisceau qu’on dirige sur elle la crame. Comme un morceau de papier qu’on met sous un verre de loupe au soleil.

                            Et le Lucas de l’avoir sursaturée de travail. On connait tous des parents, des mentors qui ont sursaturé de travail leur progéniture et leur élève. On voit le résultat, ça finit chez le psy.

                            Si ses copines de bassins supportent sans problème, et bien tant mieux pour elles. Ce n’est pas pour ça qu’il faut charger la mule jusqu’à ce qu’elle s’écroule.

                            Elle a aujourd’hui besoin de vivre sa vie, vie qu’elle n’a pas eu pendant des années, son psychisme la ratrape, c’est aussi simple que ça.

                            La critiquer est faire preuve de manque total de psychologie et de connaissance de ce genre de problème.

                            J’espère pour eux que vous n’avez pas la même opinion de vos collègues qui craquent...


                            • Fergus fergus 1er février 2009 17:57

                              Qu’une athlète craque, c’est en effet compréhensible, eu égard à la pression, et ne doit pas se retourner contre elle. Mais le cas de Manaudou est différent : contrairement à la plupart des autres nageuses, elle a toujours été désagréable et peu sympathique.
                              Nettement moins toutefois que Marie-Jo Pérec que je côtoyais à Charléty lorsqu’elle avait 14 ans et qui était déjà une insupportable petite peste.

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