Islamisme opposant et islamisme régnant

Comme des paroles prophétiques opportunément ressuscitées, on peut lire dans l’entretien accordé par Tahar Djaout à la BBC, trois jours avant l’attentat islamiste qui lui coûta la vie, ces mots : “C’est (l’islamisme) l’expression paroxystique de cette idéologie (du pouvoir).”

Évoqués seize ans plus tard, les faits d’actualité les confirment. En prolongement de la campagne de fermeture des établissements des débits de boissons, conduite depuis deux ans par les autorités, le GSPC vient de s’attaquer à nouveau aux propriétaires de bar et d’en assassiner probablement les deux premiers d’une nouvelle série.

On se souvient qu’au cours de “la décennie noire” — la première, parce qu’à l’évidence la suivante n’est pas plus rose —, les cibles politiques du discours officiel (les laïco-assimilationnistes, les francophiles, les communistes…) ne différaient pas tant des cibles physiques des groupes islamistes.

Expliquant que l’intégrisme n’est que l’excroissance du régime, Djaout rappelle que, par rapport à “la constitution élaborée par le FLN qui stipule que l’islam est religion d’État, il est évident que les islamistes, dans leur logique, ne demandent que l’application de cet article”.

Si le pouvoir a, depuis le début, consenti à habiller une idéologie intégriste d’une constitution pseudo-républicaine, le zèle qu’il met à en appliquer la rigueur religieuse dépend de la conjoncture.

Aujourd’hui, le choix d’une convergence avec l’islamisme radical qui, déjà s’est concrétisé sous forme de “Charte pour la réconciliation nationale”, s’expose ostensiblement à travers les campagnes de moralisation qui mobilisent les institutions sécuritaires et judiciaires. Tout récemment, le Chef du gouvernement a très franchement exprimé cette option théocratique en proclamant que le Coran était la Constitution de “la société algérienne”.

Ce n’est pas un hasard si la résistance au terrorisme islamiste, avant qu’elle ne fût complètement interrompue par “la réconciliation nationale”, était l’expression d’un attachement à la République et aux libertés. Souvenons-nous que le refus de porter le hidjab, l’enseignement du français et les comportements “déviants”, comme la consommation d’alcool, la connexion aux chaînes de télévision satellitaires (dénoncée encore récemment), ont constitué pour le GIA des motifs d’assassinat.

Ils ont de ce fait, et par réfutation, constitué des modes d’expression de la résistance citoyenne.
La résistance et la lâcheté se mesuraient, en effet, à l’aune de l’obstination des uns à respecter leurs habitudes et de la promptitude des autres à s’adapter aux prescriptions des terroristes.

Et dans ce combat entre le courage et la peur, entre la dignité et la faiblesse, l’État n’a pas été du bon côté, à l’image de ce Premier ministre qui proclamait au journal télévisé qu’il avait adopté le nœud papillon parce que la cravate le gênait dans l’exécution de ses prières.

Aujourd’hui, l’alliance est plus dangereuse parce que sous prétexte de “réconciliation nationale” et “de paix retrouvée”, on veut nous faire croire que l’Algérie n’a plus d’enjeu de devenir, alors que l’alliance islamo-conservatrice n’a jamais été aussi entreprenante dans sa mission d’anéantissement national. Et qu’elle est si près du but !

Mustapha Hammouche

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