Pourquoi Yahoo! et Microsoft ont tout intérêt à fusionner

La nouvelle est tombée vendredi après-midi et c’est une véritable bombe : Microsoft fait une offre de 44,6 milliards de $ pour racheter Yahoo! Voici l’annonce officielle : Microsoft Proposes Acquisition of Yahoo! for $31 per Share et la lettre envoyée aux employés de Microsoft : Ballmer’s Internal E-Mail to The Troops Explaining the Yahoo Acquisition.

miahoo

 

(je précise que je ne cautionne absolument pas ce montage réalisé par Bertrand, mais ça m’a bien fait rire…).

Deux éléphants courent-ils plus vite ensemble ?

C’est bien la question à laquelle ont tenté de répondre de nombreux blogueurs et analystes. Car il faut bien avouer que ces deux géants se trouvent dans des situations « délicates« . Yahoo! dont la machine à innover et le programme publicitaire ne fonctionnaient pas ; et Microsoft qui s’enlisait dans différents chantiers (Live, Windows Live, Office Live…) sans réellement convaincre. Il y a bien entendu eu tous ces rachats pour sauver les apparences, mais malgré leurs efforts respectifs, ces deux marques ne pesaient pas lourd face aux Google, SalesForce et autres Facebook. Pour résumer la situation : ces deux là ne sont plus « dans le coup ».

Et pourtant… quand on y réfléchit bien, Yahoo! et Microsoft possèdent une audience considérable et surtout des services bien plus populaires que tous ces réseaux sociaux dont on parle. Hotmail et Yahoo! Mail approchent ainsi chacun les 300 millions d’utilisateurs. Rajoutez à cela les nombreux services satellites comme FlickR, del.icio.us, MSN… et vous avez LE poids lourd incontestable de l’audience (cf. Microhoo! What Does it Mean for Users?).

Poids lourd incontesté de l’audience mais pas du marché très lucratif de la recherche, car Google représente toujours 77% de parts de marché contre 19% pour cette nouvelle alliance (cf. Microsoft veut acheter Yahoo. Ah bon ?). Certes, l’audience est cruciale mais à quel prix ? Car les visiteurs de Yahoo! et de Microsoft sont bien souvent les mêmes. Cette fusion permettrait donc d’augmenter la part d’audience, mais pas le nombre de visiteurs (cf. Microsoft values Yahoo Visitors at $1,200 Each).

D’autant plus que va se poser la douloureuse question de l’arbitrage entre les services concurrents, à l’image de Yahoo! Photos qui a fermé ses portes au profit de FlickR. Pour les premiers pronostics c’est ici : What Would a Combined Microsoft-Yahoo Look Like?

Mais bon, les futurs mariés ne forment pas non plus un couple dépareillé, bien au contraire. Les synergies sont ainsi nombreuses entre les différents services : ceux qui vont être consolidés (Yahoo! Widgets et Sidebar, Yahoo! Messenger et MSN Messenger, Yahoo! Maps et Live Maps, Yahoo! Pipes et Popfly…) et ceux qui sont encore largement sous-exploités (JumpCut, KickStart, Yahoo! Avatars, Yahoo! Games…). Plus de précisions ici : What Microsoft gets for its $44 billion purchase of Yahoo!.

Et à ceux qui pensent que Microsoft et Yahoo! sont dans l’impasse au niveau de la recherche algorithmique, je vous rappelle qu’il faut maintenant compter sur la technologie de Fast rachetée récemment.

Yahoo! ID, la clé de voute de l’édifice ?

Avec toute cette profusion de services mis en commun dans la corbeille des mariés, comment s’en sortir ? Grâce à l’authentification unique bien évidement ! L’authentification unique est le sésame qui ouvre la porte à une collection vertigineuse de services, c’est également le moyen de fidéliser une audience colossale et de développer les usages au sein de cette galaxie de services.

L’authentification unique, c’est également le vieux rêve de Microsoft (Passport ça vous rappelle quelque chose) qu’ils essayent de relancer avec Live ID.

C’est là où Yahoo! ID rentre en scène, ou plutôt devrais-je dire Yahoo! OpenID. En fondant son service d’authentification sur un standard ouvert comme OpenID Yahoo! décuple l’intérêt d’avoir un compte (et une adresse email).

Ceci est d’autant plus intéressant qu’OpenID est une des solutions d’authentification à l’étude au sein du consortium DataPortability. Consortium au sein duquel on retrouve (entre autre) Google et Facebook.

Facebook pourrait être la première cible…

Affaiblir la position dominante de Google est un objectif évident de cette fusion, à long terme. Mais à plus court terme, Yahoo! et Microsoft doivent d’abord évincer les nouveaux entrants qui dérangent : MySpace, Facebook et cie… Au sujet de MySpace, considérons que le problème se règlera de lui-même dans la mesure où malgré une audience encore considérable, ce service est en perte de vitesse faute d’avoir trouvé un second souffle.

Reste le « cas » Facebook à régler. Facebook est-il si dangereux que ça ? Non pas réellement, et ceci pour plusieurs raisons :

  1. Microsoft a déjà mis un pied dans la maison. Rappelons que Microsoft a une réputation de fossoyeur : ils avaient la fâcheuse habitude de racheter des services concurrents pour pouvoir les saborder. Certains analysent déjà ce rachat comme une bourde (cf. Est-ce que l’achat de Facebook par Microsoft a eu un impact sur le membership?).
  2. Facebook ne gagne pas d’argent. Pire : ils anticipent un déficit de 150 millions de $ en 2008 (cf. Facebook Finances Leaked). Ce qui est plus que fâcheux en cette période d’instabilité économique et boursière.
  3. Facebook est un colosse aux pieds d’argile. Toute la valorisation de Facebook repose sur sa base d’utilisateurs. Or, nous savons maintenant que l’équipe ne maîtrise absolument rien, en témoignent les nombreuses fois où ils ont dû faire marche arrière face à la pression des membres (pour la première version du News Feed, pour le Project Beacon, pour la radiation de Scoble). Moralité : le social graph de Facebook ne va pas être si facile que ça à monétiser (cf. Social Networking Inventory Not Monetizing As Well As Expected).
  4. Facebook et sa platform reposent sur une technologie propriétaire. Propriétaire ? Voilà un mot qui appartient au passé, surtout avec des initiatives comme OpenSocial ou la Social Graph API que Google vient de sortir (cf. Google starts linking social networks).

Bref, plus que jamais je réitère mon scepticisme vis à vis de Facebook (cf. Pourquoi je ne crois plus en Facebook) et suis persuadé que les efforts communs de Yahoo! et Microsoft accoucheront d’une offre « sociale » majeure tout à fait crédible.

… et Android la seconde

Il y a un sujet que nous n’avons pas encore abordé, c’est celui de la mobilité. Et il faut bien reconnaitre que dans ce domaine, un rapprochement entre Yahoo! et Microsoft serait intéressant car leurs offres de mobilité sont complémentaires : Yahoo! Go pour les téléphones et Windows Mobile pour les smartphones.

Et il faudra au moins ça pour rattraper le retard sur Symbian (qui possède près de 75% de parts de marché) ou pour contrer l’arrivée d’Android.

Au final ce sont les utilisateurs qui vont gagner

Je suis très optimiste via à vis de cette fusion, c’est ce qui peut arriver de mieux à Yahoo! (qui allait s’effondrer sous son propre poids) et à Microsoft. Je fais ainsi entièrement confiance à Ray Ozzie pour l’intégration de Zimbra et pour redonner un second élan à ces deux géants.

Et puis de toute façon, les utilisateurs y trouveront forcément leur compte : au mieux, les services auxquels ils sont abonnés s’améliorent ; au pire ça stimulera la concurrence.

Reste maintenant au board de Yahoo! d’accepter cette offre…

24 commentaires sur “Pourquoi Yahoo! et Microsoft ont tout intérêt à fusionner

  1. Moi ce que je veux savoir c’est s’il continueraient toujours à développer flickr uploader pour Mac et si flickr serait toujours « universel » (contrairement au live space de Microsoft qui ne fonctionne bien qu’avec IE). Une grosse partie de la problématique ce cette fusion se situe là à mon avis…

  2. La méthode Yahoo! me semble plus intéressante que celle de microsoft. Dans le genre il y aurait vraiment à s’inquiéter (pour l’utilisateur) si Microsoft prenait une place importante dans l’internet. Je me dis qu’une fusion Adobe-Yahoo! aurait peut-être plus de sens et moins de redondance.

  3. pour quel raison 2 gros éléphants pourraient courir plus vite qu’un seul ? visiblement aucune les éléphants c’est pas fait pour courir c’est bien la tout leur problème … :-)

  4. On s’est posé beaucoup de questions sur la « bonne idée » quand Google a racheté You Tube, on s’en pose encore cette fois çi.

    M’êtant complètement planté sur YouTube à l’époque, je pensais que big G faisait une énorme boullette en rachetant ce service, je ne me permettrais pas de commenter le rachat de Y! par M$.

    Par contre je te rejoins tout à fait sur Facebook qui semble avoir un « projet » de modèle économique au niveau de son ergonomie (c’est pour dire…)

  5. « au final ce sont les utilisateurs qui vont gagner »

    Permet moi d’en douter. A chaque fois que microsoft a eu une position forte quelquepart, il en a profité pour saccager le domaine afin de proposer des « solutions » incompatibles et propriétaires. On a vu les dégâts dévastateurs de IE. Microsoft est aussi une teigne pour tout ce qui est respect de la vie privée.
    Quand a l’intérêt pour l’augmentation de son audience, combien d’utilisateurs de flickr et delicious ont fait ce choix pour l’indépendance de ces services et vont s’empresser de déménager (Vive smugmug :-).

  6. Ce que je pense de tout ça, c’est que MS se paye le moteur de recherche immédiatement derrière Google et la régie pub qui va avec. Pour le reste, au-delà de synergies basiques, je pense que les cultures d’entreprises sont suffisamment eloignées pour créer de grosses difficultés à fédérer tout ça et augurent de fuite de talents chez Yahoo!.
    Quand à Facebook, je ne serait pas trop catégorique. MS a investi dans Facebook à cause du marché pub que cela représente et pour y placer sa régie. Avec l’acquisition de Yahoo!, c’est clairement la pub online qui est en jeu. Facebook a comme problème d’être positionné partout et nulle part (moteur de recherche de personne, pages personnelles, networking, partage de contenus, micro-communautés, etc.). Le service est à la croisée des chemin et est déjà moins tendance. L’heure est venu pour lui de fixer son positionnement et surtout, dans la tête de ses patrons, de dégonfler un peu de la tête pour retrouver de la lumière.
    Non, avec Miahoo, ce qui me laisse vraiment perplexe c’est l’avenir de la logique technologique ouverte de Yahoo!. Comme tu le soulignes, les pépites ce sont les Yahoo.OPenid et les services à fortes API comme Flickr. Et puis j’aime beaucoup la manière dont l’équipe Yahoo! partage et fait vivre sa politique de développement.
    Sinon, ce qui me frappe surtout, c’est le prix et l’urgence qu’il traduit pour Microsoft.

  7. Qui vivre verra. Le pb de ces deux mastodontes est la dilution des services. On est complètement noyés par des réseaux sociaux, des moteurs, des partenaires, des applications, également yahoo Q/R… qu’au final on ne s’y retrouve plus vraiment.

    A voir peut être réorganiser tout ça sur une belle page toute propre. Et surtout, garder une URL une bonne fois pour toutes (cf Live search)

  8. Pour le logo rendons à Cesar ce qui est à Cesar : l’idée m’a été soufflée par Hervé Kabla et la réalisation vient d’une amie à qui j’ai moi moi-même soufflé ce « bon mot ». Très collaboration 2.0 en fait ;-)

    Ce qui est frappant finalement c’est que la question des bénéfices de ce rachat est double :

    – est-ce que ce cela laisse présager une réelle valeur ajoutée pour l’avenir ? La réponse est plus que mitigée.

    – avaient ils d’autre choix ? La réponse semble être manifestement « non ».

  9. Heu… Ce MiaHoo! résonne comme mon « Do You Miaouw! », qui est un évident clin d’oeil à Yahoo! :o))) .oO(dommage que je n’y ai pas pensé)

    Plus sérieusement, je pense que Yahoo! n’a plus actuellement les moyens de se comporter comme un géant du Web, et que faute d’accepter cette acquisition, il devra se recentrer sur ses activitées les plus rentables. Microsoft n’étant pas apte lui non plus à faire face à Google à court terme, son hégémonie risque de perdurer un bon moment…

    Même si je préférerais que Yahoo! reste indépendant, cette alliance induirait une meilleure concurrence, et relancerait la course à l’innovation… Car du coté de Google, depuis leur moteur et les AdSenses, ils n’ont RIEN inventé, et ils ont même pratiqué la même méthode d’assimilation que Microsoft pour les services qu’ils ont lancés… Amusant de voir que leur critique envers cette acquisition s’appuie sur ce que Google fait lui-même depuis 3-4 ans.

    Il ne faut surtout pas exclure un refus de Yahoo! ; avec un retour à un niveau acceptable de l’action, et une bonne stratégie de repli, cette proposition précoce de Microsoft peut être l’électrochoc dont a besoin la marque pour passer cette crise.

  10. Vraiment tes notes sont passionnantes !
    Merci pour ca !
    (com a caractère peu intéressant mais sincère)

  11. Donner un nouvel élan à Microsoft ?
    Hum… Microsoft est un bulldozer qui avance plus lentement que les autres mais qui s’appuie sur sa plateforme Windows pour être incontournable.
    Pour lui donner de l’élan il faudra plus que le rachat de Yahoo!
    Yahoo! pouvait vivre encore longtemps sans être un leader sur le search, il n’avait pas que çà comme source de revenue.
    Et Google n’est un géant que sur le web, pour tout le reste Microsoft le dépasse de loin (logiciels, consoles, jeux, images, serveurs, IM, téléphonie mobile, brevets, etc).
    D’autre part je ne comprend même pas comment on peut comparer Facebook avec Microsoft. Facebook est un petit poucet à côté.
    Non vraiment cette affaire représente encore la perte d’une icône du web au profit d’un appauvrissement de l’écosphère du net. Je ne vois pas grand chose de bon à en retirer.
    A part pour ceux qui ont des actions Yahoo! évidemment…

  12. Je te trouve bien optimiste. Je n’ose imaginer ce que deviendraient les Flickr et cie sous le rouleau compresseur Windows Live, souvent de facture très moyenne et qui n’accepte guère que IE. Autant dire que les Mac users peuvent aller se faire cuire un oeuf!

  13. hmmm… perso je suis de l’avis des septiques… cultures trop différentes.
    Y! est fun, ouvert, novateur, tout le contraire de M$. Les équipes ne pourront pas travailler ensemble, les cerveaux de Y! vont se sauver… cher Google. Sans compter que pas mal d’utilisateurs des services Y! vont peut-être changer de crémerie par éthique en voyant le bulldozer arriver.

  14. Jerry n’a pas du tout envie d’une alliance avec MS en tout cas, et il le fait savoir.
    Personnellement, je considèrerais ça comme une catastrophe. J’ai pas envie d’un Yahoo aussi ignoblement moche que MSN, j’ai pas envie que Yahoo devienne aussi nul que MS (comparez leurs moteurs de recherche…), et je n’ai vraiment, vraiment pas envie de voir une seule boite avoir une telle emprise sur le mail et les IM.

    Olivier > Google n’innove plus depuis adsense ? Ah ah ah ! Et Google Docs, Google Maps, Google Earth… ou encore ce qu’ils ont montré récemment pour la localisation spaciale des portables ?
    et même Google Mail qui a été l’un des premiers en Ajax et qui a obligé les autres à augmenter sérieusement leur capacité de stockage, changeant l’utilisation de leur boite mail pour bon nombre d’utilisateurs.

    Et dans des activités annexes, les projets de google.org sont vraiment intéressants.

    Bref, Google est une boite toujours innovante.

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